11 avril 2023

La Semaine sainte

La Semaine sainte pour les Nuls 

Peut-on faire comprendre à quelqu’un qui ignorerait tout de la religion chrétienne – je doute que ce « tout » existe – ce que les chrétiens revivent et reçoivent pendant la Semaine sainte ? Chez les catholiques, branche importante du christianisme, cette semaine est marquée par plusieurs cérémonies qui sont autant de jalons d’une marche, renouvelée chaque année, vers le dimanche de Pâques qui célèbre la résurrection du Christ, sommet de la vie chrétienne.

Louange de buis

Le prologue de cette Semaine, ou son acte zéro, est le dimanche des Rameaux, qui commémore l’entrée de Jésus à Jérusalem, saluée de palmes (en France, c’est souvent du buis) et d’hosannas joyeux. Mais la liturgie de ce dimanche pose aussi sur le seuil de cette semaine le long et douloureux récit de la Passion, comme un sommaire de ce qui va se dérouler pendant les jours suivants. Sans doute à cause de ces buis, qui sont bénis au début de la messe des Rameaux et que les fidèles, au nom d’une tradition multiséculaire, tiennent à rapporter chez eux pour les placer sur un crucifix ou près d’une photo de famille, voire sur une tombe, ce dimanche-là reste l’un des plus fréquentés de l’année, y compris par celleux qui ne mettent jamais les pieds à l’église le reste du temps. Moi qui ai vu mes grands-mères et mère honorer cette tradition, j’y ai rarement dérogé.

De l'huile à l'onction

Le premier acte se joue le mardi. Il est éminemment clérical. L’évêque rassemble autour de lui, dans sa cathédrale - à Orléans, Sainte-Croix - les prêtres de son diocèse, son « presbyterium », pour une messe dite « chrismale » parce qu’y sont bénites ou consacrées les huiles destinées à l’administration de différents sacrements tout au long de l’année, qui s’accompagnent chacun d’une onction, une croix huileuse tracée sur le front de l’oint•e : l’huile des malades destinée au sacrement des malades, qu’on appelait autrefois « l’extrême onction » (qui dans la pratique de ce sacrement, n’est plus aussi extrême) ; l’huile des catéchumènes, utilisée lors des étapes de préparation au baptême ; le saint Chrême, huile consacrée, est utilisée pour le baptême, pour la confirmation et pour la consécration des ministres ordonnées, diacres, prêtres et évêques. Ces huiles, mélange d’huile d’olive et de baume [1] , sont le signe visible du don de l’Esprit que dispensent ces sacrements. Pendant la messe chrismale, ces huiles sont apportées dans le chœur par les diacres. Elles sont contenues dans de grandes jarres d’étain puis après la messe seront réparties en petits flacons entre toutes les paroisses du diocèse.

L'autel et la table

Les choses vraiment sérieuses commencent avec le second acte : c’est le Jeudi saint. Est commémoré ce jour-là le dernier repas de Jésus avec ses disciples. C’est aussi l’entrée dans le « triduum pascal », ces trois jours qui ont changé le monde romain, et le monde tout court. Ce dernier repas, c’est la cène, dont les Italiens ont gardé le nom, « cena », pour désigner leur repas du soir, notre dîner (ou souper). C’est ce repas qui est rejoué, actualisé, à chaque messe en mémoire de Jésus – « vous ferez cela en mémoire de moi » - au cours duquel le pain et le vin sont changés en corps et sang du Christ. Christ est alors « l’agneau de Dieu », celui qui « enlève les péchés du monde ». L’agneau mâle est une référence à des rites sacrificiels du Premier testament : celui d’Abraham, mis à l’épreuve par Yahvé (Genèse 22) et celui des Hébreux, à la veille de leur sortie d’Égypte et de leur libération de l'esclavage, guidés par Moïse (Exode 12). Les paroles prononcées par Jésus et rapportées par les évangiles sont prononcées par le prêtre au cours de la consécration, moment-clé de la grande prière eucharistique par laquelle les chrétiens rendent grâce – c’est le sens du mot grec eucharistie - paroles performatives qui font ce qu'elles disent « prenez et mangez en tous, ceci est mon corps livré pour vous » puis « prenez et buvez-en tous, car ceci est la coupe de mon sang, le sang de l’Alliance nouvelle et éternelle qui sera versé pour vous et pour la multitude en rémission des péchés ». Les participants à la messe sont alors constitués comme « invité•es au repas de noces de l’Agneau », référence tirée du livre de l’Apocalypse selon saint Jean, où l’Agneau est une figure centrale.

Du partage au sacrifice

Des quatre évangiles, celui de Jean est le seul qui ne rapporte pas ce qui est devenu la consécration dans le rite chrétien de la messe. Il lui substitue une autre séquence, ce même Jeudi saint, au cours de laquelle Jésus lave les pieds de ses disciples, contre l’avis de Pierre qui s’insurge par trois fois de voir son maître s’abaisser ainsi devant lui et les onze autres. C’est pourquoi, au cours de la messe du Jeudi saint, le prêtre rejoue ce « lavement des pieds » avec une douzaine de paroissien•nes. En l’occurrence, c’est l’évêque d'Orléans, Jacques Blaquart qui a renouvelé ce geste, jeudi, dans l’église Saint-Paterne, lavant trois pieds droits sur douze (et laissant les autres à un diacre). Au total le Jeudi saint renvoie à deux valeurs, celle du sacrifice et celle du partage car dans le christianisme, l’autel du sacrifice est aussi, indissociablement, la table du repas. 

