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13 novembre 2008

Un Arabe face à Auschwitz : Émile Shoufani


Mémoire de la peur et peur de la mémoire

Je suis revenu d'Israël il y a moins d'une semaine et j'ai terminé ce matin Un Arabe face à Auschwitz, que m'a prêté un ami historien à mon retour. Le livre est consacré à l'initiative Mouvement pour la paix prise en 2002 par le prêtre melkite Emile Shoufani, curé de Nazareth, au coeur de la seconde Intifada, au cœur des peurs et des haines redoublées de l'époque. L'auteur, Jean Mouttapa retrace par le menu ce projet, défi et gageure dans le contexte de l'époque : emmener un groupe d'Arabes chrétiens et musulmans, palestiniens, israéliens et français, accompagnés de Juifs, israéliens et français, dont certains, témoins rescapés, parfois même enrôlés dans les Sonderkommandos, sur les lieux mêmes de la Shoah, à Auschwitz et Birkenau.

Mémoire pour la paix et non pas seulement mémoire pour la mémoire. Mémoire nue et non prise dans une liturgie du souvenir qui finit toujours par bégayer. Le livre identifie tous les écueils d'une mémoire instrumentalisée à des fins politiques (côté israélien), et du côté des Arabes, d'une mémoire désaffectée, abstraite, de l'ordre d'un pur savoir, non confrontée aux lieux, aux traces concrètes de l'Histoire, à la parole des témoins. Il pointe le désintérêt a priori des Arabes par rapport à une Histoire qui n'est pas la leur mais celle de l'Occident (majoritairement chrétien), dont ils ne se sentent nullement responsables. Ou pire le négationnisme (encore !) de certains, qui continuent à voir dans la Shoah une histoire inventée par les Juifs pour se faire plaindre, se donner le beau rôle et légitimer leurs annexions présentes dans Eretz Israël.

L'une des choses auxquelles « Abouna » Shoufani tenait le plus, c'était que cette démarche fût consentie par les Arabes sans qu'ils n'exigent aucune contrepartie de la part des Juifs, comme d'aller visiter au retour les Territoires occupés pour y constater l'oppression israélienne, politique et militaire. Guidé par la philosophie d'Emmanuel Levinas et sa conception d'une responsabilité unilatérale envers l'autre, asymétrique, il n'a jamais cédé sur ce point, dans les dialogues infinis qu'il a dû entamer pour convaincre, en Israël comme en France.

La lecture détaillée des préparatifs, des combats à mener, parce que le récit qui en est fait va jusqu'au fond des arguments avancés, des hésitations, des craintes et des soupçons réciproques, des préjugés rencontrés, est aussi passionnante que celle de la « visite » elle-même, en mai 2003, rencontre pour cinq cents personnes avec l'absolu de l'Histoire, l'unique, mais aussi rencontres interpersonnelles et intergénérationnelles entre jeunes et survivants, entre Juifs et Musulmans. On ressent ici parfaitement, « grâce » à certaines pages poignantes - et si on avait fait jusque là que le savoir - que la Shoah n'est pas une « catastrophe » parmi d'autres, un génocide de plus en attendant les suivants. Le lecteur peut ici concevoir réellement cette peur radicale qui saisit le Juif encore aujourd'hui lorsqu'il vient à sentir son existence, son être, menacés, remis en cause même par ceux qui l'entourent, l'environnent. C'est d'avoir senti cette peur dans un ami juif, au plus fort de la vague des attentats-suicides, qui avait lancé Emile Shoufani dans cette initiative : il fallait que les Arabes en viennent à comprendre les racines profondes, indépassables, de cette peur réveillée pour que quelque chose change dans les relations judéo-arabes. Au regard de l'Histoire et de l'âge des témoins, il était grand temps que cette rencontre ait lieu. Grâces soit rendues à « Abouna » et à tous ceux qui l'ont suivi dans cette démarche si folle et si sage, jusqu'au milieu du printemps cruel de la petite « prairie aux bouleaux ». Birkenau, en allemand.


PS : À cette critique, que j'ai écrite en novembre 2008 et que j'ai retrouvée dans Amazon, j'ajoute ce clin d'oeil tiré de la liste des séminaristes de Saint-Sulpice des années 68-70, où figure Émile, qui était alors en 2ème cycle (théologie) :



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