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31 mai 2024

Transportation sur le Caillou



Mardi 20 octobre 2009 (matin)

       L'anse Vata vue par ma fille. J'aurais aimé prendre cette photo.

Nous sommes à Nouméa depuis samedi soir. Nous, c’est-à-dire Marie-Aude, Constance et moi. Marie-Aude est invitée pour deux semaines en Nouvelle-Calédonie. Son livre 22 ! a été élu par les enfants de CM2 et de 6ème qui participaient au concours organisé annuellement par l’association Livre, mon ami. L’association nous a généreusement logés dans une suite du Ramada Plaza, un des grands hôtels qui jouxte l’anse Vata, l’une des plus belles plages de Nouméa. Nous nous recalons péniblement sur les horaires locaux (neuf heures de décalage avec la métropole, à 7 h du matin ici, il est 22 h à Orléans). Hier soir, nous nous sommes couchés vers 19 h, moi le premier effondré, après la réception au vice-rectorat. Résultat, nous étions frais comme des gardons… à 3 h du mat’ et n’avons guère redormi. Pendant nos insomnies, Marie-Aude et moi découvrons Henry James. Constance lit La princesse de Clèves, l’une des lectures obligées de la Première. Marie-Aude est partie en animation à 7 h 30 ce matin, un peu démâtée, accompagnée par Bernard. Au programme, une école primaire à La Coulée et le collège de Plum, derrière le Mont-Dore local. Ce mont proche de Nouméa doit son nom à la couleur qu’il prend dans le soleil couchant et, accessoirement, au premier évêque local, Mgr Douarre, qui était auvergnat et l’a ainsi baptisé. Nous retrouverons Marie-Aude vers 16 h ce soir. Demain, nous l’accompagnerons à Yaté, sur la côte ouest, au pied du grand barrage qui alimente en électricité le Territoire (c’est ainsi qu’on nomme ici la Nouvelle-Calédonie). Ici, l’industrie du nickel consomme trois fois l’énergie nécessaire aux seuls habitants. Grâce à sa centrale au charbon (et maintenant au fuel), la Nouvelle-Calédonie se place au rang des pires pollueurs de la planète par tête d’habitant. C’est un indicateur injuste, me fera remarquer Paul Maes : on ne produit pas impunément 12 % du nickel mondial – bientôt beaucoup plus - sur une île qui fait trois fois la Corse.
Aujourd’hui, je vais explorer Nouméa avec Constance.

jeudi 22 octobre 2009 (soir)

Nous venons de passer une journée en rêve à Ouvéa. Levés à 4 h 15 pour être emmenés à 5 h dans le 4 X 4 de Jean et Brigitte Simon, nous sommes arrivés très en avance au petit aérodrome Magenta qui dessert les îles. Nous avons retrouvé le vice-recteur de la Nouvelle-Calédonie, Ives Melet, après avoir pris un petit déjeuner au bar de l’aérogare et nous nous sommes embarqués dans un ATR72 d’Air Calédonie. A l’arrivée, deux jeunes filles en robe mission, escortées par un enseignant, nous ont offert des colliers de fleurs et des couronnes tressées avec des feuilles de coco séchées. Puis Samuel, l’organisateur de la journée est arrivé et nous sommes partis, tous couronnés, y compris le vice-recteur, jusqu’à Fayaoué. Nous étions attendus à l’école primaire catholique Saint-Michel. Une tente et une sono étaient déjà installées devant une petite église pimpante, entièrement restaurée l’an passé à l’occasion du 150ème anniversaire de l’arrivée de la mission catholique sur Ouvéa. Puis les groupes d’enfants nous ont rejoints un à un, vêtus de couleurs vives, chaque école ayant la sienne. La cérémonie a commencé avec le « geste » coutumier d’accueil : remise d’une étoffe de couleur et d’une corbeille tressée dans laquelle était coincé un billet de 1000 F.


