Le voisin de la cité Villène – « vilaine » cité ? – est un adulte pédocriminel dont les prédations ne vont être dévoilées que vingt ans plus tard, à l'occasion d'un procès en Assises, tenu à l'issue de longues procédures, longueurs dont la Justice est familière, car tant les précautions légitimes dont elle entoure le processus d'établissement des faits et de la vérité que les manœuvres dilatoires du Droit qui offrent leurs protections aux coupables présumés innocents, retardent le Jugement dans des proportions souvent insupportables pour les victimes.
Marine la narratrice a rencontré Tom qui lui révèle, au détour d'une question posée après l'amour : « tu as déjà couché avec un homme ? » qu'il a été abusé dans son enfance. Que faire de cette réponse explosive ? Un « roman ».
Élodie Wilbaux, qui s'est lancée dans l'écriture comme « biographe privée », prêtant sa plume à des voix, vouées sinon à la solitude, livre ici un récit au scalpel, âpre, qui suit les trois journées, denses, d'un procès en Assises, épouse au plus près les paroles des victimes, des avocats, des experts, des magistrats et bien sûr du pédocriminel qui nie tout en bloc et en détail.
La position de Marine, amante d'une des victimes, qui a connu aussi, alors qu'elle était jeune étudiante, l'emprise d'un de ses professeurs de faculté, marié, est tout sauf détachée de ce qui est en jeu dans la vie des protagonistes. Elle n'est pas celle d'une journaliste qui rendrait compte d'un énième procès. Elle est engagée, comprend le sentiment de culpabilité qui envahit les victimes, jusqu'au point de pleurer « sur l'impossibilité des relations humaines », après la déposition d'une experte psychologue, qui a examiné une victime et le prédateur.
Cette position originale de la narratrice ne nuit pas à l'objectivité du récit. Elle soutient la dramatique du procès en Assises, admirablement restituée par l'autrice, nourrie d'analepses qui reviennent, hors débats, sur les circonstances des crimes commis sur les enfants, sur l'aveuglement des parents, leur déni devant l'impensable. Jusqu'au moment du Jugement par les jurés, le suspense est maintenu sur l'issue du procès.
Le voisin de la cité Villène - Élodie Wilbaux - Éditions M.E.O. - 2018 (171 pages, 16 €)