20 février 2015

Comment faire rire un paranoïaque ?

 


C'est le jeune professeur de philosophie, finalement démissionnaire du lycée Averroès de Lille, Soufiane Zitouni, qui a attiré mon attention et piqué ma curiosité sur ce titre et sur ce livre qu'il citait dans sa tribune parue dans Libération le 14 janvier [2015] dernier.

Il s’agit d’un recueil de textes divers, conférences, rassemblés en 1996 et écrits une quinzaine d’années auparavant, au début de la décennie 80. La critique des dérives des disciples de Lacan est parfois forte. Roustang, lui, opte pour une ligne claire, ne cédant jamais à l’ésotérisme ni au clin d’œil pour initiés, du style "comprenne qui peut". Et il ne renonce pas à poser des questions qui fâchent.

Ainsi : pourquoi certains analystes en viennent-ils à considérer le terme de guérison comme un quasi gros mot ? La guérison est un thème qui court comme un fil rouge dans les différents textes de Roustang. Bien sûr, ce terme n’a pas le même sens pour un analyste que pour un médecin. La guérison, ce n’est pas « la restauration de l’intégrité antérieure », la restitution de celle-ci au patient, mais au contraire « la production d’un état qui ne lui a jamais été donné ». C’est pourquoi l’analyse, qui semble tellement tournée vers le passé – beaucoup la critiquent pour cette raison et s’y refusent sous ce prétexte – est en fait tout entière aspirée par cet état futur, à venir. Premier paradoxe.

Second paradoxe : au commencement est la souffrance, c’est dans et par la souffrance que nous nous reconnaissons comme sujet et, dans l’analyse, la régression avive cette souffrance dont nous refusons de guérir, puisque la guérison signifierait la fin de ce sujet-là, que nous perdrions à peine l’aurions-nous entrevu. La souffrance à un aspect positif : elle est aussi une force, celle-là même qui peut aider à pousser l’affect vers la « bonne » représentation. Et c’est quand même elle qui nous fait demander la guérison.

Sans doute y a-t-il à l’origine de la psychanalyse un conflit entre deux buts, connaître et guérir qui sont aussi deux voies qu’emprunte l’analyse. Soit, par la remémoration de l’infantile, par les rêves, l’association libre, le souvenir raconté à nouveau, accéder à une « prise de conscience » (qui serait aussi une « prise », opérée sur l’inconscient ?) de l’origine des tensions psychiques ou, pour accéder à la guérison que la seule remémoration ne permet pas, opérer une répétition en acte, cette fameuse perlaboration (Durcharbeitung) qu'autorise le transfert.

Quels sont les traits qui permettent d’identifier la guérison ? « L’indépendance du patient, l’augmentation du plaisir et de l’action, la communication facilitée. » L’analyse, dit fermement Roustang, ne peut pas ne pas se donner le but de la guérison en ce sens-là, guérison qui n’aboutit pas forcément, d’ailleurs, à l’éradication de tous les symptômes gênants.

Le transfert est « ce remède merveilleux dont on est incapable de se passer ». Car j’ai « besoin d’un autre qui m’accepte, me reconnaît, qui me comprend, me tolère et ne me juge jamais ». J’ai noté alors : « n’est-ce pas aussi la définition de l’ami ?"

Le transfert est le lieu de reproduction de la névrose.

Le transfert a deux sens : à l’origine de la névrose, il y a le lien entre un affect et une représentation « inadéquate » de celui-ci, incapable donc de l’exprimer. Dans ces conditions, « le but de la thérapie est de rétablir la liaison de l’affect avec la représentation convenable » en « transférant » l’affect d’une représentation vers une autre. Mais transfert a aussi un sens plus immédiat : il s’agit du lien qui s’établit du patient avec l’analyste. De ce lien, peut naître une névrose de transfert, qui témoigne du refus de guérir de l’analysant, c’est-à-dire de mettre un terme à l’analyse, refus parfois partagé par l’analyste.

La première tâche de l’analyste vis-à-vis de son patient est de lui apprendre à associer, « sans retenue ». Il s’agit de passer de la parole « imposée » en société, à la « déparole ». Pour cela, analyste et patient doivent construire conjointement « une autre scène ».

D’une certaine façon, le psychanalyste, qui initie le patient au monde du rêve, du désir, des fantasmes et des pulsions, est un « mystagogue ». Cette dimension d’initiation forme, avec la guérison et le transfert une sorte de triptyque que Roustang, analysant le style de Freud, met en correspondance avec les genres littéraires qu’il détecte dans son œuvre : respectivement analytique, rhétorique et poétique.

 


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