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12 août 2024

Circenses et... panem

 

                       Lucie Castets à Lille                         Emmanuel Macron en Nouvelle-Calédonie

CIRCENSES ET... PANEM

C'est l'heure. La trêve est finie. Après les jeux, le pain. Il va falloir sortir du frigo olympique les résultats du scrutin de juin. Lucie Castets, 37 ans, haute-fonctionnaire tout droit extraite de la vie municipale parisienne, est prête à l'ouvrir, la main sur la porte. Par quelques déplacements en province (Lille, La Chapelle-Saint-Mesmin...) elle a commencé d'accréditer sa stature de "première ministrable". 

Dans l'interview du chef de l'État, le 23 juillet, qui a suivi d'une heure à peine sa désignation par le Nouveau Front populaire comme candidate au poste de Première ministre, le président de la République émettait le voeu que le front républicain qui avait écarté le RN du pouvoir soit aussi celui qui gouverne. La question qui demeure pendante est : le Nouveau Front populaire d'opposition est-il soluble dans un front républicain de gouvernement ? Emmanuel Macron appelait de ses voeux des compromis qu'il a pourtant écrasés dans l'oeuf depuis deux ans à coups de 49.3. Ces compromis peuvent-ils maintenant surgir de terre ? Ceux qui se sont unis contre, peuvent-ils se réunir pour ? Lucie Castets pourrait-elle faire entrer des ministres centristes, macronistes, voire LR dans son gouvernement ? Elle n'y semble pas disposée a priori. C'est sur la "proposition du Premier ministre" que le président "nomme les autres membres du Gouvernement". Dans la pratique de la Ve République, il ne n'apparaît pas qu'un Premier ministre ait jamais pu imposer un ministre contre l'avis du Président. 

Reste que s'il n'admettait pas que les résultats des élections législatives doivent ouvrir une période de cohabitation, comme il y en a déjà eu sous la Vème République, au prétexte qu'aucun des trois "blocs" n'a à lui seul la majorité à l'Assemblée nationale, Emmanuel Macron commettrait sans doute une faute politique aux conséquences imprévisibles.

11 juillet 2024

Merci Macron !

Mirabeau devant Dreux-Brézé le 23 juin 1789 


Pour François Ruffin



Plutôt que de pester ou gémir devant la Lettre du président Emmanuel Macron aux Français et d'y voir l'ultime manœuvre dilatoire d'un autocrate en bout de course, je propose d'y reconnaître l'invitation, encore implicite, à ouvrir immédiatement un chantier, à conduire pendant l'expédition des affaires courantes et les JO : l'élaboration de la Constitution de la VIème République, qui, seule, mettra fin à la crise de régime en cours. Prendre au mot le président.

Si on lit bien cette lettre, Emmanuel Macron :
1/ reconnaît la défaite de sa majorité (qui n'en était déjà plus une depuis 2022) en recevant la "demande claire de changement et de partage du pouvoir" qui s'est exprimée dans le résultat des élections ;
2/ définit les "forces politiques", légitimes, auxquelles il s'adresse comme celles qui ont formé le "front républicain" qui a refusé que l'extrême droite arrive au pouvoir, autrement dit tout l'hémicycle hormis le RN (incluant donc l'ensemble des composantes du Nouveau Front Populaire 2024, LFI compris, contrairement à la rhétorique préélectorale antérieure du pouvoir en place qui refusait les "extrêmes", cf. le "ni ni" d'un Édouard Philippe)
3/ invite ces "forces politiques" de l'arc républicain bâtir "une majorité solide, nécessairement plurielle" [je souligne] sous l'égide du front républicain qui les a élues, toutes voix mêlées par le jeu des désistements et des reports. Faut-il rappeler ici que des LR, des Modem, des Renaissance, doivent leur élection à des électeurs du Nouveau Front Populaire 2024; et qu'inversement des députés du Nouveau Front Populaire 2024 doivent leur élection à des électeurs de droite ? Ce métissage électoral doit déboucher sur celui des programmes et "l'invention d'une nouvelle culture politique française".
4/ Ce "en même temps" républicain auquel aurait conduit le dernier scrutin accomplirait donc "l'esprit de dépassement" des clivages partisans que le président a toujours "appelé de ses vœux".
CQFD ?

Nous sommes donc vraiment à un moment-clé de la République : la fin de la Vème, provoquée par cette dissolution et son résultat. La Constitution de 1958 upgradée en 1962 a donné tout ce qu'elle pouvait donner, y compris l'utopie macroniste qui s'est cristallisée dans la formule du « en même temps », formule qu'elle ne pouvait pourtant pas porter entièrement, encore tributaire de la loi majoritaire et du parti unique, dont l'ultime incarnation française aura été « En Marche », progressivement défaite.

En dissolvant l'Assemblée nationale au soir des élections européennes, le président a ouvert, « à l'insu de son plein gré », une nouvelle ère politique dont le premier acte ne peut être que l'élaboration de la Constitution d'une VIème République, capable de supporter la nouvelle donne de la démocratie française : la fin de la monarchie républicaine, le gouvernement par l'accord des minorités, la République des idées. Merci Macron !

Finie la politique comme religion dogmatique, finis les totems de la gauche comme de la droite, lourds et inamovibles : l'égalité formelle, l'âge de la retraite, le SMIC, l'ISF, les nationalisations, etc. versus la libre entreprise, les « lois » du marché, la critique de « l'assistanat », etc.. Place à l'agilité des idées face à un monde mobile et saisissable, à ces idées qui peuvent emporter l'adhésion au-delà des anciens clivages partisans et de leurs œillères.