Après son repas, Jésus entraîne ses disciples au jardin du mont des Oliviers pour prier. Mais ses disciples, inconscients de l’imminence du danger qui menace leur maître, ne parviennent pas à veiller avec lui, s’endorment et le laissent quasiment seul face à son destin qui va s’enchaîner dans la nuit et au matin du vendredi : arrestation, procès et jugement expéditifs, et, dans l’après-midi, crucifixion, à la veille du sabbat juif. 

Une présence adorable

Aussi, après la messe qui commémore la cène et le lavement des pieds, une nuit d’adoration est proposée aux fidèles, dans l’église qui reste ouverte à cet effet. Est proposé à l’attention des fidèles le Saint-Sacrement un ciboire repose cette présence cachée sous forme d'hosties consacrées. D'où le terme de « reposoir ». 

Un chemin vers la mort

Le Vendredi saint, troisième acte de la semaine sainte, commémore la mort du Christ en croix. La cérémonie emblématique de ce jour est le « chemin de croix », un chemin qui est matérialisé dans toutes les églises, tout autour de la nef centrale, soit par une suite de croix numérotées, généralement en chiffres romains, de I à XIV (nombre fixé par le pape Clément XII au XVIIIème siècle), soit par des peintures ou des bas-reliefs représentant les étapes de ce chemin, depuis le jugement jusqu’à la mise au tombeau. Ce chemin de croix a souvent lieu à 15 h, l’heure estimée de la mort de Jésus : « vers la neuvième heure » telle que la rapportent les évangiles de Matthieu, Marc et Luc, au terme d’une agonie de trois heures qui débute à la « sixième heure ». Ce chemin peut être pratiqué à l’intérieur de l’église ou à l’extérieur, au cours d’une procession. L’origine de ce chemin de croix remonte aux célébrations du Vendredi saint instaurées au XIIIème siècle par les chrétiens de Jérusalem, et singulièrement les Franciscains, disciples de Saint François d’Assise, qui serait « l’inventeur » de ce rituel. 

Concrètement, ce chemin  de croix, qui ne fait pas l’objet d’un rite aussi fixé - hors la liste des stations [2] - que celui de la messe, se déroule ainsi : un célébrant, prêtre ou laïc, s’arrête devant chaque « station » - qui porte bien son nom - du chemin, énonce le titre de chaque action qui s’y déroule et l’explicite, récite une prière enrichie généralement d’un chant. Paul Claudel, parmi d’autres artistes, a rédigé un poème pour chaque station. Vendredi, à 15 h, dans l’église Notre-Dame des Miracles, les chrétien•nes présent•es ont refait ce chemin circulaire, à la suite de trois laïcs qui le conduisaient, longeant les murs de la nef, tandis que des prêtres alentour recevaient la confession des pénitents du jour. Car le Vendredi saint, soulignant que Jésus est mort à cause de nos péchés dont il est venu nous sauver par sa mort et sa résurrection, est le moment propice pour demander pardon à Dieu, ce qui pour un catholique passe par la confession, sacrement délivré par le seul prêtre.

Le jour oublié

Le Samedi saint, en apparence, est un jour creux comme le creux du rocher évidé où, nous disent les évangiles, a été déposé Jésus, le creux qui épouse son cadavre enfermé à jamais d’une « lourde pierre » dans les ténèbres d’un tombeau et promis à retourner en poussière. Jour de tristesse, de non-événement, comme si rien ne se passait alors que peut-être, c’est là que tout a fermenté, qui a tout fait remonter et ressurgir. « Il sent déjà », disait Marthe à Jésus à propos de son frère Lazare mort et enterré depuis quatre jours et qui va sortir de la tombe à l’appel de son ami, tel un mort-vivant. Jour de déception que ce samedi. Après la tragédie, l'incompréhension, Oui, sans doute que ce samedi-là, tous sont déçus, amers que Celui pour lequel ils ont tout quitté les lâche au bord de la route, alors que, tout de même, s’il l’avait voulu, il aurait bien pu… Un Celui qui en perd temporairement sa majuscule. A-t-il entendu le « sauve-toi toi-même ! » des soldats romains qui gardaient le Golgotha, l’ultime invitation d’un monde qui s’était dérobé à lui, sur lequel il allait fermer les yeux, d’un grand cri ? Pourquoi s’est-il laissé faire comme un voleur, un bandit, un séditieux, lui qui a pourtant protesté au mont des Oliviers, quand on est venu l’arrêter : « Suis-je un brigand que vous vous soyez mis en campagne avec des glaives et des bâtons ? » [3]  Samedi saint, le monde est devenu incompréhensible, inexplicable, dénué de tout sens. C’est un présent qui semble avoir aboli tout ce qui a précédé au point d’obérer tout avenir. 

Un samedi sans fin ?

