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02 juin 2025

Théorie du coyote



"Le texte est le coyote." C'est cette formule, aussi énigmatique que connivente, lancée par une dame au cours d'une soirée entre gens cultivés qui a donné à Éric Pessan le titre de son livre. 

Invité en résidence par l'agglomération du Pays de Montbéliard, décrétée Capitale française de la culture en 2024, cette expérience de terrain l'a décidé à écrire sur la culture, autant sur le mot et ses utilisations et instrumentalisations politiques multiples que sur le phénomène positif global qu'il désigne et à l'intérieur duquel il se trouve lui-même pris en tant qu'écrivain polygraphe (théâtre, poésie, littérature générale et littérature jeunesse, etc.) vivant - tentant de vivre comme tout artiste - de son art.

Le livre se présente donc comme le journal d'une résidence d'auteur observant son environnement, interrogeant par exemple les habitants sur leurs conceptions et leurs attentes par rapport à la culture. Mais c'est aussi la reprise d'une carrière déjà longue dans le monde de la culture et les réflexions que cette reprise engendre, entrecoupant, étayant ou contredisant les observations faites à Montbéliard et dans ses environs. 

La culture, c'est ce monde à part, indispensable, superposé ou parallèle au monde réel, produit par un ensemble d'acteurs économiques qui exploitent les oeuvres créées par des artistes de toutes sortes, quand ils n'exploitent pas les artistes eux-mêmes, promus faire-valoir. Éric Pessan fait bien sentir combien l'articulation entre la production et la création est aussi nécessaire que douloureuse parfois.

Son livre arrive à point nommé à l'heure du repli du soutien public à la culture dans toutes ses manifestations, de la part de l'État comme des collectivités territoriales. La tentation de réduire la culture au divertissement, au sens pascalien du terme que notre auteur ne manque pas de citer, est bien là, plus menaçante que jamais. Sa riche expérience d'interventions en milieu scolaire lui fait croire, et nous avec lui, que l'Éducation nationale est la dernière institution publique pouvant encore endiguer la crétinisation générale - et la droitisation qui va de pair - d'une société qui livrerait la culture, cet acte de partage, au seul marché capitaliste, aux lois du profit, de l'audimat et du moindre effort.

Laissez-vous tenter par ce coyote...


 Théorie du coyote - Éric Pessan - la clé à molette (Montbéliard) (139 pages, 18 €)

26 juin 2024

Et la culture dans tout ça ?

Médiathèque nouvelle de Vitrolles, ville "libérée" du FN en 2002.


Dans cette campagne éclair des élections législatives de l'été 2024, personne ne parle de la culture, la grande oubliée des discussions. Sans doute parce que, depuis les années 2000, comme l'explique Philippe Poirrier (dans La Croix du 25 juin, p. 6), un consensus politique s'est développé entre les partis républicains : "démocratiser la culture ; soutenir la création artistique dans sa diversité; protéger le patrimoine ; défendre l'exception culturelle" (c'est-à-dire la mise à part des cultures nationales dans les traités internationaux).
Or, le RN n'adhère pas à ce consensus, la culture étant avant tout pour lui le vecteur du combat pour ses valeurs. Son accès au pouvoir changerait donc radicalement la donne. Privatiser l'audiovisuel public par exemple, qui est à son programme, lui permettrait de remettre en cause l'esprit critique et l'ouverture qui caractérisent encore le service public. On le voit déjà à Europe 1, radio détenue par Vincent Bolloré, où les journalistes se seraient vu interdire de qualifier le RN de parti "d'extrême-droite" (contre une décision récente du Conseil d'État validant ce classement par les préfectures).
Dans les communes gérées par le Front national dans les années 90, les bibliothèques municipales d'Orange, Vitrolles, Marignane, Toulon pour citer les plus marquantes, ont subi cette instrumentalisation de la culture, voyant leurs fonds, jeunesse en particulier, censurés et les achats contrôlés. Marion Maréchal, de son côté, a promis de supprimer le régime des intermittents, ce qui aggraverait instantanément la précarité des artistes et de tous celleux qui contribuent au spectacle vivant.
Peut-être en raison d'une forme d'« invisibilisation des classes populaires dans un certain nombre de créations » contemporaines, pointée par Marjorie Glas, la culture est considérée par l'électorat du RN et nombre de ses cadres comme l'affaire d'une élite parisienne qui dépense beaucoup d'argent pour financer des choses incompréhensibles, qui les font ricaner ou les indiffèrent. Le RN est essentiellement tourné vers la conservation du patrimoine, réduit aux monuments historiques, témoins et garants de la pureté des racines des « Français de souche », contre l'envahissement multiculturaliste, l'une de ses obsessions.
L'arrivée du RN au pouvoir provoquerait donc, entre autres désordres, une "crise de la culture" sans précédent que personne n'a envie de vivre.

Le coup du lapin

  Julia Pavlowitch, éditrice, continue d'agrandir sa "tribu" d'auteurices. A près Timothée de Fombelle et Marie-Aude Mura...