20 mars 2012

Alger-Toulouse, d'une minute de silence à l'autre

L’Histoire bégaie-t-elle ? De quelles secrètes correspondances est-elle parcourue ? Le goût des hommes pour les plus sombres anniversaires y est-il pour quelque chose ?

Le 19 mars 1962, le ministre de l’Education de l’époque, Lucien Faye, avait décrété qu’une minute de silence fût observée dans toutes les écoles de ce qui était alors la France. Quatre jours auparavant, le 15, un commando de l’OAS, dirigé par un lieutenant-parachutiste déserteur Roger Degueldre, avait assassiné à El Biar, dans la banlieue d’Alger, six inspecteurs de l’éducation engagés dans la cause des enfants en difficulté, dont le poète algérien Mouloud Feraoun. Dans son message, le ministre rappelait que ces hommes, musulmans, chrétiens ou libres penseurs, venaient de « tomber au champ d’honneur de leur travail. »

Le 19 mars 2012, un homme* vient d’assassiner dans une école judaïque un autre homme et trois jeunes enfants. Il a sans doute déjà tué trois autres militaires, d'origine arabe ceux-là. C’est peut-être lui-même un ancien militaire.

Le 20 mars 2012, une minute de silence est décrétée par le ministre de l’Éducation Luc Chatel dans toutes les écoles de France pour honorer la mémoire de ces vies interrompues.

Le 19 mars 1962, il y eut quelques jeunes gens pour refuser de s’associer à cette minute de silence. Patrick Buisson, qui avait alors 13 ans, fut l’un de ceux-là. Il est aujourd’hui conseiller du président Nicolas Sarkozy. A Angoulême, pour ce que j'en sais, trois élèves furent exclus du lycée Guez-de-Balzac au motif de ce refus. Si l’on doit se taire un instant, plaidaient-ils à l’époque, que ce soit en l’honneur des victimes des deux « camps », celles du FLN comme celles des tenants de l’Algérie française, celles de l’OAS comme celles des barbouzes gaullistes, et non d’un seul.

Cinquante ans après, l’émotion semble submerger les mobiles politiques et la Nation. Qui aura manqué à l’appel aujourd’hui ? Et pourquoi ?

* Quand j'ai écrit cette chronique, l'assassin de l'école juive Ozar Hatorah,  Mohamed Merah, n'avait pas encore été identifié.

12 mars 2012

Le drame intérieur de Jésus



Jésus tel qu'en lui-même


Comme l'écrit Christoph Theobald dans sa préface au « roman » de Raymund Schwager, Dem Netz des Jägers entronnen produit dans le lecteur quelque chose du drame qu'il met en scène en Jésus même. C'est sa grande force. Une autre est de ne faire parler et agir Jésus qu'à la lumière des Ecritures vétéro-testamentaires, à trois exceptions près si on en juge par l'index des références bibliques de son texte. Ce qui souligne ipso facto le lien étroit qui unit l'Ancien et le Nouveau, puisque ce choix exclusif se remarque à peine, tant Jésus semble évoluer naturellement, tel un évangile fondu vivant dans le milieu juif de son temps. 

Le récit s'organise en cinq actes : trois qui précèdent la Passion, et deux post-pascals. Schwager s'efforce de mettre en scène la chose la plus intime qui soit : la prise de conscience par Jésus de sa divinité, ou du moins de sa mission. Ce point de vue est justifié en épigraphe par une citation d'Hans Urs von Balthasar. Le théologien allemand affirme que Jésus n'a pas trouvé sa mission préfabriquée au berceau mais qu'il a dû « avec toute sa responsabilité libre, la former à partir de lui-même, et même, en un sens véritable, l'inventer. » Comme toute personne, à la vérité. 

Pour cette invention, Schwager se sert de la figure énigmatique du « fils de l'homme » rapportée par les évangélistes. On sait la place singulière qu'elle occupe. Ce titre n'est employé dans les évangiles que par Jésus lui-même. Nul ne l'appelle ainsi ni ne le fait parler sous ce nom. Et quand Jésus parle du « fils de l'homme », on n'est jamais certain qu'il parle de lui-même ou d'un autre. Cette ambiguïté est d'ailleurs la meilleure preuve de l'authenticité de l'appellation, sinon on ne voit guère pourquoi les évangélistes s'en seraient embarrassés. Chez Schwager, « le fils de l'homme » devient un alter ego, un modèle auquel Jésus va s'identifier progressivement. 

Après une sorte de prologue consacré à la vie cachée (« maturation dans le silence »), le premier acte retrace les débuts de la mission, avec l'annonce centrale du royaume de Dieu. La résistance que rencontrent cette annonce et l'appel à entrer dans ce royaume infléchit la prédication de Jésus. C'est le deuxième acte : « le jugement et l'enchevêtrement dans le mal ». Le voile posé sur les peuples et le suaire sur les nations (Isaïe 25,7) ne se sont pas soulevés, le « fils de l'homme » marche désormais vers sa Passion. C'est le troisième acte, « crucifié en victime de blasphémateurs violents ». Après Pâques, le quatrième acte orchestre les rencontres post-pascales au temps du ressuscité, « échappé au filet de l'oiseleur » selon le beau titre allemand original. Le cinquième et dernier acte voit la naissance de la jeune Eglise, la « nouvelle vigne » qu'accompagne l'Esprit saint. L'annonceur est devenu l'annoncé. 

Schwager s'essaie à reconstituer dans son récit les choses à leur naissance même, non encore embarrassées par les arguments de la théologie paulinienne, mais en restant étonnamment fidèle au Credo ultérieur de l'Église. La vraie réussite de Schwager est d'ailleurs celle-ci : d'une tentative de biographie a-théologique qui semblait faite pour nous rapprocher du Jésus de l'Histoire, il fait un chemin d'Emmaüs d'où nous sortons tout brûlants de la présence ressentie du Christ ressuscité.


Le drame intérieur de Jésus - Raymund Schwager - Salvator - 224 pages, 22 €


L'omelette du parti Renaissance

 Avec ce tract pondu cette nuit à 2 h 39 dans les boîtes à lettres électroniques, les équipes du parti Renaissance ont atteint ce qu'on ...