Affichage des articles dont le libellé est élections législatives 2024. Afficher tous les articles
Affichage des articles dont le libellé est élections législatives 2024. Afficher tous les articles

10 juillet 2024

Quelques leçons d'un scrutin



 Quelle qu'ait été l'intention du président de la République en dissolvant l'Assemblée nationale, il s'agit maintenant de prendre en compte la volonté du peuple telle qu'elle s'est exprimée à travers les urnes, d'admettre l'intelligence politique à l’œuvre dans son vote :

1. Le peuple français a rejeté clairement la perspective que le Rassemblement national ait la majorité pour gouverner seul ;
en faisant de lui le premier parti de l'Assemblée nationale (hors coalition), il a cependant souhaité qu'il participe à l'élaboration de la loi ;
le « front républicain » justement constitué pour « faire barrage » à cette majorité ne doit pas se muer à l'Assemblée en une sorte de cordon sanitaire autour des députes d'extrême-droite qui les exclurait de la vie législative et avec eux, ceux qui les ont élus.
2. Le peuple français a rejeté non moins clairement l'idée, fortement entamée depuis 2022, qu'une majorité gouverne à elle seule, au détriment des minorités, en envoyant trois « blocs » à l'AN dont aucun ne peut prétendre gouverner sans les autres ; les votes du 30 juin et du 7 juillet tordent clairement le bras à cette idée.
3. Le vote de ces élections en appelle aux compromis, sur le modèle des démocraties nordiques dont le feuilleton Borgen a offert la représentation. Mais avons-nous une Birgitte Nyborg ? Nous raisonnons en France autour de "totems" de gauche (l'égalité, la retraite, le SMIC, l'ISF, les nationalisations, etc.) et de droite (libre entreprise, « lois » du marché, critique de « l'assistanat », etc.) selon des pensées assez binaires dans lesquelles le compromis a du mal à se glisser. La vie politique française consistait jusqu'ici à défaire ce que l'autre avait fait, "l'autre" étant alternativement "de gauche" et "de droite". J'avais cru que Macron nous sortirait de ce dilemme, dans sa voie centriste du « en même temps » dont il avait fait sa marque, sociale-démocrate. La suppression de l'ISF a été son péché originel. Il n'a pas vu quel lourd symbole il maniait là (à moins qu'il n'ait simplement payé son tribut à ceux qui l'avaient aidé à mener son raid éclair sur la République, comme beaucoup l'ont affirmé).
4. La question des minorités et les questions minoritaires doivent rentrer dans le jeu. Le slogan lancé par André Laignel : « Vous avez juridiquement tort parce que vous êtes politiquement minoritaires » est devenu insupportable. Il est l'indice de ce qui a miné la démocratie elle-même et en a changé certaines en « démocratures ».
5. La « monarchie républicaine » mise en place en 1962 par l'élection du président de la République au suffrage universel, greffée sur la Constitution de 1958, n'aura pas résisté au « raid » opéré sur elle en 2017 par un inconnu nommé Macron, ni à la réélection de celui-ci en 2022. Emmanuel Macron aura sans doute été le dernier président de la Vème République.
6. L'heure est sans doute venue de passer à la VIème République par une Constituante qui tirera les leçons de la Vème et des aspirations des minorités à être entendues, tout en conservant ses contre-pouvoirs qui ont fait leur preuve : bicaméralisme, un Conseil d'État juge de la conformité des décrets à la loi ; un Conseil constitutionnel, juge de la conformité des lois à la Constitution.

26 juin 2024

Et la culture dans tout ça ?

Médiathèque nouvelle de Vitrolles, ville "libérée" du FN en 2002.


Dans cette campagne éclair des élections législatives de l'été 2024, personne ne parle de la culture, la grande oubliée des discussions. Sans doute parce que, depuis les années 2000, comme l'explique Philippe Poirrier (dans La Croix du 25 juin, p. 6), un consensus politique s'est développé entre les partis républicains : "démocratiser la culture ; soutenir la création artistique dans sa diversité; protéger le patrimoine ; défendre l'exception culturelle" (c'est-à-dire la mise à part des cultures nationales dans les traités internationaux).
Or, le RN n'adhère pas à ce consensus, la culture étant avant tout pour lui le vecteur du combat pour ses valeurs. Son accès au pouvoir changerait donc radicalement la donne. Privatiser l'audiovisuel public par exemple, qui est à son programme, lui permettrait de remettre en cause l'esprit critique et l'ouverture qui caractérisent encore le service public. On le voit déjà à Europe 1, radio détenue par Vincent Bolloré, où les journalistes se seraient vu interdire de qualifier le RN de parti "d'extrême-droite" (contre une décision récente du Conseil d'État validant ce classement par les préfectures).
Dans les communes gérées par le Front national dans les années 90, les bibliothèques municipales d'Orange, Vitrolles, Marignane, Toulon pour citer les plus marquantes, ont subi cette instrumentalisation de la culture, voyant leurs fonds, jeunesse en particulier, censurés et les achats contrôlés. Marion Maréchal, de son côté, a promis de supprimer le régime des intermittents, ce qui aggraverait instantanément la précarité des artistes et de tous celleux qui contribuent au spectacle vivant.
Peut-être en raison d'une forme d'« invisibilisation des classes populaires dans un certain nombre de créations » contemporaines, pointée par Marjorie Glas, la culture est considérée par l'électorat du RN et nombre de ses cadres comme l'affaire d'une élite parisienne qui dépense beaucoup d'argent pour financer des choses incompréhensibles, qui les font ricaner ou les indiffèrent. Le RN est essentiellement tourné vers la conservation du patrimoine, réduit aux monuments historiques, témoins et garants de la pureté des racines des « Français de souche », contre l'envahissement multiculturaliste, l'une de ses obsessions.
L'arrivée du RN au pouvoir provoquerait donc, entre autres désordres, une "crise de la culture" sans précédent que personne n'a envie de vivre.

Edmund Husserl

  Avertissement : cette présentation de la philosophie d'Edmund Husserl provient de notes que j'ai prises pendant le cours donné par...