Mais n’est-ce pas là que nous nous trouvons aujourd’hui, là où le cours du temps universel nous a stockés ? « Nous ne savons plus croire » écrit Camille Riquier. N’est-ce pas là pourtant que nous devrions nous tenir pour pouvoir reprendre une histoire qui serait authentique, en acceptant de vivre une vie qui ne serait pas perpétuellement « co-aperçue » (mitsehen) [4]  dans la confortable interprétation de la mort que nous offre la résurrection du Christ et sa réplication en notre faveur, cette main tendue in extremis par Dieu au bord du néant ? Que célébrer en cet impossible samedi où a peut-être mûri le déni de la mort ? Comment pourrait-on le réintégrer dans ce triduum qui, comme les mousquetaires, sont quatre ? Jeudi, vendredi, samedi, dimanche : si je compte bien, il y a quatre jours et non trois. Quelle manœuvre a aboli le samedi, l’a transformé en point aveugle, en jour saint oublié, quel est le sens de ce jour que l’on saute au point qu’il semble n’avoir jamais existé, si ce n’est pour une descente aux enfers, rattrapée de justesse par un des credo ?  « Descendit ad inferos ». Est-ce que par hasard notre monde ne serait pas resté coincé dans un long samedi en enfer ? « Un jour je te décevrai et ce jour-là j’aurai besoin de toi » (Desnos). N'est-ce pas en ce long samedi où son Fils est tenu en échec que Dieu son Père a besoin de nous ?

Vers la lumière de Pâques

Puis vient la vigile, le samedi soir. Acte 4, qui débute à 21 h  à la cathédrale Saint-Croix d’Orléans. Moment nocturne. Nous sommes plongés dans la nuit qui n’est plus celle ensommeillée et effrayée du jeudi au vendredi, réveillée par les voix du traitre et des soldats et agitée par le cliquetis des glaives. Non, c’est la nuit encore inquiète et muette, apeurée, dans l’attente d’un jour nouveau encore incertain. Nuit de genèse qui se rassérène peu à peu à la voix  qui puise depuis le commencement dans les Écritures, dans le façonnement souterrain d’un nouveau commencement. Nuit interminable et impatiente de lectures, de psaumes chantés, de prières dites dans le froid de l’église. Nuit qui croise un feu auquel des cierges s’allument qui propagent leur flamme à d’autres et c’est tout un peuple qui entre dans le ventre de la cathédrale et va voyager jusqu’au bout de cette nuit la plus longue pour arriver au matin de Pâques. À ce feu s'allumera aussi chaque cierge pascal destiné à faire luire la résurrection du Christ dans chaque église, gravé de l'Alpha et de l'Oméga [5]. 


Le soleil victorieux

Que la lumière soit : le double récit de la Création (Genèse 1-2) envoie son écho lumineux jusque dans la cathédrale où les grands luminaires s’allument enfin pour cet office de la lumière et le retour des alléluias que le Carême avait suspendus. Juste avant la communion, l’évêque nous invitera à nous donner le rituel baiser de paix d’une autre façon, par un autre échange : - « Il est ressuscité ! » - « Il est vraiment ressuscité ! », un adverbe pour conforter la foi reçue de l’autre en la sienne propre, qui met la vérité en ordre de marche. Nous sortons dans la nuit. C’est déjà dimanche, Pâques, le jour de la résurrection et tout à l’heure, à 7 h 14, le soleil invaincu se lèvera sur une célébration œcuménique au Campo Santo, rassemblant catholiques, protestants et évangéliques.



[1] En Orient, la composition des huiles est plus élaborée, avec adjonction de myrrhe, cinnamome, roseau aromatique, cannelle…

[2] Toutefois, en son temps, le pape Jean Paul II a modifié le contenu de certaines stations au motif que celui-ci ne pouvait pas s'appuyer sur un épisode relaté par les évangiles mais sur des traditions plus tardives.

[3] Lc 22,52

[4] Selon la remarque de Heidegger dans Sein und Zeit : « Die in der christlichen Theologie ausgearbeitete Anthropologie hat immer schon – von Paulus an bis zu Calvins meditatio futurae vitae – bei der Interpretation des « Lebens » den Tod mitgesehen. » (SZ, § 49 p. 249) (ce qui peut être traduit : « L'anthropologie élaborée dans la théologie chrétienne a toujours vu la mort à travers l'interprétation de la "vie" - de Paul à la meditatio futurae vitae de Calvin »)

[5] « Je suis l'Alpha et l'Oméga, le premier et le dernier, le commencement et la fin » (Apocalypse 22, 13)



07 avril 2023

Samedi saint


Pour Benjamin,

"Il n'aurait fallu
 qu'un moment de plus
 pour que la mort vienne,
mais une main nue
 alors est venue
 qui a pris la mienne."

(Louis Aragon/Léo Ferré)

Portes ouvertes aux Enfers

    Curieux jour « sans » dans la Semaine sainte. Même mon Prions en Eglise [en 2015], d’une maigre page, assoit ses lecteurs sur le tombeau de Jésus et leur dit « attendez là en espérant que la pierre bouge d’ici à demain » (je simplifie). Jour creux que ce samedi saint, donc, du moins en apparence. Car si l’on en croit le Credo - que croire d'autre ? - le Fils de l’Homme, au lieu d'aller chez Carrouf' comme d'habitude, a dû profiter de son samedi pour descendre aux enfers (« ad inferna ») ou du moins dans les profondeurs de la terre : « descendit ad inferos », en latin. C’est du moins ce qu’affirme le « symbole des apôtres », plus ancien et plus simple que le Credo adopté à Nicée en 325 et révisé à Constantinople en 381 et qui lui, a carrément gommé cette visite chez Satan. On peut penser que le Christ ne s’est pas contenté de dire aux morts et aux damnés « il fait chaud, hein ? » mais qu’il les a pris par les cheveux pour les tirer de la fournaise et les remonter au ciel. « Il ne sauve rien celui qui ne sauve pas tout », chante Julien Clerc dans Noé.

