Quelle qu'ait été l'intention du président de la République en dissolvant l'Assemblée nationale, il s'agit maintenant de prendre en compte la volonté du peuple telle qu'elle s'est exprimée à travers les urnes, d'admettre l'intelligence politique à l’œuvre dans son vote :
1. Le peuple français a rejeté clairement la perspective que le Rassemblement national ait la majorité pour gouverner seul ;
en faisant de lui le premier parti de l'Assemblée nationale (hors coalition), il a cependant souhaité qu'il participe à l'élaboration de la loi ;
le « front républicain » justement constitué pour « faire barrage » à cette majorité ne doit pas se muer à l'Assemblée en une sorte de cordon sanitaire autour des députes d'extrême-droite qui les exclurait de la vie législative et avec eux, ceux qui les ont élus.
2. Le peuple français a rejeté non moins clairement l'idée, fortement entamée depuis 2022, qu'une majorité gouverne à elle seule, au détriment des minorités, en envoyant trois « blocs » à l'AN dont aucun ne peut prétendre gouverner sans les autres ; les votes du 30 juin et du 7 juillet tordent clairement le bras à cette idée.
3. Le vote de ces élections en appelle aux compromis, sur le modèle des démocraties nordiques dont le feuilleton Borgen a offert la représentation. Mais avons-nous une Birgitte Nyborg ? Nous raisonnons en France autour de "totems" de gauche (l'égalité, la retraite, le SMIC, l'ISF, les nationalisations, etc.) et de droite (libre entreprise, « lois » du marché, critique de « l'assistanat », etc.) selon des pensées assez binaires dans lesquelles le compromis a du mal à se glisser. La vie politique française consistait jusqu'ici à défaire ce que l'autre avait fait, "l'autre" étant alternativement "de gauche" et "de droite". J'avais cru que Macron nous sortirait de ce dilemme, dans sa voie centriste du « en même temps » dont il avait fait sa marque, sociale-démocrate. La suppression de l'ISF a été son péché originel. Il n'a pas vu quel lourd symbole il maniait là (à moins qu'il n'ait simplement payé son tribut à ceux qui l'avaient aidé à mener son raid éclair sur la République, comme beaucoup l'ont affirmé).
4. La question des minorités et les questions minoritaires doivent rentrer dans le jeu. Le slogan lancé par André Laignel : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires » est devenu insupportable. Il est l'indice de ce qui a miné la démocratie elle-même et en a changé certaines en « démocratures ».
5. La « monarchie républicaine » mise en place en 1962 par l'élection du président de la République au suffrage universel, greffée sur la Constitution de 1958, n'aura pas résisté au « raid » opéré sur elle en 2017 par un inconnu nommé Macron, ni à la réélection de celui-ci en 2022. Emmanuel Macron aura sans doute été le dernier président de la Vème République.
6. L'heure est sans doute venue de passer à la VIème République par une Constituante qui tirera les leçons de la Vème et des aspirations des minorités à être entendues, tout en conservant ses contre-pouvoirs qui ont fait leur preuve : bicaméralisme, un Conseil d'État juge de la conformité des décrets à la loi ; un Conseil constitutionnel, juge de la conformité des lois à la Constitution.