23 décembre 2019

Une bête au Paradis

Genre : #balancetonporc bucolique



            Aimer encore

Un grelot du passé tinta en elle.
Pendant quelques secondes, son oreille fut emplie de ce son tordu qui venait de loin.
Elle l’entendit, ce grelot furieux que le moindre battement de cœur bousculait.
Elle portait ce drôle d’enfant à une voix, cet instrument étrange, ce bégaiement aigu,
insupportable s’il durait trop, résonnant du crâne à l’orteil.


« Vous êtes arrivés au Paradis ». C’est écrit tôt, sur la première page, et par ce simple écriteau, Cécile Coulon nous jette dans son domaine sans crier gare, où la tragédie est déjà consommée. Depuis I.N.R.I*, on sait ce que valent les pancartes et le poids d’ironie douloureuse qu’elles portent.

Cécile Coulon, c’est Mauriac sans Dieu. En apparence, aucune figure tutélaire ne se tient derrière ses personnages pour commander, infléchir ou interdire leurs sentiments et leurs actes. À moins de se référer au Deus sive natura de Spinoza. Car chez Coulon, c’est la nature qui est à vif, c’est elle la première source de toutes les émotions, leur unique matrice, c’est elle qui dirige le cours des choses avec sa force poétique, jusqu’à leur accomplissement. Face à la Nature et contre elle, le monde des intérêts humains tente de tisser sa toile, de se glisser insidieusement dans les esprits et de les corrompre pour détruire les paysages et les lignées que ceux-ci ont portées. Ce monde violent va prendre le visage séducteur d’Alexandre, venu tout droit du vert paradis des amours lycéennes pour fracasser en deux temps le Paradis vert d’Émilienne et de ses petits-enfants, Blanche l’aînée et Gabriel le petit frère brisé. Louis, l'ado blessé recueilli par Émilienne, le valet de cœur jaloux, sera au final bien mal récompensé.

Les fidèles de L’Iconoclaste ne manqueront pas de relever des correspondances entre le roman d’Adeline Dieudonné paru l’an passé, La vie sauvage, et celui de Cécile Coulon publié cette année, Une bête au Paradis, comme si le sauvage de l’une avait appelé la bête de l’autre. Chacun d’eux commence en roman d’apprentissage, parfumé d’enfance au point qu’on pourrait les penser tous les deux destinés à la jeunesse. Mais très vite les drames arrivent et les prédateurs sont là ou se préparent. Les femmes et les enfants vont-ils se rebeller ? Oui, car l’heure de la revanche a sonné. Les masques publics vont tomber, qui recouvraient les dominations domestiques, les raclées infligées aux épouses, aux enfants, aux animaux. Les manœuvres, les promesses non tenues, les manipulations du sentiment féminin, les confiances détruites, forment une gigantesque addition qui s’abat au final sur les menteurs et les violeurs d’âmes et de corps. Les hommes brutaux, faillis, infidèles, trompeurs seront abattus ou livrés à une mort abjecte, en châtiment de leurs vies impitoyables. C’est une justice expéditive qui est rendue. Point n’est besoin de contre-enquête ni de procès pour les lecteurs. Le récit des victimes acculées à la folie par leurs autrices suffit à faire foi, il ne sera pas utile d’y mêler ni police ni avocats ni juges avant de venger d’un coup, comme à Guignol, des années de persécutions.

Est-ce si simple ? « Celle-là surmontera tout. » Ce fut le pronostic de l’instituteur devant les autres adultes quand Blanche revint à l’école, avec son petit frère Gabriel, après la mort brutale de leurs parents dans un accident de voiture, à deux pas du Paradis. À relire le prologue d’Une bête au paradis, rien n’indique que Blanche, en surmontant tout, à sa manière, ait trouvé dans la vieillesse un quelconque apaisement. Quel « grelot du passé » tinte encore en elle quand elle fleurit chaque jour la fosse à cochons désertée ? Est-ce le souvenir de celui en qui elle avait cru, ou ces quelques pétales saluent-ils, de leur beauté sauvage et désespérée, le sentiment, bafoué et enfoui dans le sang ?  Le « Bildungsroman » s'est mué en conte d'avertissement. 

***

* I.N.R.I abréviation romaine de IESVS NAZARENVS REX IVDAEORVM. Il s'agit, selon évangile de Jean, du sigle que Ponce Pilate fit graver sur l'écriteau posé au-dessus de Jésus en croix, écrit en trois langues, hébraïque, grecque et latine et qui signifie Jésus de Nazareth le Roi des Juifs (ou Judéens, selon les traductions) Cf. Jean 19, 19-22.


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