    C’est aussi l’interprétation de Fra Angelico, dans la fresque du couvent San Marco à Florence : le Christ vient de fracasser la porte de l’Hadès, aplatissant au passage son gardien et sa kalachnikov, et il tend la main à Adam pour l’entraîner à sa suite avec tous ceux qui ont succédé au Premier Homme. Donc le Samedi saint est vraiment le jour du « salut pour tous », sans manif, ni procession, ni culte quelconque. Il ne se passe presque rien, du moins en apparence. Disons que ça travaille en-dessous. Pas de gros mots : souffrance, mort, résurrection, foi. Tout est calme. Il faut en profiter, c’est ouvert à tout le monde, open bar, sans discrimination aucune. C'est assez catholique, universel en clair.

    Pourquoi ne pas prendre le temps aujourd'hui [1] de mieux regarder celui qu'Emmanuel Falque a appelé Le passeur de Gethsémani [écrit en 1999] ? Je retrouve les notes de son cours que j'avais suivi au séminaire d'Orléans en 2015-2016 : 


 

Pour ce livre, Emmanuel Falque était parti de l’idée qu’il fallait être capable d’expliquer les choses quand tout va bien ET quand tout va mal. « À une époque, raconte-t-il, j’étais professeur de philosophie à Chinon et je lisais Heidegger dans l’autocar. J’étais rebuté par le discours sur l’au-delà. » Dans une note de Sein und Zeit*, Heidegger affirme que l’anthropologie déployée dans la théologie chrétienne, depuis Paul jusqu’à Calvin et sa méditation sur la vie future, a toujours co-aperçu (mitsehen) la mort dans l’interprétation de la vie, raison pour laquelle selon Heidegger le chrétien ne peut pas vivre l’angoisse de la mort. Or la mort est bien une fin absolue d’un point de vue humain : Heidegger a raison. Le chrétien ne la voit pas comme une fin mais comme un passage. Pourtant, comme le dit Pascal, le mort, « on lui met de la terre sur la tête et c’est fini à jamais. » 

La mort pour le Christ a été une fin véritable. Ce n’est pas un achèvement, sur l’air de « j’ai fini et je reviens dans trois jours ». Mais quand Jésus dit : « Père entre tes mains je remets mon esprit », il ne doute jamais qu’autrui est là. Le péché, c’est chasser autrui de ma mort. La mort du Christ, c’est la mort de tout homme. Le Christ traverse les étapes de l’angoisse de la mort. Mais il faut distinguer la peur de décéder de l’angoisse de la mort. Le décès désigne la fin de la vie, le moment même. La peur, elle, désigne l’acte par lequel nous reculons devant la mort ; on sait devant quoi on recule. Le Christ a eu peur de la mort : « éloigne de moi cette coupe ». Il revient vers ses disciples : « Simon tu dors ? ». À Gethsémani, le Christ passe de la peur à l’angoisse : « Simon tu dors, c’est fait ». Qu’est-ce qui est « fait » à cet instant-là ? 

Le Christ est passé de la peur du moment à l’angoisse de la mort. La différence, c’est que l’angoisse ne sait pas ce dont elle angoisse. L’angoisse de la mort, c’est se poser la question du sens de la vie devant cette fin. Je ne sais plus de quoi j’ai peur mais je me pose une question. Le Christ ne voit plus où est le sens. L’angoisse de la mort, il l’exprime dans un appel : « mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » Et il l’offre au Père, c’est le Père qui a ressuscité le Christ. Le Père est allé chercher le Fils. Ici se joue un pâtir et un passage. « A l’heure où Jésus passait de ce monde à son Père », cette heure où Jésus s’offre, il l’offre à son Père. Dieu transforme la finitude de l’homme. La mort n’est donc pas qu’un passage. Nous mourrons avec le Christ ressuscité. L’angoisse, il l’a vécue avec un autre, qui transforme l’angoisse en joie. Comme le dit Kierkegaard, « être chrétien ce n’est pas ne pas porter le fardeau, c’est porter légèrement le fardeau lourd ». C’est la force de Dieu qui a ressuscité le Christ. « Il est ressuscité » n’énonce pas un état, c’est un verbe au passif, le Christ n’est pas le surhomme de Nietzsche. Le Christ, c’est la kénose, la verticalité se fait horizontalité. Il s’agit pour nous d’habiter cette angoisse dans le Fils et de la laisser transformer par le Père.

Donc, il faut compléter le tableau de Fra Angelico. Le Christ n'a pas pu remonter seul des Enfers. Son Père est venu, qui lui a pris la main.

_______________

[1] j'avais publié une première version de ce texte le 4 avril 2015 que j'amende et complète ici.

« Die in der christlichen Theologie ausgearbeitete Anthropologie hat immer schon – von Paulus an bis zu Calvins meditatio futurae vitae – bei der Interpretation des « Lebens » den Tod mitgesehen. » (SZ, § 49 p. 249)




23 février 2023

Mercredi des Cendres 2033

 



 

LIBÉRACTION du 3 mars 2033

 

De notre correspondant local à Aurelianis Cenabum Kyllian Massue (mercredi 2 mars 2033)

 

C’est en pleine semaine, de façon plutôt inhabituelle, que la secte catholique organisait mercredi soir une de ses réunions publiques [1] périodiques dans le dernier bâtiment qui lui est affecté, prêté par la ville, dénommé « église sinpaterne » [2] par celleux qui la fréquentent. 

