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23 février 2023

Mercredi des Cendres 2033

 



 

LIBÉRACTION du 3 mars 2033

 

De notre correspondant local à Aurelianis Cenabum Kyllian Massue (mercredi 2 mars 2033)

 

C’est en pleine semaine, de façon plutôt inhabituelle, que la secte catholique organisait mercredi soir une de ses réunions publiques [1] périodiques dans le dernier bâtiment qui lui est affecté, prêté par la ville, dénommé « église sinpaterne » [2] par celleux qui la fréquentent. 

Vers 20 h, plus d’une centaine de ses adhérents du « cœur de ville » avaient bravé une soirée un peu chaude (42,5° C), à peine rafraîchie par les brumisateurs municipaux, pour se rassembler autour de leurs animateurs, des hommes d’âge mûr, certains vêtus de longues tuniques blanches barrées d’écharpes colorées. Trois semblaient adjoints [3] à deux autres de plus haut rang [4] qui étaient habillés, eux, de robes violettes. 

L’un des deux hommes en violet dirigeait apparemment la réunion. Après quelques paroles d’accueil, il s’est saisi d’une branche de buis desséchée – en mentionnant des « rameaux [5] » de l’an passé - et l’a enflammée à une bougie avant de la plonger dans une cuve d’acier qui contenait d’autres rameaux du même bois. Une belle flamme s’est élevée pendant quelques minutes pendant que plusieurs intervenants se succédaient pour lire à voix haute ou chanter des textes tirés des livres de la secte. Une fumée a succédé qui montait vers les voûtes de pierre grise et emplissait la salle d’une odeur de feu de bois. 

L’assemblée répondait sporadiquement à l’animateur de la réunion selon des formules apparemment connues de tous. Une feuille verte mise à disposition des participants contenaient les textes des chants et de certaines formules récitées en commun. Les adhérents étaient tour à tour debout, assis, certains même agenouillés ou inclinés, dans une certaine confusion qui reflétait soit une impréparation soit simplement un manque de discipline. Dans l’ensemble les visages étaient graves, sinon tristes et les chants parlaient beaucoup de « pardon », de « pitié » ou de « pénitence », des mots anciens qui ne sont plus guère employés de nos jours. 

À un moment, les animateurs se sont dirigés vers l’allée centrale et tous les spectateurs ont quitté leur rang pour se présenter devant eux. Chaque animateur portait une coupe contenant la cendre des buis qui venaient d’être consumés. Il marquait avec son pouce le front des personnes en lui apposant deux traits, un vertical et un horizontal [6], tout en prononçant la même jaculation, répétée : « convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ! [7] ». A la fin, tout le monde, revenu à sa place, portait une marque grise, conservée jusqu’à la fin de la réunion. 

L’animateur principal a prononcé un long discours qu’il a lu, les yeux baissés sur son papier [8], écouté en silence par l’assistance. Puis la réunion s’est poursuivie autour d’une grande table de pierre [9] où évoluaient les adjoints, ajustant des tissus, apportant des petits flacons et des sortes d’assiettes et de coupes dorées pendant que l’animateur en chef prononçait à nouveau un long discours [10], multipliant les gestes, mains jointes ou bras ouverts selon les moments, le tout entrecoupé de chants brefs et de formulettes auxquelles répondaient plus ou moins timidement l’assemblée. On a mentionné les morts et les « diacres [11] et leurs épouses », car certains animateurs sont mariés. 

Vers la fin de la réunion, une nouvelle file d’attente s’est formée dans l’allée centrale : chacun allait recevoir des animateurs un petit disque rigide [12], de couleur beige ou blanche, que ceux-ci déposaient dans la main, ou parfois sur une langue tirée [13], en disant : « le corps du criste » [14], auquel l’assistant répondait « amène » [15] avant de le mastiquer et de se rasseoir. 

A la fin de la réunion qui avait duré une bonne heure, les animateurs se sont dirigés vers la sortie du bâtiment, où ils ont salué les personnes qui s’en allaient, seules ou en petits groupes. L’un d’eux a déploré l’absence de leur superviseur [16] qui selon lui aurait dû être présent pour soutenir la secte. Celle-ci a en effet pâti récemment du départ d’un de ses animateurs, de moins en moins nombreux. L’assistance s’est dispersée en silence dans les rues désertes.

K.M.

 

NDLR : Nous avions envoyé un jeune stagiaire de notre rédaction pour couvrir cette messe du Mercredi des Cendres. Il était peu au fait des us et coutumes de la secte. Mais nous avons voulu conserver la fraîcheur de son reportage. D’où les notes ci-dessous destinées à éclairer nos lecteurices sur la terminologie exacte employée par les sectateurs catholiques.



[1] Réunion que la secte nomme « messe »

[2] L’orthographe exacte est « Saint-Paterne ». Pour la secte catholique, un « saint » – il y a aussi des saintes,  - est un membre particulièrement honorable, qui s’est distingué dans le passé par ses vertus et sa piété.

[3] Il s’agit de « diacres », des auxiliaires qui déchargent les « prêtres » de tâches subalternes.

[4] Ce sont les « prêtres » selon la dénomination de la secte catholique (majoritairement des ♂).

[5] Par métonymie, ces rameaux désignent aussi une fête annuelle de la secte, les « Rameaux », qui reste la plus fréquentée (avec les obsèques).

[6] Il s’agit d’un « signe de croix », croix qui renvoie au supplice qui fut infligé par les Romains il y a deux mille ans au fondateur de la secte.

[7] La « bonne nouvelle » est la traduction en français d’un mot d’origine grecque, « évangile » par lequel la secte catholique désigne le livre qui conte le récit de son fondateur, Jésus encore dit « Christ », mort il y aura exactement 2000 ans cette année (le 7 avril 33, à Jérusalem, à l’époque capitale d’une colonie romaine orientale, aujourd'hui de la Panabramie)

[8] Selon le contexte et l’orientation donnée à ce discours – et celui qui le prononce - la secte parle de « prédication », de « sermon » ou « d’homélie »

[9] Nommée « autel », à ne pas confondre avec son homonyme « hôtel »; ce mot rappelle les pratiques sacrificielles d’anciennes religions qui se déroulaient sur une grande pierre.

[10] Il s’agit de la « prière eucharistique ». La « prière » est une demande adressée à Dieu. «Eucharistie » est un mot d’origine grecque qui signifie « rendre grâces » (ou plus simplement « remercier avec chaleur »).

[11] C’est le nom donné par les catholiques à ceux que notre reporter a nommés « adjoints » (cf. note 2 ci-dessus).

[12] Que les adeptes de la secte nomment « hostie », qui est pour elleux, sous les apparences de ce petit disque de pain sans levain, le corps même de leur fondateur, toujours vivant, dont ils se disent les « membres ».

[13] Certain·es adeptes répugnent à recevoir le « corps du Christ » dans leur main, qu’ils jugent impures. Ce comportement a toutefois été jugé risqué en période de pandémie.

[14] Il s’agit en fait du « Christ », sobriquet attribué au fondateur, « Jésus de Nazareth », du nom d’une ville de l'ancienne Palestine.

[15] Plus exactement « amen » qui est un mot d’origine hébraïque employé par la secte, qui se réclame encore de traditions plus anciennes venues de l’antiquité orientale. « Amen » peut se traduire selon les contextes par « je suis d’accord » ou « c’est certain ». D’autres mots d’origine hébraïque sont employés comme « hosanna » ou « alleluia » pour marquer l'enthousiasme.

[16] Il s’agit en fait de « l’évêque », chef local de la secte catholique ; ce mot vient effectivement d’un terme grec qui signifie « supervision ».

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