Les billets de banque émis par l’Institut d’émission d’outre-mer sont colorés, coloniaux, très beaux, bien plus que nos tristouilles euros (1000 francs Pacifique font un peu moins de 10 euros). Réponse au geste d’accueil par Brigitte Simon, qui a également remis deux étoffes au chef local. Marie-Aude a dit également un mot. Les activités préparées par les différentes classes ont pu alors commencer. Les 6ème du collège Guillaume Douarre ont d’abord entonné un chant d’accueil en langue faga uvea, accompagnés par Samuel à la guitare. Puis, les CM2 d’Eben Eza ont posé des questions qui ont permis à Marie-Aude de se présenter. Les CM2 de Saint-Michel ont présenté une bande dessinée fixée sur un grand panneau, qui réinterprétait 22 ! S’est ensuivie une chorégraphie sur le même 22 ! par les 6ème du collège Eben Eza, aidés par quelques parents qui assuraient l’accompagnement musical. Les 6ème du collège Hwadrilla ont lu un poème consacré à 22 !. Toute cette cérémonie en plein air a été suivie d’une rencontre, dans une classe, avec des délégués de chaque école, pendant que les enfants goûtaient sur l’esplanade, à deux pas du plus beau lagon du monde….

Après un dernier geste d’adieu – Marie-Aude a remis une étoffe et un exemplaire de l’Espionne - nous sommes partis dans un mini-bus, accompagnés par quatre enfants jusqu’aux falaises de Lekiny. Là nous avons retrouvé une classe « environnement » qui s’employait à nettoyer l’endroit et à lui redonner vie et propreté, juste en face des falaises. Photo de groupe :


Puis nous sommes partis déjeuner avec les enseignants et quatre petits guides chez Roger Alosio : apéritif, entrée de crevettes, bougna au poisson et au tarot (sorte de patate douce, un des féculents de base de l’alimentation locale), poisson cuit à l’étouffée, dessert d’oranges et de pommes, le tout excellent. Nous avons repris l’avion à 15 h 30. Depuis ce qu’on appelle ici pudiquement « les événements », certains habitants pensent encore qu’Ouvéa est une île maudite. Une jeune institutrice originaire de l’île en a fait la confidence à Brigitte. A quinze ans, elle était en internat à Nouméa et en a pris « plein la figure » quand Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné ont été assassinés à Ouvéa par un insulaire, le 4 mai 1989. Elle pensait même, vingt ans après, que nous ne viendrions pas. Aucun auteur de l’opération Livre mon ami n’était revenu à Ouvéa depuis dix ans. Il semble bien qu’il y ait encore un « complexe ouvéen » mais Marie-Aude ne l’a pas senti dans la nouvelle génération qu’elle a rencontrée. Pour eux, c’est déjà de l’Histoire. Ils n’étaient pas nés à l’époque, les jeunes qui chantent et dansent aujourd’hui devant elle.


La veille, mercredi, nous sommes allés dans le sud, jusqu’à Yaté. Cette fois, nos guides étaient Bernard Capecchi, un géographie intarissable, et sa femme Eliane, moins bavarde mais plus vigilante, sur les horaires comme sur les itinéraires, quand Bernard, lancé sur une explication, ratait un croisement... Partis vers 7 h, nous sommes arrivés après une bonne heure et demie d’une route qui tournicotait pas mal, jusque sur les bords du lac de retenue du barrage de Yaté. Le lac était à son étiage, découvrant ses rives rouge latérite et les squelettes blanchis des niaoulis, derniers témoins debout de la forêt ennoyée.


Nous avons grimpé au sommet du « mur » de Yaté, qui tombe vers la petite ville, blottie près de sa ria, et abritée derrière son récif « frangeant ». Arrivés au collège, Constance et moi avons laissé Marie-Aude à son animation et Bernard nous a emmenés, Constance et moi, jusqu’au barrage de Yaté, achevé par Edf en 1959.