Vers 20 h, plus d’une centaine de ses adhérents du « cœur de ville » avaient bravé une soirée un peu chaude (42,5° C), à peine rafraîchie par les brumisateurs municipaux, pour se rassembler autour de leurs animateurs, des hommes d’âge mûr, certains vêtus de longues tuniques blanches barrées d’écharpes colorées. Trois semblaient adjoints [3] à deux autres de plus haut rang [4] qui étaient habillés, eux, de robes violettes. 

L’un des deux hommes en violet dirigeait apparemment la réunion. Après quelques paroles d’accueil, il s’est saisi d’une branche de buis desséchée – en mentionnant des « rameaux [5] » de l’an passé - et l’a enflammée à une bougie avant de la plonger dans une cuve d’acier qui contenait d’autres rameaux du même bois. Une belle flamme s’est élevée pendant quelques minutes pendant que plusieurs intervenants se succédaient pour lire à voix haute ou chanter des textes tirés des livres de la secte. Une fumée a succédé qui montait vers les voûtes de pierre grise et emplissait la salle d’une odeur de feu de bois. 

L’assemblée répondait sporadiquement à l’animateur de la réunion selon des formules apparemment connues de tous. Une feuille verte mise à disposition des participants contenaient les textes des chants et de certaines formules récitées en commun. Les adhérents étaient tour à tour debout, assis, certains même agenouillés ou inclinés, dans une certaine confusion qui reflétait soit une impréparation soit simplement un manque de discipline. Dans l’ensemble les visages étaient graves, sinon tristes et les chants parlaient beaucoup de « pardon », de « pitié » ou de « pénitence », des mots anciens qui ne sont plus guère employés de nos jours. 

À un moment, les animateurs se sont dirigés vers l’allée centrale et tous les spectateurs ont quitté leur rang pour se présenter devant eux. Chaque animateur portait une coupe contenant la cendre des buis qui venaient d’être consumés. Il marquait avec son pouce le front des personnes en lui apposant deux traits, un vertical et un horizontal [6], tout en prononçant la même jaculation, répétée : « convertissez-vous et croyez à la bonne nouvelle ! [7] ». A la fin, tout le monde, revenu à sa place, portait une marque grise, conservée jusqu’à la fin de la réunion. 

L’animateur principal a prononcé un long discours qu’il a lu, les yeux baissés sur son papier [8], écouté en silence par l’assistance. Puis la réunion s’est poursuivie autour d’une grande table de pierre [9] où évoluaient les adjoints, ajustant des tissus, apportant des petits flacons et des sortes d’assiettes et de coupes dorées pendant que l’animateur en chef prononçait à nouveau un long discours [10], multipliant les gestes, mains jointes ou bras ouverts selon les moments, le tout entrecoupé de chants brefs et de formulettes auxquelles répondaient plus ou moins timidement l’assemblée. On a mentionné les morts et les « diacres [11] et leurs épouses », car certains animateurs sont mariés. 

Vers la fin de la réunion, une nouvelle file d’attente s’est formée dans l’allée centrale : chacun allait recevoir des animateurs un petit disque rigide [12], de couleur beige ou blanche, que ceux-ci déposaient dans la main, ou parfois sur une langue tirée [13], en disant : « le corps du criste » [14], auquel l’assistant répondait « amène » [15] avant de le mastiquer et de se rasseoir. 

A la fin de la réunion qui avait duré une bonne heure, les animateurs se sont dirigés vers la sortie du bâtiment, où ils ont salué les personnes qui s’en allaient, seules ou en petits groupes. L’un d’eux a déploré l’absence de leur superviseur [16] qui selon lui aurait dû être présent pour soutenir la secte. Celle-ci a en effet pâti récemment du départ d’un de ses animateurs, de moins en moins nombreux. L’assistance s’est dispersée en silence dans les rues désertes.

K.M.

 

NDLR : Nous avions envoyé un jeune stagiaire de notre rédaction pour couvrir cette messe du Mercredi des Cendres. Il était peu au fait des us et coutumes de la secte. Mais nous avons voulu conserver la fraîcheur de son reportage. D’où les notes ci-dessous destinées à éclairer nos lecteurices sur la terminologie exacte employée par les sectateurs catholiques.



[1] Réunion que la secte nomme « messe »

[2] L’orthographe exacte est « Saint-Paterne ». Pour la secte catholique, un « saint » – il y a aussi des saintes,  - est un membre particulièrement honorable, qui s’est distingué dans le passé par ses vertus et sa piété.

[3] Il s’agit de « diacres », des auxiliaires qui déchargent les « prêtres » de tâches subalternes.

[4] Ce sont les « prêtres » selon la dénomination de la secte catholique (majoritairement des ♂).

[5] Par métonymie, ces rameaux désignent aussi une fête annuelle de la secte, les « Rameaux », qui reste la plus fréquentée (avec les obsèques).

[6] Il s’agit d’un « signe de croix », croix qui renvoie au supplice qui fut infligé par les Romains il y a deux mille ans au fondateur de la secte.

[7] La « bonne nouvelle » est la traduction en français d’un mot d’origine grecque, « évangile » par lequel la secte catholique désigne le livre qui conte le récit de son fondateur, Jésus encore dit « Christ », mort il y aura exactement 2000 ans cette année (le 7 avril 33, à Jérusalem, à l’époque capitale d’une colonie romaine orientale, aujourd'hui de la Panabramie)

[8] Selon le contexte et l’orientation donnée à ce discours – et celui qui le prononce - la secte parle de « prédication », de « sermon » ou « d’homélie »

[9] Nommée « autel », à ne pas confondre avec son homonyme « hôtel »; ce mot rappelle les pratiques sacrificielles d’anciennes religions qui se déroulaient sur une grande pierre.

