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08 avril 2022

En thérapie, saison 2



Le Covid m'a permis de visionner en deux jours la nouvelle saison d'En thérapie, qui m'a paru plus riche et passionnante encore que la première. Les acteurs sont talentueux et sans doute remarquablement dirigés et filmés dans ce huis-clos d'une maison du Pré-Saint-Gervais, d'où l'on s'évade parfois, car, outre les séquences au Palais de Justice, un jardinet fait sas entre le monde et le cabinet, et parfois scène extérieure, lieu d'un mi-dire en quelque sorte.

Chaque analysant pose à un moment ou l’autre la question « que dois-je faire ? » et attend de l’analyste qu’il y réponde à sa place, de sa place de « sachant ». Le premier travail de l’analyste, le plus élémentaire, est justement de résister à répondre à la place de son patient, développant l’impatience de celui-ci, sa frustration même. Et son agacement devant l’inévitable renvoi : « Et vous, vous en pensez quoi ? ». Le sujet est « supposé savoir », selon la formule connue, savoir de son désir inconscient que l’analyste a pour but de laisser son analysant déployer. 

L’autre problématique développée, c’est celle du « sauveur ». Philippe Dayan (Frédéric Pierrot) est-il atteint par le syndrome du sauveur, c’est ce que Claire (Charlotte Gainsbourg), sa « contrôleuse », lui laisse entendre. Au fond le sentiment d’échec qu’éprouve Dayan vient non pas tant du constat qu’il ferait que ses patients ne guérissent pas mais qu’il ne parvient pas à les sauver, le renvoyant à une fêlure ancienne, entrevue mais brouillée par l'image de son père. Car « sauver », ce n’est pas soigner – obligation de moyen - ni même guérir – devoir de résultat – mais c’est arracher à la mort, rendre à la vie, quasiment ressusciter : figure de l’impossible. Sauver renvoie à la question, cruciale c’est le cas de le dire, du salut, avec ou sans majuscule. 

À noter que le mot Dieu n’est, je crois, jamais prononcé par aucun des personnages de la série. Pour paraphraser un constat fait à propos de Jésus, Freud est juif et ses disciples ne le sont pas. Les interprètes sont bien seuls au monde, désormais.

Ce que la série montre très bien pour chaque analysant, c'est le lent processus d’anamnèse inhérent à toute démarche d’analyse, comment tout souvenir retrouvé en cache un autre, comme dans un jeu de poupées gigognes. Au fond, tout souvenir est un souvenir-écran et cette régression-progression semble ne jamais devoir s’arrêter, qui commence au constat d’une répétition et à l’émergence chez l’analysant de la question lancinante : « qu’est-ce que ça répète ? ». 

Ce que démontrent les quatre « cas », outre celui de Dayan l’analyste, c’est à quel point l’entrée en analyse détruit l’équilibre précaire de chacun, précisément parce que cet équilibre était devenu insupportable, mais sans que rien ne garantisse qu’un nouveau lui sera substitué au terme, s’il y en a un, de l’analyse. D’où la tentation récurrente pour chaque analysant, « d’arrêter », quand il constate qu’il « perd », que le sol se dérobe sous ses pieds, sans aucune assurance de regagner quoique ce soit. L’analyse est la promesse douteuse d’un qui perd gagne que seul étaye la foi-confiance nouée dans le transfert mais régulièrement minée par le doute.

La culpabilité, le sentiment d'imposture, traversent et taraudent tous les personnages, tantôt échos précieux des événements vers lesquels ceux-ci pointent, malgré l'amnésie traumatique ou le simple flou qui engloutit le passé, tantôt leviers pour soulever les pierres tombales, affronter les fantômes, ces "travaux dans l'inconscient du secret inavouable d'un autre" (selon Abraham et Torok).

Ainsi, Inès (Eye Haïdara) devra retrouver la blessure originelle derrière la « malédiction de la tante Ahoua ». Lydia (Suzanne Lindon) va devoir découvrir l’origine de son refus-peur de soigner son cancer. Le jeune Robin (Aliocha Delmotte) harcelé au collège, écartelé par ses parents, Léonora (Clémence Poesy) et Damien (Pio Marmaï) et le choix auquel leur séparation semble le contraindre, va devoir comprendre qu’il peut continuer à vivre même si l’union qui l’a mis au monde se défait. Alain (Jacques Weber), le chef d’entreprise voit ressurgir, avec le suicide d’une de ses employées, le spectre de son frère Michel, son fantôme, à la racine de sa culpabilité. 

Claire est le miroir idéal de la pratique de Dayan et des impasses qui la constituent, malgré lui, et en font la valeur qu’il n’arriverait plus à reconnaître sans elle. Le 35ème et dernier épisode de la saison 2 voit se dérouler l’ultime rencontre entre Claire et Philippe (Dayan). La séance de supervision se transforme rapidement en un échange confraternel – Claire parle de « résonance entre confrères » - poussé par Dayan qui interroge Claire sur les origines de sa vocation de psychanalyste. Au démarrage, Claire a pointé chez Dayan un syndrome du sauveur lié selon elle à un « besoin impérieux de reconnaissance » dont elle juge qu'il a corrompu peu à peu la position initiale d’analyste de son confrère et lui a fait commettre des "imprudences". C’est alors que Dayan amène Claire à exposer les origines, les raisons, de sa vocation. Comment le succès de son livre, Sacha, qui l’a fait connaître à Dayan, l’a aussi arrachée à Lyon pour la jeter dans les bras de son éditeur, dont elle lâche le prénom, Damien, mais cet « emballement qu’on prend pour du désir » - elle renvoie Dayan à ce qui lui est arrivé avec Rebecca - n’a pas duré. Devant ce succès éphémère, dans son tourbillon parisien, Claire a eu très vite un « sentiment d’imposture » et au final se retrouve plus seule que jamais. D’ailleurs elle s’apprête à retourner à Lyon. Et c’est autant elle-même que Dayan qu’elle questionne quand elle s'interroge à voix haute devant lui : « Comment se fait-il que ce qu’on croit vouloir vous fait tourner le dos à ce qu’on désire vraiment ? »

C’est Claire aussi aura su aider Dayan à surmonter l’épreuve que constitue le procès que lui intente la famille d'Adel Chibane (Reda Kateb dans la saison 1) pour non-assistance à personne en danger, procès qui jusqu’à son délibéré va peser sur Dayan pendant toute cette saison 2, comme un suspense parallèle aux dénouements attendus pour chaque analysant. Ce procès de Dayan, c’est aussi en filigrane le procès permanent et silencieux que fait la société tout entière à la psychanalyse, de son coût, de son impuissance à soigner-guérir-sauver, au cœur duquel Esther (Carole Bouquet) va ressurgir de la saison 1, avocate aussi inattendue que déterminante, autant de Freud que de Dayan lui-même. Seront-ils tous les deux relaxés ?


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