Lundi 26 octobre

…Ce barrage est à lui seul un véritable exercice de style, commenté par Bernard, car il combine quatre types de construction en un seul : le barrage-voûte (style Tignes), le barrage en contrefort (type Génissiat), le barrage en terre (les ingénieurs d’Edf ont réalisé là les calculs qui ont servi pour Serre-Ponçon) et le barrage-digue. Inspecté par le bureau Véritas à l’occasion de ses cinquante ans, il a été déclaré bon pour le service pour les cinquante années à venir ! L’électricité qu’il fournit ne sert plus désormais qu’à écrêter les pointes de consommation du Territoire. Nous nous sommes baladés dans la nature environnante, repérant grâce à notre guide quelques plantes endémiques, comme le « gourde du mineur », une plante carnivore qui recueille l’eau de pluie, y attire les insectes sur lesquels elle referme un couvercle pour pouvoir les digérer tranquillement. De retour au collège de Yaté après avoir fait un crochet par l’usine d’Edf en contrebas, nous avons dégusté notre premier bougna : du poulet et des tarots, baignant dans du lait de coco et cuits à l’étouffée dans des feuilles de bananiers. Le principal de l’endroit avait sorti sa guitare ce qui nous a donné l’occasion, à Marie-Aude et moi, d’offrir à l’assemblée une interprétation inoubliable (évidemment) des Champs-Elysées de Joe Dassin…

Au retour nous avons emprunté la piste que vont utiliser les camions qui achemineront la latérite vers l’usine du Sud en construction sur le site de Goro : extraction du nickel par hydrométallurgie. La latérite est pulvérisée en fines particules, de l’ordre du micron et mélangée avec de l’acide sulfurique. Ce jus est porté à 500 bars de pression dans d’énormes cocottes-minute. L’acide sulfurique perd son hydrogène et se combine avec les métaux pour donner des sulfates de nickel, de cobalt, etc. Ce sont les Allemands qui ont construit le bout d’usine qui va produire sur place l’acide sulfurique nécessaire et qui en ont déjà déversé accidentellement 40 m3 dans une rivière puis dans l’Océan. La nature semble l’avoir bien pris - en dehors des poissons et végétaux qui étaient sur le trajet de l’acide - mais la facture pour les Allemands va être lourde car un certain nombre de paramètres de l’usine, tuyauteries, bassins de rétention, etc., sont à revoir… Et l’accident a remis en avant le risque écologique que fait peser l’exploitation du nickel sur l’île. Mais les enjeux de développement sont trop importants tant dans le Sud que dans le Nord (nouvelle usine de Voh) pour que des projets industriels de cette ampleur soient remis en cause.

La piste est devenue une véritable autoroute de latérite sur laquelle Bernard pouvait rouler sans risque à 100 à l’heure. 


Les exploitants ont pris des engagements : après avoir gratté la couche superficielle de latérite, ils vont remettre de la terre et planter des arbres pour reconstituer une forêt au lieu et place du « maquis minier » qui s’étendait jusqu’ici sur les espaces labourés puis abandonnés par les mineurs. Nous sommes passés par les chutes de la Madeleine, petit Niagara local au cœur d’un domaine naturel protégé et aménagé. Puis retour à Nouméa vers 16 h.

Je reviens en arrière. Il y a juste une semaine, Marie-Aude a fait sa première animation chez un jeune instit’, Jean-Claude Massa. L’après-midi, nous avons été reçus au vice-rectorat pour une cérémonie-cocktail de bienvenue avec toute l’équipe de Livre, mon ami. C’est là que nous avions fait connaissance avec le vice-recteur, M. Ives Melet.