[10] Il s’agit de la « prière eucharistique ». La « prière » est une demande adressée à Dieu. «Eucharistie » est un mot d’origine grecque qui signifie « rendre grâces » (ou plus simplement « remercier avec chaleur »).

[11] C’est le nom donné par les catholiques à ceux que notre reporter a nommés « adjoints » (cf. note 2 ci-dessus).

[12] Que les adeptes de la secte nomment « hostie », qui est pour elleux, sous les apparences de ce petit disque de pain sans levain, le corps même de leur fondateur, toujours vivant, dont ils se disent les « membres ».

[13] Certain·es adeptes répugnent à recevoir le « corps du Christ » dans leur main, qu’ils jugent impures. Ce comportement a toutefois été jugé risqué en période de pandémie.

[14] Il s’agit en fait du « Christ », sobriquet attribué au fondateur, « Jésus de Nazareth », du nom d’une ville de l'ancienne Palestine.

[15] Plus exactement « amen » qui est un mot d’origine hébraïque employé par la secte, qui se réclame encore de traditions plus anciennes venues de l’antiquité orientale. « Amen » peut se traduire selon les contextes par « je suis d’accord » ou « c’est certain ». D’autres mots d’origine hébraïque sont employés comme « hosanna » ou « alleluia » pour marquer l'enthousiasme.

[16] Il s’agit en fait de « l’évêque », chef local de la secte catholique ; ce mot vient effectivement d’un terme grec qui signifie « supervision ».

24 novembre 2022

Camille et Augustin



Pour Jean,

Sur la prière

Depuis que nous sommes nés, nous sommes séparés de notre mère. Depuis que le monde est créé, nous sommes séparés de Dieu. La séparation est la condition de la Vie, de notre vie. Cette séparation, Jésus l’a révélée à ses disciples quand ceux-ci lui ont demandé de leur apprendre à prier. Il leur a dévoilé en même temps un dieu « Père ». Voussoyant encore Dieu, « Notre Père, qui êtes aux cieux… » « restez-y » avait enchaîné Prévert, insolent ou rancunier, actant la séparation d’un « et nous, nous resterons sur cette Terre qui est quelquefois si jolie ». Prier c’est vouloir abolir la séparation en l’actant. 

« Il y a toujours quelque chose d’absent qui me tourmente ». C’est mon ami Dominique Léotard qui m’avait signalé cette phrase de Camille Claudel, tirée d'une lettre à Rodin, griffée sur la façade d’un immeuble de l’île Saint-Louis. Est-ce Dieu, cette « chose absente », tapie derrière ce qui nous tourmente et qui n’a pas de nom ? Ou nous « inquiète » comme le constate aussi saint Augustin dans les premières lignes de ses Confessions : « tu nos fecisti ad te et cor nostrum inquietum est donec resquiescat in te ». S’interrogeant d’entrée sur la volonté de louange qu’il y a au cœur de l’homme - « l’homme veut Vous louer », cet homme qui pourtant, le reconnaît-il, est « une part médiocre de votre création » - Augustin juge que c’est Dieu lui-même qui pousse l’homme « à mettre sa joie à le louer », « parce que vous nous avez créés pour vous (« ad te ») et que notre cœur est inquiet jusqu’à ce qu’il repose en vous » (« in te »)[1]

À seize siècles de distance, l’inquiétude d’Augustin répondait par avance au tourment de Camille, lui en proposait une résolution, mais nul n’a dit à l’artiste, pas même son frère Paul, qu’elle pouvait glisser son tourment en Dieu et l’y faire reposer. Nul ne lui avait appris à prier ou bien elle avait oublié. Sculpter la chose absente lui en tenait lieu, le marteau dans une main et le burin dans l’autre, peut-être étourdie entre deux œuvres sous les caresses de Rodin, qui lui exprimaient autrement « ce qui n’était pas encore » [2]. 

Inquiétude et tourment d’une double séparation. Comment combler la distance de la Terre au Ciel, de la naissance à la mort ? Dans Le soulier de satin , le Saint Jacques de Claudel, Paul cette fois, propose une formule à « deux âmes qui se fuient à la fois et se poursuivent » et qui n’auraient qu’à le « regarder pour se trouver ensemble » puisque « quand la terre ne sert qu’à vous séparer, c’est au ciel que vous retrouverez vos racines » [3]. Le ciel et non quelque au-delà incertain de la mort serait le véritable orient vers lequel tourner nos vies tout en gardant les pieds sur terre, comme le conseille Prévert. C’est sans doute la prière qui peut seule commander cette vection entière de notre être, qu’il soit tête et cœur ou corps et âme. Qu’importe en quelles sortes de parties nos atomes sont divisés, la prière a pour fonction de nous réunifier en nous faisant remonter, libres, à la source d’où nous venons, par les bras qui nous ont à la fois portés et égarés.

