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17 août 2025

Mon vrai nom est Élisabeth

 

Ce livre de 393 pages, qui s'ouvre sur un suicide, on pourrait en commencer la lecture à la page 375, quand l'autrice ramasse la vie de Betsy en 14 pages qui n'oublient rien. Le puzzle de cette vie pulvérisée est enfin reconstitué au terme d'une enquête tantôt serrée tantôt lâche, serrée auprès des vivants, auxquels il faut arracher leurs secrets, plus lâche auprès des morts qu'il faut malgré tout faire parler, livrée aussi aux aléas des archives dont un archiviste-malgré-lui révèle à l'autrice le principe très simple : « parfois on a, parfois on n'a pas ». Mais c'est le déroulé de cette enquête qui fait tout le sel de Mon vrai nom est Élisabeth.

Adèle Yon découvre la colère d'une femme, son arrière-grand-mère. qui infuse progressivement en elle pendant les quatre années de sa recherche et dont son livre est l'effusion et la diffusion. La colère comme remède à la peur d'hériter. À travers cette Betsy unique, Yon nous fait connaître toutes les colères de toutes les femmes qui ne demandaient qu'à être aimées et qu'on a voulu faire taire à coups de cravaches, de grossesses et... de lobotomies. 

Car c'est aussi cette histoire collatérale, monstrueuse, que raconte au passage l'autrice : celle d'une chirurgie sauvage du cerveau développée par des hommes pour mater la folie des femmes (en majorité !), avant que la pharmacopée ne prenne le relais pour offrir ses camisoles chimiques. 

L'histoire de l'institution psychiatrique, aussi, et de ses transformations, court en filigrane avec ses pièces à conviction, et surgit plus brutalement, au détour de la mémoire crue de soignants à la retraite appelés à témoigner de l'ordinaire d'un « HP », singulièrement celui de Fleury-les-Aubrais (Loiret), Daumezon, bien connu des Orléanais, où Betsy aura passé dix-sept années. 

Sans se douter qu'un jour, une arrière-petite fille lui redonnerait son vrai nom : Élisabeth, à la face des hommes (♂) - un père, un mari, des psychiatres - qui l'ont anéantie.

En authentique chercheuse, Adèle Yon nous entraîne dans son enquête à ciel ouvert, nous faisant participer à ses tours et détours, à ses voyages, à coups d'entretiens, de correspondances retrouvées, de documents médicaux exhumés, traquant les secrets, les silences, les hontes familiales et les remords de tous ceux qui ont assisté à la naissance d'une patiente désignée et à sa destruction progressive et implacable.

Mon vrai nom est Élisabeth - Adèle Yon - Éditions du sous-sol - 6 février 2025 (393 pages, 20,90 €)


24 septembre 2015

L'homme qui jouait de l'orgue



Bertrand Ferrier, en caustique des buffets...

 …il s’agit bien sûr des buffets d’orgue auquel notre littérateur éclectique se frotte avec amour et humour depuis de nombreuses années, car la valeur chez lui n’a pas attendu, etc. Ne dites surtout pas à sa mère qu’il est organiste titulaire à Saint-André de l’Europe, elle croit qu’il chante tous les soirs au Connétable.

En lisant ses quelque 250 pages (éditées chez Max Milo), j’ai mieux compris pourquoi, dans les années 70, M. Guillard tordait le nez en me voyant débarquer avec ma guitare en l’église des Blancs-Manteaux pour soukousser une « messe de jeunes ». A l’époque, mon statut de séminariste en recherche me commandait d’animer parfois les offices du lieu. Or, l’organiste, quand il est en charge d’un instrument aussi prestigieux, placé de surcroît sous la houlette d’un Dominique Merlet, tolère assez peu la concurrence d’un jeunot aux talents musicaux non homologués, dont la guitare acoustique ne transmet ses sonorités faiblardes et imprécises qu’aux premiers rangs de l’assemblée (ceux où siègent les jeunes, la nature est bien faite, malgré tout), alors que ses grandes orgues, malgré leur genre indécis, tantôt féminin tantôt masculin, pourraient de leur souffle faire courber les têtes les plus raides de l’assemblée, et, jusqu’au chœur, tourner les pages du lectionnaire voire soulever la chasuble du prêtre. Surtout si le susdit jeunot ose introduire dans la liturgie des chants - qu’entends-je ? - des chansons, qui ne relèvent d’aucune Versammlung officiellement reconnue par le CNSMP ou le Missel romain et qui se jouent sans partition sur les accords de l’Anatole.

Mais bref, je ne suis pas là pour parler de moi, comme dirait Bertrand, mais de l’excellent livre de M. Ferrier qui conte et compte par le menu la vie quotidienne, aussi précaire qu’exaltante, d’un organiste au temps des banlieues parisiennes lointaines et des caprices de ses multiples interlocuteurs paroissiaux. Du berceau à l’urne, funéraire et non électorale, en passant par les mariages, les grandes fêtes de Noël et de Pâques et le temps qu’on dit ordinaire, l’homme qui jouait - et joue encore et pour longtemps, on l’espère, tout imparfait qu’il soit - de l’orgue, alterne les brèves d’autel, plutôt que de comptoir, que ses amis Facebook ont pu découvrir avant tout le monde, avec les réflexions plus amples qu’ont suscité les péripéties heureuses (ou moins) de sa jeune et déjà longue carrière, au service de la Bête-orgue et de ceux dont il est chargé de consoler les joies et les chagrins en jouant pour eux. Nonobstant la somme de médiations obligées qui s’interposent entre sa musique et le cœur des fidèles, tous ces serviteurs officiels ou bénévoles de l’Eglise ou de la Synagogue, corps intermédiaires qui subissent ici un check-up complet qui n’épargne rien ni personne, notre auteur livre au final un constat lucide mais pas désenchanté sur sa mission haut perchée et les avatars de celle-ci.

L’homme ne vit pas seulement de l’orgue, la preuve, il écrit aussi d’excellents livres – et celui-ci est loin d’être le premier – car il a bien des cordes à son tuyau. Mais organiste est sans doute une sorte de sacerdoce premier chez lui, tant l’instrument qu’il a choisi (ou qui l’a choisi) semble être consubstantiel à une religion, la chrétienne, de plus en plus méconnue et donc incomprise, mais toujours mystérieusement requise aux moments cruciaux de l’existence par les plus athées des hommes. Que l’humour aussi scatologique qu’eschatologique de Bertrand Ferrier en vienne à nous faire toucher du doigt – je ne dis pas lequel - ce mystère, n’est pas le moindre mérite de notre auteur et de son livre pour le moins… endiablé.


L'homme qui jouait de l'orgue - Bertrand Ferrier - Max Milo - 27 août 2015 (256 pages, 19,90 e)


Le consultant

Blesser/Guérir   "Les consultants sont comme les Juifs : incapables d'expliquer ce qu'ils sont." Simon Maïmonide J'ava...