Le mardi, Constance et moi avons laissé Marie-Aude partir et nous avons commencé l’exploration de Nouméa (après avoir commandé une voiture pour l’expédition du vendredi à Païta et réservé la journée au phare Amédée du samedi). Pris à l’anse Vata, le bus nous a débarqués sur la place des Cocotiers, qui est le cœur de Nouméa et de son quadrillage colonial de rues. Nos déambulations nous ont conduits successivement au musée de la ville de Nouméa, implanté dans l’ancienne mairie, ex-première banque éphémère de la Nouvelle-Calédonie, puis dans un snack où nous avons déjeuné. Après quoi nous sommes montés jusqu’à la cathédrale qui domine la ville et nous avons admiré la superbe voûte en bois, due à un prêtre ancien charpentier de marine. Nous voulions aller jusqu’au parc zoologique et botanique mais après une petite grimpette supplémentaire, celui-ci nous a paru provisoirement hors d’atteinte. Nous sommes redescendus dans le centre, passant par une librairie scolaire, dont le propriétaire, M. Collette, avec qui j’ai bavardé, était justement le correspondant de l’école des loisirs et le fournisseur local des livres de Marie-Aude. Marie-Aude était déjà à l’hôtel quand nous sommes revenus.

Vendredi matin, nous sommes partis à Païta. Je suivais la voiture d’Aline qui accompagnait Marie-Aude ce jour-là. Le collège Louise-Michel de Païta est flambant neuf… et déjà trop petit car Païta se développe comme une ville-champignon, dans l’orbite de Nouméa. Elèves et professeurs sont partis à travers champs jusqu’à une habitation-musée toute proche que nous a fait visiter une guide en costume d’époque. La tombe d’un des premiers et plus célèbres colons de l’île, James Paddon, se trouve à Païta ; les colons allemands qui avaient fondé la station sont enterrés à proximité de la maison. Nous avons laissé Marie-Aude après nous être donné rendez-vous au restaurant du mont Koghi. De là-haut, j’ai entrepris avec Constance une balade d’une heure et demie dans la forêt, jusqu’à une cascade que nous avons fini par trouver après quelques détours hors piste… Au retour, nous avons croisé Aline et Marie-Aude qui nous avaient rejoints. Evelyne s’est jointe à nous pour le déjeuner (excellent, Constance a mangé une… tartiflette, pas vraiment un plat local !). Je suis reparti vers Nouméa avec Constance et nous avons cherché – et finalement trouvé – le parc botanique, situé sur les hauts de Nouméa.

Occasion de découvrir le fameux cagou, l’oiseau-fossile rescapé de Gondwana et emblème du Territoire : 

"Comme un oiseau sans ailes ♫"

« Fossile toi-même, patate ! ». A la sortie du parc, nous retrouvons Aline et Marie-Aude de retour de Païta. Aline nous conseille de faire un crochet par le relais-télévision tout proche qui domine la rade de Nouméa. Vue imprenable à 360°, coucher de soleil et…fumées de l’usine de la société Le Nickel garantis.

Notre sortie de samedi au phare Amédée s’est déroulée selon un planning qui ne laissait pas grand place au hasard : tout était organisé de A à Z, mais sans que cela fût pesant, car on pouvait participer… ou s’éclipser. Après trois quarts d’heure de navigation dans les embruns, nous avons débarqué sur l’îlot au son des guitares et des ukulélés. Et la journée s’est enchaînée sous le soleil : baignades, premières visions sous-marines (j’avais loué masque, tuba et palmes), repas avec musiques et danseuses, qui associaient joyeusement l’assistance à leurs déhanchements, visite du phare (Constance a « calé » à la perspective des quelque 250 marches et Marie-Aude en a retiré des crampes aux mollets), démonstration de grimper au cocotier (sélectionné pour l’épreuve, je ne suis pas arrivé jusqu’en haut…) et de nouage de paréo (Constance s’en est mieux tirée que moi), exploration des fonds dans un bateau à fond de verre : nous avons été les seuls à nous jeter à l’eau pour donner à manger aux poissons qui se ruaient sur nos vieux croûtons moisis.

  
Au phare Amédée
La journée a passé comme par enchantement et c’était déjà l’heure du retour à quai, puis à l’hôtel grâce au même autocar qui avait fait le matin même la tournée de ramassage des grands hôtels de Nouméa. Ces dames ont pris quelques coups de soleil, sans gravité.