Saint François de Sales est le maître qui nous introduit à cette « vie dévote ». « 1. Mettez-vous en la présence de Dieu – 2. Suppliez-le qu’il vous inspire » [4] La consigne paraît simple. Exige-t-elle de s’arrêter, de suspendre son affairement ? Sans doute, surtout s’il s’agit de (re)prendre contact, comme s’il s’agissait d’un•e ami•e perdu•e de vue. Se retirer dans sa chambre ou dans une église, allumer une bougie, poser son corps dans la position où Dieu aimera me trouver. Essayer de faire le vide en ne pensant à rien, « ce rien qui nous délivre de tout » (Claudel encore). On a alors l’impression d’être dans un sas, enfermé entre deux portes, celle qu’on vient de refermer et celle qui n’est pas encore ouverte. Le mot d’antichambre serait moins angoissant. Le « supplier » alors, comme souvent supplient les psaumes, les antiennes d’ouverture de la liturgie quotidienne de la messe. « Prends pitié de moi, Seigneur, car j’ai crié vers toi tout le jour… » Ces mots d’autrui peuvent nous aider à supplier, à quoi nous ne sommes guère habitués, par insouciance, orgueil, oubli ou simplement par peur d'entrevoir la détresse qui est au fond de nous, qui était au fond d'Augustin et au fond de Camille. Et attendre. Quelque chose, quelqu'un, va se manifester à moi. Un contact s’établira, tôt ou tard, maintenant ou dans la journée. La prière peut restaurer et retisser ce lien perdu à la naissance du monde. C’est sa fonction et alors il devient possible de louer tout ce qui arrive, le mauvais comme le bon, porté par une boussole intérieure, tournée pour la journée vers Dieu et le prochain, qui sont une seule et même chose. La porte s’est ouverte qu’aucune nuit ne refermera.

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Notes :

[1] Les confessions, saint Augustin, traduction Joseph Trabucco, Garnier Flammarion.

[2] Cf. « la caresse » dans la phénoménologie de l’éros d’Emmanuel Levinas – in Totalité et infini, p. 235, Martinus Nijhoff, 1961.

[3] Le soulier de satin, Deuxième journée, scène VI

[4] Introduction à la vie dévote – Saint François de Sales – Première partie, chapitre IX

20 novembre 2022

"La faute de l'abbé Ricard"


Assemblée plénière des évêques de France à Lourdes (8 novembre 2022)


"Méfiez-vous de votre dévotion à la Vierge" [Frère Archangias à l'abbé Mouret]

in La faute de l'abbé Mouret, Émile Zola



L'exemple vient d'en haut

Après l'aveu (tardif) du cardinal Ricard, et ceux à venir puisque l'épiscopat a semble-t-il choisi le genre du feuilleton pour ses révélations (il y a déjà eu Mgr Santier puis Mgr Grallet), ce n'est pas l'Eglise catholique qui est en crise mais la voix de sa hiérarchie, son autorité, du fait de la disqualification de certains de ses membres, de plus en plus haut placés. Ce qu'a dû reconnaître Mgr Éric de Moulins-Beaufort dans le discours de clôture de l'assemblée des évêques à Lourdes, le 8 novembre dernier, qu'on écoutera avec profit (33 mn 45). 

« La faute de l'abbé Ricard », pour ancienne qu'elle soit et en dépit de la prescription qui découle de cette ancienneté, a rejailli sur le cardinal qu'il est devenu, sur la légitimité de son parcours et même sur le corps auquel il appartient du fait de sa carrière – pour le pékin de base, le plus haut « grade » juste en-dessous de pape - jusqu'à ruisseler sur l'ensemble de l'institution ecclésiale. Certes, en conscience, aucun  catholique ne devrait pouvoir lui jeter « la première pierre » - qui en tout état de cause ne vaudra jamais réparation pour la présumée victime - mais ceux qui ne tirent pas pour eux-mêmes la leçon de l'évangile dit de la femme adultère [1], par ignorance, pharisaïsme ou simple anticléricalisme, n'y manqueront pas. Ce qui est indéniable, c’est que l’Église catholique est entrée dans une nouvelle phase dans laquelle, qu’elle l’ait voulu ou non, elle se « donne en spectacle », comme on dit, elle « scandalise » par le haut, rebond prévisible des révélations faites par le rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) publié le 5 octobre 2021.

Appeler un chat un chat

A la lecture des aveux des « coupables », on est soi-même embarrassé par des tournures qui ressemblent plus à des éléments de langage fournis par un communicant qu'à des propos sincères. Même si la pudeur et le souci de protéger celle de la victime anonyme, seule à pouvoir se reconnaître, peut expliquer des expressions aussi vagues et stéréotypées que « gestes inappropriés » ou « comportements déplacés », on aimerait des précisions qui situerait la faute en question, puisque faute est avouée, entre un faux-pas ponctuel et sans lendemain et un acte relevant du Code pénal, qui connaît lui-même des gradations. Tant qu’à nous faire voyeurs, autant qu’on sache ce qu’il y a à voir ; tout ne peut pas être mis sur le même plan ! Car enfin, un geste peut être « déplacé » au regard du statut conféré à un prêtre du fait de son ordination, sans qu'il constitue pour autant une « agression » notamment vis-à-vis d’une personne majeure, dans une situation de séduction pas toujours prévisible. Mais ce « déplacé »  peut aussi renvoyer à la « surprise », qui est un des éléments retenus par le Code pénal pour qualifier un viol (« violence, menace, contrainte ou surprise »). Et certains gestes venant d'un prêtre peuvent a priori surprendre une femme (ou un homme) qui ne s'y attend pas de la part d'un homme « consacré », célibataire réputé tenu à une continence parfaite et perpétuelle (sans toutefois qu’il ait fait vœu de chasteté comme un religieux).

