25 février 2012

Croire, enfin !


A propos du livre de Joseph Moingt, Croire quand même 

Le christianisme est l’ensemble des contresens qui ont été faits sur le Christ. J’ignore si Joseph Moingt approuverait cette paraphrase d’un jugement que le philosophe Michel Henry appliquait il y a trente cinq ans à Marx et au marxisme. Mais c’est le sentiment, à la fois terrible et stimulant (ou terriblement stimulant) que j’ai retiré de la lecture de son dernier livre (paru !). Toutes révérences gardées envers Celui qui n’a sûrement pas voulu fonder en sa personne la religion qui s’est attribuée son nom, versus celui qui eut la chance de ne pas voir quel totalitarisme fut conçu sous son égide au siècle dernier.

Croire « quand même ». Malgré tout. En dépit de. La lucidité n’a pas tué l’optimisme de Joseph Moingt, s.j.. Son livre est celui d’un jeune homme pour le moins… expérimenté (à 95 ans), qui nous répète « la religion, c’est foutu » - il le pense d’ailleurs depuis longtemps - mais pour mieux nous tourner vers l’éternelle vigueur de l’Evangile et de la personne qui l’annonce et qui y est annoncée, Jésus virgule Christ. Si la religion chrétienne est morte, du moins se meurt, si le christianisme n’a eu de cesse de « désenchanter le monde », selon la formule de Marcel Gauchet, qui voit en lui « la religion de la sortie de la religion », que reste-t-il de nos amours à nous autres, enfants de Vatican II ? La foi et le peuple de Dieu.

Il y a du soixante-huitard réactivé chez le père Moingt. A cette époque déjà, le clivage entre foi et religion était en vogue pour discerner le bon grain de l’ivraïe, le pur de l’impur. Et le « peuple de Dieu » était invité, à l’instar du peuple de France, à prendre le pouvoir dans l’Eglise, renversant ses clercs et son Magistère. Relire par exemple les productions des jeunes dirigeants de la JEC de l’époque, les Viveret et Sueur qui, bénis par Mgr Matagrin, ont fait depuis leur chemin sous d’autres cieux,  politiques ceux-là.

Chemin lisant, je me suis aussi souvenu d’un dimanche au Bec Hellouin. Le père abbé d’alors, le grand Dom Grammont, commentait Luc 18,8 : « Mais le fils de l’homme, en venant, trouvera-t-il la foi sur terre ? » Après le verbe trouver, lançait-il, il ne faut pas entendre « encore… » mais « enfin !». La foi, qui doit  sauver non pas seulement les chrétiens mais l’humanité et même l’univers entiers, n’est pas à chercher dans un passé glorieux dont il faudrait restaurer les effets de domination constantinienne. Non, elle est devant nous, elle vient au devant de nous, dans les figures de l’enfant et du pauvre, les seules qui méritent nos génuflexions.

Il ne s’agit donc pas de colmater les brèches d’un navire qui fait eau de partout. Le père Moingt prendrait plutôt joyeusement la hache pour les agrandir. Pour lui, la crise des vocations va peut-être sauver l’Eglise. C’est pourquoi, assez malicieusement, il s’inscrit dans la plus pure orthodoxie vaticane, déconseillant de se mettre à ordonner des femmes ou des hommes mariés, ce qui risquerait de retarder le processus de décomposition en cours, salutaire pour passer à autre chose.

Quelle autre chose ? L’avenir du catholicisme n’est assurément pour lui ni dans les messes Motu proprio, ni dans les charismatiques-évangéliques-dévisseurs d’ampoules. Il est dans les mains de ceux qui quittent aujourd’hui l’Eglise sur la pointe des pieds (ou parfois bruyamment) en emportant l’Evangile comme seul viatique. Le père Moingt ne leur dit pas « restez dans l’institution » mais « devenez chrétiens là où vous êtes », dans vos communautés de vie actuelles et dans celles que vous inventerez, jamais seuls car la foi n’est pas une aventure solitaire, mais pas forcément uniquement entre vous. Levain dans la pâte humaine pour une nouvelle fournée de « catholiques » vraiment universels. Avec ou sans Dieu, mais enfants d’un même Père.

Croire quand même - Joseph Moingt - Temps présent (243 pages, 19 €)


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