Dimanche matin, relâche et bagages avant de partir vers Koné. Je vais à la messe de 10 h à l’église du Vœu, « vœu » que la 2ème guerre mondiale épargne la Nouvelle-Calédonie, ce qui fut le cas, sinon dans ses enfants, du moins dans sa terre. Les Américains, qui ont utilisé le Caillou comme base arrière de leurs opérations dans le Pacifique, ont laissé quelques traces de leur passage, notamment les tiques du bétail, qui n’existaient pas sur l’île. L’américanophilie n’est pas un vain mot à Nouméa : pour certains, le 4 X 4 Chevrolet reste le must, loin devant les japonais ou les coréens. Il y a même un club de passionnés de la bonne vieille « Jeep » qui défilent une fois par an dans les rues de la capitale dans les uniformes et les matériels de l’armée américaine, pieusement conservés et briqués.

Nous sommes arrivés hier soir à Koné grâce à Jean et Brigitte, après cinq heures de route dont deux arrêts, un à Foa et l’autre à Bourail, où, après avoir fait un détour par la Roche Percée, curiosité naturelle de l’endroit, nous avons mangé des nems dans un petit snack routier qui ne désemplit pas. Pendant cette longue route nous avons découvert le paysage de brousse, les champs immenses et les troupeaux de bovins ou de chevaux, avec à l’horizon le lagon d’un côté et de l’autre la Chaîne qui, sur 400 km de long, sépare la côte orientale de l’occidentale. De loin en loin, un flamboyant en fleur. C’est l’arbre qui signale l’arrivée du printemps en Calédonie et… la fin de l’année scolaire. Arrivés à la nuit, l’Hibiscus était fermé mais sa patronne, une grande et élégante jeune femme, n’était pas loin et nous a fait les honneurs nocturnes de son splendide hôtel, récemment rénové. Marie-Aude s’est plongée immédiatement dans la piscine. La déco du jardin revue en plein jour est splendide, mi-japonaise, mi-mélanésienne. Chauffe-eau solaire et pompes à chaleur apportent la touche écolo à l’ensemble. Marie-Aude est partie en animation lundi matin avec Jean et Brigitte, rejoints par Evelyne dans son pick-up de broussarde. J’ai fait quelques courses dans le centre de Koné avec Constance et nous avons bouquiné l’un et l’autre. A midi, nous avons déjeuné tous les six à l’hôtel, où tout était de qualité. La cuisine de l’Hibiscus est aussi « quatre étoiles ». Constance termine Au bonheur des dames avant d’attaquer Lambeaux, l’une de ses lectures obligées avec La princesse de Clèves et L’absolue perfection du crime. J’en profite pour lire ou relire moi aussi tous ces livres. Avec un petit plouf dans la piscine.

Mardi 27 octobre

Deuxième journée à Koné. Marie-Aude vient de repartir avec Brigitte et Jean. Un collège ce matin et en début d’après-midi, d’autres collégiens venus exprès en car de Hienghène, sur la côte Est, la patrie de Jean-Marie Tjibaou. Ce soir, à 18 h, rencontre dans un « château » tout proche. Hier soir, le journal télévisé local de RFO a rendu compte de la rencontre du matin au collège de Koné : interview de Marie-Aude et d'un des jeunes élèves, Boris. Brigitte était très contente car c'était une première dans l'histoire de Livre, mon ami, que cette prestation au JT.

J’ai visité Koné hier avec Constance. On en fait vite le tour. Cela ressemble à une ville du Far-West avec une rue centrale, des trottoirs qui s’interrompent de temps en temps, des maisons ou des magasins alignés… ou pas, peu de vitrines. La pharmacie est une vraie pharmacie, à l’extérieur comme à l’intérieur. La mairie est à la croisée des deux rues principales et une maison commune traditionnelle au toit de chaume occupe une partie de la cour intérieure. Mais la ville est appelée à croître grâce à la nouvelle usine d’extraction et de traitement du nickel qui va s’implanter à Voh.