Finis aussi les partis majoritaires exerçant leur hégémonie : en récusant le RN, les électeurs ont non seulement écarté l'extrême-droite paranoïaque, antisémite, antimusulmane, xénophobe, athée, homophobe, nationaliste et antieuropéenne, mais aussi et surtout le fantasme obsolète du parti majoritaire voire unique, voie directe vers le totalitarisme fascisant dont les incarnations ne manquent pas de par le monde. Place aux formations politiques multiples innervées non seulement par les corporatismes mais aussi par les mouvements et les idées servant le bien commun. C'est autour de ces communs que la discussion politique, citoyenne, doit se nouer, ce que quelques grands débats citoyens ont tenté d'esquisser, dont des référendums auraient dû appuyer les conclusions. Le lobbying doit y être accueilli aussi : mieux vaut qu'il énonce et défende ses intérêts économiques privés au grand jour que dans le secret des alcôves ou des dîners en ville (l'un n'excluant pas l'autre, la lutte des classes n'est pas morte).

Le seul enjeu de la période qui vient de s'ouvrir : que l'actuel Parlement, RN compris cette fois, prenne le président au mot - n'avait-il pas intitulé son manifeste de candidat, Révolution ? - et se mue, profitant de sa récréation forcée, en assemblée constituante qui accouchera de la Constitution de la VIème République et la soumettra à référendum au peuple français. Chiche ?

25 avril 2022

Une bien étrange soirée électorale


La défaite en chantant

Marine Le Pen exprimait un soulagement manifeste - presque une joie - d'avoir à nouveau perdu l'élection présidentielle pour mieux rebondir vers une déculottée aux législatives. En soulignant que la marque Le Pen était responsable de son huitième échec, Zemmour n'a pas manqué d'enfoncer son coin et de prétendre à  la succession de cette lignée familiale défaite et jugée définitivement  incapable d'exercer quelque pouvoir que ce soit. Les discussions à l'extrémité de la droite, elle aussi fracturée, vont être savoureuses. Ces gens-là se foutent du "peuple" comme de leur première chemise. D'ailleurs l'accent mis sur le "pouvoir d'achat" dans la campagne montre le mépris dans lequel la famille de Montretout le tient : il n'est justement pas question de conférer au "bon peuple" un autre pouvoir que celui de survivre. Curieusement, le banquier qui les a fait rejouer et déjouer une nouvelle fois, n'est guère plus inspiré quand il brandit des "pass" ou des "chèques" (sic), comme ces nobles d'Ancien régime qui jetaient des écus aux manants, de la fenêtre de leurs carrosses.

La victoire absente

Côté jardin, la scénographie de l’arrivée d’Emmanuel Macron au Champ-de-Mars était troublante. Il surgissait de la nuit, tenant la main de sa femme Brigitte, suivi par une cohorte d’enfants de tous âges, au son de l’Hymne à la joie de Beethoven, l’hymne de l’Union européenne. L’image n’arrivait pas à être joyeuse. Peut-être parce qu’elle évoquait irrésistiblement le terrible conte des frères Grimm, le joueur de flûte de Hamelin : vers quel destin ce président allait-il emmener les enfants de France ? Peut-être aussi parce la femme à ses côtés, le visage crispé, n’avait jamais paru aussi frêle ni aussi inflexible et que les brandebourgs de son dolman évoquaient, dans la nuit parisienne, les blanches côtes d’un squelette d’Halloween, vision d’une farce mi-maladive mi-tragique. Jamais non plus il n’est apparu aussi clair qu’il y avait un couple au sommet de l’État, ce que le témoignage récent de l'ancienne députée LREM, Frédérique Dumas, atteste*. Car à côté du tandem Macron-Kohler, le couple Emmanuel-Brigitte semble ordonner les décisions prises tant à l’Éducation nationale qu’à la Culture, rien d’important ne s’opérant semble-t-il dans ces deux ministères sans l’aval de celle qui fut enseignante et professeur de théâtre de son futur mari et président de la République.

Côté cour, sur le plateau de la télévision publique, on ne pouvait pas ne pas remarquer la réapparition de deux anciens membres du Parti socialiste, Ségolène Royal et Manuel Valls. Le second allait d’ailleurs fermement récuser la vieille étiquette politique que le banc-titre de la télévision avait accolée par erreur à son nom, tandis que la première, qui n’a pas ménagé son soutien au président reconduit, apparaissait dans la lumière du studio plus jeune et déterminée que jamais. Un Premier ministre qui serait une femme de l’ancien monde, teintée d’écologie, ça ne vous dit rien ? Un ancien Premier ministre qui repiquerait au gouvernement après une traversée du désert catalan, vous ne voyez pas qui ? Deux belles "prises" comme on dit désormais ?

Et maintenant ?

Le discours du nouveau président, lui, a sonné étrangement creux, comme le cortège qui le précédait, attendant de poussifs applaudissements que ses pauses mal calculées ne réussissaient pas à susciter. Ce n’est pas la mise en scène qui sauvera ce quinquennat, même si le spectacle s’est emparé depuis longtemps de la vie politique. Il va falloir une écriture solide pour faire apprécier la pièce qui va se jouer. Emmanuel Macron l’a-t-il compris ? Il paraissait lui aussi absent de ce moment, presque transparent, tel un élégant pantin mécanique doté à nouveau de tous les pouvoirs mais fatigué d'avance. Ou c’est nous qui étions sans illusions après avoir écarté le pire ?

* Ce que l'on ne veut pas que je vous dise - récit au cœur du pouvoir - Frédérique Dumas - Massot éditions (363 pages, 21,90 €)



Adieu Fabrice

Mardi 11 février 2025, adieux à Fabrice Zimmermann. J’aurais voulu dire quelque chose – déformation professionnelle ? – mais il ne me venait...