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25 mars 2024

Miss Charity

À l'issue du spectacle, Marie-Aude Murail et Elsa Ritter
ont improvisé un bord de scène avec les spectatrices et spectateurs de tous âges.


 Adapter au théâtre le gros roman de Marie-Aude Murail paru en 2008 avait déjà tenté Céline Devalan qui en compagnie de Pascal et Vincent Reverte avait relevé le défi, présenté à la Noël 2013 dans le cadre du théâtre Essaïon. Peter, le lapin de Charity Tiddler aka Beatrix Potter était alors le partenaire à part entière de Charity, que jouait Céline Devalan.

Une deuxième actrice, Elsa Ritter, vient de s'attaquer à ce monument de la littérature jeunesse contemporaine. Avec l'idée de monter un seule-en-scène, elle a sollicité l'appui de Jean-Christophe Leforestier : elle lui a fait lire le livre et il a accepté, puis ils ont commencé à réfléchir en parallèle sur les « morceaux » à choisir dans ce gros récit peuplé de nombreux personnages hauts en couleur, illustres inconnus de fiction auxquels Marie-Aude Murail a mêlé quelques bien célèbres comme Bernard Shaw ou Oscar Wilde. Après quoi ils ont opéré un montage de ces morceaux choisis, réfléchissant parallèlement aux « objets » à utiliser et à la bande-son qui accompagne le spectacle. Se sont imposées aussi deux marionnettes, celle du lapin Peter et celles du duo de souris Miss Désirée et Miss Tutu, à la manipulation desquelles Elsa a été initiée par Jean-Christophe Leforestier. 

Jouant sur la voix et les attitudes corporelles, Elsa Ritter incarne avec force cette galerie de personnages qu’elle fait aussi dialoguer et dont l’identité nous devient familière au fil de la pièce divisée en deux parties (1 h et 1 h 15). Il y a aussi un format jeunesse qui dure… 35 mn ! La scène est divisée en plusieurs espaces grâce à un jeu de paravent, de portants et de draps blancs (effet d’ombres chinoises utilisé) suspendus, avec ou sans pince à linge, à des cordes tendues.  Des aquarelles de Leforestier illustrent le travail et les progrès de Charity dans le fameux "grossissement schématique des détails"... L’actrice disparaît sous une identité pour réapparaître sous une autre, nous laissant seuls-en-salle, en quelque sorte, nous le quatrième mur. Brefs moments de solitude qui permettent de réfléchir au fil de l'émotion et de le garder, dans l’attente de ce qui va ressortir de derrière le drap ou le paravent. 

Le résultat est saisissant, tant Elsa Ritter impose son jeu d'actrice, transformiste sans temps morts pour les besoins multipliés du roman. Un angle de la main, une courbure du corps, une mimique lui suffisent pour caractériser un personnage voire un animal : étonnant Petruchio, le corbeau apprivoisé de Charity, qui volète sur la scène en croassant "je suis un démon, pouët, pouët !" ; effrayante Tabitha, le nounou folle et pyromane de Charity, qui lui conte des histoires effroyables, etc. Ainsi se déploie peu à peu le roman d'apprentissage victorien de Marie-Aude Murail, qui recèle aussi l'étonnante histoire d'amour entre Charity et Kenneth, entrevue dès l'enfance et le jeu de snap dragon

Les lecteurices de Miss Charity verront, souvent avec une intense émotion, se matérialiser le récit de Marie-Aude Murail par la grâce de l'actrice ; quant à celleux qui n'ont pas encore lu le roman, nul doute qu'iels auront à cœur de percer les ellipses de la pièce qui en a été tirée, roman auquel même les silences de son adaptatrice et actrice rendent un hommage fervent.

(pièce vue samedi soir 23 mars 2024 à Arcueil, dans les locaux de L'Anis Gras - le lieu de l'Autre)

28 octobre 2017

La Métamorphose



 Hier soir, invitée au 11ème festival organisé par le théâtre de l’Escabeau (à Briare, Loiret), la compagnie La Clique d’Arsène jouait une Métamorphose "librement adaptée" mais bien fascinante. Qu’arrive-t-il réellement à Gregor Samsa, cet employé modèle, soutien appliqué d’une famille enfermée sur elle-même, papa, maman et Grete, la petite sœur feu follet ? Pourquoi est-il plus fatigué ce soir-là que les autres ? Faisait-il vraiment beau comme il le dit à sa mère en lui faisant le compte rendu aussi laconique qu’invariable de sa journée ordinaire ? Ou n’avait-il pas plu, au vu de son imperméable mastic mouillé et de sa tête humide ?

C’est une danse silencieuse de Grete qui nous cueille au seuil de ce soir particulier, Grete femme-enfant fine et souple en robe blanche, jouant à faire évoluer des avions de papier entre table et chaises, dessus dessous, au son d’une musique circulaire qui nous pénètre lentement. Par moments, la musique s’arrête, Grete se fige, la mère aussi, qui est entrée à sa manière dans la même danse, celle de l’attente du retour de Gregor, leur seul lien avec le monde extérieur.

Et Gregor est là, que Grete salue en lui sautant au cou, solaire. Leurs jeux d’enfants préservés suffiront-ils à prévenir la cassure qui s’annonce ? D’étranges forces grondantes, intérieures ou extérieures on ne sait, se manifestent quand Gregor se déshabille pour aller se coucher. Les frissons de la métamorphose parcourent déjà chaque muscle, chaque tendon de son dos qui se tord sous la lampe.

Le lendemain matin, pour la première fois, Gregor ne se lève pas. Pour la première fois, il rate le train de 7 h. La mère, le père, la soeur s’émeuvent de ce dérèglement subit qui les menace tous. Et de fait, le bras nu d’un supérieur hiérarchique anonyme vient tancer à domicile le coupable et sa famille, qui cache comme elle peut la vérité. L’horreur suscitée par la transformation de Gregor devient un secret domestique ruminé dans un étrange mélange d’amour et de dégoût, de passion et de fascination.

Dès lors, la mère et la sœur s’emparent de la pièce, font parler tantôt le père, hors scène, tantôt le métamorphosé, nourrissant leurs voix et leurs gestes de l’innommable qui a envahi leurs vies mais qui est encore un fils, un frère : du vivant tassé dans un coin sombre de la scène où il remue à peine.

Lorsque les trois acteurs reviennent travestis en sous-locataires moustachus et survoltés, c’est une scène burlesque qui troue le cours du drame d’un interlude comique.

Est-ce l’ombre portée de la métamorphose de Grégor Samsa ? C’est en tout cas un vrai et fort théâtre des corps que la mise en scène de Frédérique Antelme impose, servi par trois superbes acteur et actrices : corps-passion de Grégor, corps aérien de Grete, corps massif de la mère. Romans Suarez Pazos et ses mouvements tectoniques, Mathilde Chabot (sur l'affiche), tantôt par la danse, tantôt par les mille nuances d’un visage étonnamment juvénil et expressif, Françoise Le Meur, en mère impuissante et déchirée, portent de bout en bout un texte pourtant minimaliste. Et l’on saisit une fois de plus combien le théâtre reste un moment de vie irremplaçable quand il est, au-delà des mots, cette sculpture totale et mouvante de corps, de sons et de lumières.


L'omelette du parti Renaissance

 Avec ce tract pondu cette nuit à 2 h 39 dans les boîtes à lettres électroniques, les équipes du parti Renaissance ont atteint ce qu'on ...