La province du Nord est une assemblée de tribus. Au bord de la route, aux intersections, les panneaux indicateurs ne portent pas le nom d’un hameau ou d’un village comme en métropole mais signalent simplement : « tribu de Ouate » ou « tribu de Ouatom ». Hier soir, nous avons dîné avec la principale du collège que Marie-Aude avait visité le matin. Une femme solide, avec un fort accent du Sud-Est (elle est toulonnaise). Elle a choisi de quitter son premier poste à Nouméa pour partir « en brousse », à Hienghène et aujourd’hui à Koné, parcours à rebours de l’habituel : finir sa carrière à Nouméa, en ville, est l’itinéraire « normal ». Son gendre est un kanak de la tribu de Jean-Marie Tjibaou, à Hienghène et elle nous montrait fièrement des photos de sa fille et de son petit-fils métis au milieu des siens. Pour l’heure, ils sont partis tous les trois… en Auvergne pour trois ans. Son gendre fait une formation de soudeur et reviendra dans son pays quand il sera prêt à le faire bénéficier de ses nouvelles compétences.

Je viens de terminer un livre sur et de Louise Michel, Matricule 2182, qui contenait notamment de nombreux extraits de son séjour en Nouvelle-Calédonie, où elle fut condamnée à être « transportée » après la Commune. Image étonnante de cette femme à la candeur indomptable, qui devint l’amie des Kanaks et sut les comprendre et les défendre quand la plupart des colons et des militaires ne voyaient en eux que des « sauvages ».

mercredi 28 octobre 2009

Il n’y avait pas foule, paraît-il, à la conférence de Marie-Aude au château Grimini de Pouembout. Un seul enseignant de Koné s’était déplacé, celui qui l’avait reçue le matin même et qui était venu avec sa femme et leur bébé de deux mois… Les autres étaient restés chez eux et Michelle, la principale, n’était pas là non plus. En revanche de courageuses bibliothécaires et documentalistes de la côte Est n’avaient pas hésité à traverser la Grande Terre pour venir entendre Marie-Aude, qui est rentrée vers 20 h avec Jean et Brigitte. Marie-Aude avait préféré que Constance et moi n’y allions pas. Elle a peur de se répéter devant nous.

Nous arrivons de Koné après trois heures et demie de route. Nous sommes partis vers 7 h du matin, laissant à regret le merveilleux hôtel Hibiscus et notre hôtesse, Cécile Kubeck. Aujourd’hui, c’est le jour de la remise officielle du prix Livre, mon ami, au centre culturel Jean-Marie Tjibaou, l’un des derniers grands travaux mitterrandiens, réalisé par l’architecte italien Renzo Piano. Une des fiertés architecturales de l’île et de la région, avec l’opéra de Sydney.

Jeudi 29 octobre 2009

J’écris sur un ordinateur qui s’obstine à se croire le jour d’avant. Je suis jeudi et « il » est mercredi. Il s’en faut de dix heures. Nous résorbons rationnellement cette anomalie en parlant de décalage horaire mais tout se passe comme si ce que j’écris ce matin s’enfuyait à l’instant hier soir. Le temps n’a plus rien d’absolu parce que je suis dans un autre espace. Tout est devenu relatif.

Marie-Aude a reçu hier son trophée Livre, mon ami au centre culturel Tjibaou. La cérémonie a fait se succéder sur la scène un nombre impressionnant d’enfants : rap sur les titres des ouvrages de l’auteur, chorales, chorégraphies sur un slam de Grand Corps Malade. C’est Fred Fichet, un sculpteur métro installé depuis vingt ans en Nouvelle-Calédonie, – il avait épousé une Calédonienne qui, m’a-t-il dit, est repartie en France tandis que lui restait là - qui avait fabriqué le trophée. Les infos télévisées du soir ont consacré quelques instants à la remise du prix et Les Nouvelles de ce matin un petit article avec photo de la récipiendaire. Un petit goûter a été offert aux enfants par l’association, ce qui nous a valu de discuter avec les uns et les autres. Corinne Albaut était là et nous a invités chez elle ce soir.

Pour moi le plus intéressant est ce qui a suivi : une visite du centre, en compagnie de Francesca ( ?), une jeune guide kanak qui, chemin faisant, nous a parlé aussi et surtout de la culture de son peuple et de la façon dont elle la vivait et la ressentait. Je sais que je l’ai écoutée avec attention, que je lui ai posé des questions, mais je n’ai réalisé que ce matin au réveil la force qu’avaient pris ses propos dans mon esprit. Il y a dans le centre un chemin qui évoque les cinq étapes de la vie kanak, de la naissance du premier homme à sa renaissance. Malheureusement, nous n’avons pas eu le temps de l’emprunter. Autrefois, nous a raconté Francesca, le défunt était confié, enveloppé dans une étoffe, aux racines d’un banian. Un gardien, revêtu d’un masque, lui était assigné, qui pouvait rester plus d’un an à veiller le corps, la tribu pourvoyant à son alimentation. Puis lorsque le temps du deuil était accompli, le corps était déposé dans une grotte. Donc pas d’ensevelissement, pas d’incinération. La civilisation française a évidemment rendu impossible ces rites funéraires, et leur a substitué les sépultures chrétiennes. Mais sur Ouvéa, nous avons entraperçu des cimetières au bord de la route : pas de tombes en marbre, mais un poteau fiché en terre, et orné d’étoffes multicolores nouées au bois vertical.

vendredi 30 octobre 2009

Dernier jour d’animation pour Marie-Aude. Ce matin, c’était deux classes de CM2. Anne-Marie est venu nous rechercher vers 10 h 30 car la seconde classe avait préparé une multitude de plats locaux tous plus délicieux les uns que les autres. Constance et moi avons été accueillis avec la fameuse chanson « mon cœur est en Calédonie », qui est devenue une sorte d’hymne inscrit au répertoire de toutes les chorales scolaires. La jolie maîtresse aux yeux d’or avait fait superbement travailler les enfants.

Le temps est maussade aujourd’hui sur Nouméa. Il a plu et alors que Constance et moi attendions notre bus sous un soleil éclatant, nous en sommes descendus place des Cocotiers sous une averse, juste pour nous réfugier à l’Atelier des femmes (où Constance a trouvé un collier). Notre après-midi de courses en a été un peu refroidie. La pluie ayant cessé, nous avons quand même pu circuler dans le Chinatown local et faire une ou deux emplettes. Mais je sens bien que je ne suis pas le complice de shopping idéal pour ma fille.
Hier soir, nous avons dîné chez Corinne et son compagnon, qui vivent dans une résidence-hôtel dominant l’anse Vata. Demain, si le temps le permet, le mari de Juliette, Paul Maes, nous emmène faire une balade dans son hélicoptère.

Dimanche de la Toussaint

Je suis retourné à la messe dans l’église du Vœu, bien pleine à l’office de 7 h du matin.
Je reviens sur la balade en hélico d’hier. Samedi matin, Juliette nous a donc appelés : « Le temps est Ok, je passe vous prendre et vous conduit à l’aérodrome Magenta, Paul vous emmène dans le Sud ». Notre pilote est un petit homme noueux, aux gestes précis, plutôt rassurant, mais peu loquace, nous a prévenu Juliette. Mais a-t-elle ajouté, il répondra à toutes vos questions. Je suis impressionné en montant dans la cabine de l’hélico vert pomme. Un quatre places. C’est mon baptême d’hélico, pour Constance aussi. Paul nous fait coiffer chacun un casque audio qui va nous servir à communiquer pendant tout le voyage. Je monte à l’avant, Constance et Marie-Aude sont derrière. Juliette nous prend en photo. Paul démarre sa machine qui monte en puissance. Dialogue avec la tour de contrôle. En souplesse, l’engin quitte le sol et file à deux ou trois mètres au-dessus du sol pour prendre la piste et décoller comme un avion. Très vite nous sommes au-dessus de l’océan. Nous volons à 500 pieds, altitude déclarée au contrôleur aérien (une jeune femme, d’après la voix) et qui s’affiche sur l’altimètre. Je filme. Nous volons à 180 km/h mais l’océan sous nos pieds semble presque immobile. Paul tient dans sa main droite un petit manche recourbé qui ne paye pas de mine. Il a aussi une pédale sous chaque pied. Rien de spectaculaire dans un pilotage économe de gestes. Nous quittons la mer pour entrer sur la Grande Terre, par une ria. Nous survolons une crête couronnée d’éoliennes et nous redescendons vers un ancien bagne. Paul nous signale, au milieu d’une anse une curieuse baignoire de pierre, émergeant de l’eau, restes d’un jacuzzi construit autrefois par les Japonais sur une source d’eau chaude. Des voiliers sont abrités dans des criques et leurs passagers nous font de grands signes quand nous passons au-dessus d’eux. Puis le terminal maritime de l’usine de Goro se profile. Un long tapis roulant file du port minéralier jusqu’à l’usine que nous survolons. Les installations, gigantesques, pourraient être celles d’un grand pays. Paul nous signale les tas de soufre, de calcaire et de charbon. L’usine va vivre en autarcie, produisant même son électricité, dont elle restitue les excédents pour alimenter Nouméa ! Un peu plus loin, nous voyons les habitations où vont vivre les employés de l’usine, vues de haut une succession de petites boîtes, comme des Algécos. Un peu plus de 1000 personnes en période courante travailleront là, dans un décor spartiate, il y en a eu jusqu’à 4000 pour construire le site. Paul dirige son appareil vers les cascades de la Madeleine que nous survolons. Il nous propose de nous dégourdir les jambes et atterrit à côté de la rivière des Lacs, posant délicatement l’hélico sur une petite plate-forme naturelle. Il coupe le contact et c’est tout simple : nous sortons et nous retrouvons sans transition en pleine réserve naturelle, dans un silence à peine troublé par des chants d’oiseaux et le bruit de l’eau.


Paul nous montre des roches pleines de minerai et nous fait découvrir une plante carnivore, une petite fleur rouge minuscule. Il est finalement plus bavard que nous. Nous redécollons aussi naturellement que nous sommes arrivés. Constance est montée devant, à côté du pilote. Paul nous signale la plaine du Champ-de-Bataille où les tribus canaques se faisaient la guerre. Nous revenons sur Nouméa. Paul prend l’axe de la piste comme le ferait un avion et au ras du sol, file jusqu’au cercle jaune où il pose son insecte vert. Pilotage précis, impeccable. Nous le remercions chaleureusement et Juliette nous raccompagne au Ramada Plaza.


Après-midi shopping à Nouméa. Mais écourté car les magasins ferment dès cinq heures.

mardi 3 novembre 2009

Retour vers Paris, dans la nuit et le froid (relatif) de cet automne. Le voyage de retour quoiqu’ayant duré près de 30 heures, de porte (d’hôtel) à porte (de maison) nous a paru moins long et fatiguant que celui de l’aller. Il faut dire que le dernier week-end s’est passé calmement.
Dimanche, même, le temps était maussade sur Nouméa, bruineux, comme pour ne pas nous faire regretter de quitter le territoire. Les membres du comité sont venus nous dire au revoir au Ramada Plaza. Nous avons pris un verre ensemble et Marie-Aude a improvisé un bilan de son séjour, de ce qui avait marché (ou pas). C’est Jean et Brigitte qui nous ont accompagnés à l’aéroport. Nous avons décollé lundi vers 00 h 30, heure locale. L’escale à Séoul a été plus courte. Pendant le trajet, nous avons alterné lecture et visionnage de films : au total, nous étions moins abrutis qu’à l’arrivée à Nouméa. Nous avons également reconquis, en revenant, les fuseaux horaires que nous avions perdus en partant, avec en prime, l’heure d’hiver.


Edmund Husserl

  Avertissement : cette présentation de la philosophie d'Edmund Husserl provient de notes que j'ai prises pendant le cours donné par...