 C'est l'intention qui compte

Ce qui doit être pris en considération surtout, c'est l'intention. Le Christ ne condamne pas le désir en lui-même. Il peut m’arriver de désirer une femme ou un homme - car le désir n'est jamais hors jeu dans une relation - sans commettre l'adultère (si je suis marié, ou elle ou lui, ou tenu par d'autres vœux). Mais, dit précisément l'évangile à l'attention des hommes, je ne dois pas regarder une femme pour la désirer [2], dans l'intention d’attiser mon désir sur elle. C'est l'intention qui règle tout, faisant de l'autre un sujet ou un objet (sachant que tout un chacun peut aussi désirer être un objet pour l'autre à un moment d'une relation, mais c'est une autre histoire !). L’évangile le dit clairement, en des termes quasi-phénoménologiques : « la lampe du corps, c’est l’œil » [3]. L’œil qui regarde pour désirer, c'est l’œil pornographe [4]. Après, si je suis un homme et si je bande, il m'appartient de savoir ce que je fais de cet état, de ce signal que m’envoie mon corps, en me rappelant l'avertissement de Brassens : « la bandaison papa, ça ne se commande pas » et celui de Sade : « il n'est nul homme qui bande qui ne veuille être un despote. ». Même commentaire si je suis une femme qui sait aussi bien quelles sont les manifestations corporelles de son désir, le corps mentant rarement, et sur le « despotisme féminin » capable d’emprunter d'autres voies que le masculin.

Un système « clérical-impérial », misogyne et anti-homosexuel

Donc, on ne lapide personne mais ce qui est probable, en revanche, c'est qu'un nombre croissant de catholiques se sente maintenant fondé, comme a commencé à le faire la Ciase, à amplifier sa critique d’un système « clérical-impérial » (tel que le définit Danièle Hervieu-Léger), de surcroît misogyne et condamnant l'homosexualité (ce qui est paradoxal quand on sait désormais que le corps des clercs catholiques abrite en son sein une proportion d’homosexuels, conscients ou non de l’être, supérieure à la moyenne dans la population générale [5] ).

La sacralisation du prêtre

Rappelons les grands traits de ce système. Il place dans le monde, nommés sur un territoire donné, la paroisse [6] , des hommes plus ou moins jeunes en exigeant d’eux tous, uniformément, sans considération de leur ethos individuel, d'y vivre quasiment comme des moines (sans pour autant faire les mêmes vœux), donc comme n'étant pas du monde, ainsi qu’en a décidé au XIème siècle le grand pape Grégoire VII [7] parce qu’il était moine lui-même et voulait réformer et assainir l'Église (avant que Luther ne débarque quatre siècles plus tard…). L’instauration de la règle du célibat s'est accompagnée d'une sacralisation du prêtre censée préserver contre toute tentation les engagements déduits de son ordination. Cette sacralisation, combinaison indissoluble de la « mise à part » et de la « continence », a produit un effet de levier formidable pour donner aux clercs un pouvoir quasi-absolu sur l’ensemble des baptisé•es relevant de leur juridiction territoriale, et en particulier sur les femmes, exclues du service des sacrements (mais non des tâches multiples dans les églises, à l’instar des religieuses). 

L'emprise de la confession

Parmi ces sacrements, celui de pénitence a sans doute créé le plus d'occasions d’emprise du clerc-confesseur sur ses pénitent•es, compte tenu de l'importance singulière prise dans la confession auriculaire par l’aveu personnel – et dans certains cas, par la recherche obsédée, inquisitoriale de cet aveu - des péchés commis contre le sixième commandement, étendu, alors qu'il ne concerne en théorie que l'adultère, à l'ensemble des comportements sexuels. Les « stripconfessions » de l’abbé Santier ou les pelotages pseudo-psychanalytiques de l’abbé Anatrella relèvent bien de cette obsession du « peccati carne » que fouaillaient encore naguère les prêtres italiens de Rome [8]. 

L'Église « experte en humanité »

Dans ces conditions, si des leaders de l'Église catholique peuvent être soupçonnés de duplicité, de vies  parallèles, qu'ils auraient pris soin de cloisonner et qui  s'affranchiraient des principes affichés par eux, la hiérarchie catholique peut-elle continuer à se poser dans son ensemble, au-dessus du « peuple de Dieu », sans ironie ou cynisme, en « experte en humanité » dans la lignée du discours de Paul VI à l’Onu en octobre 1965 ?

De la loi naturelle trangressée à la rupture anthropologique

Esquivant désormais le registre doctrinal-moralisant traditionnel, issu d’une lecture largement extensive des dix commandements, principalement du « tu ne tueras pas » et, on l’a dit, du « tu ne commettras pas d'adultère », l'Eglise catholique « qui est en France » a cru pouvoir dans la période récente, après les batailles perdues contre la pilule (1967) et l'interruption volontaire de grossesse (dépénalisée en 1975), critiquer diverses innovations sociétales - mariage pour tous, droit à mourir dans la dignité, droit à l'enfant par tous moyens existants, revendications existentielles de minorités très agissantes LGBTQ+, etc. – les présentant  comme des « ruptures anthropologiques ». Il s'agit là d'une terminologie modernisée  qui se veut  elle-même en rupture, plus ou  moins cosmétique, avec l'ancien discours doctrinal plus rigide fondé sur la « loi naturelle »  (invoquée par l’encyclique Humanae vitae en 1968 pour condamner la pilule contraceptive) et le « péché » (qui consiste à  transgresser cette loi).  C’est tenter d'affirmer une essence de l'homme déconnectée de conceptions religieuses, pour la partager avec tous et y reprendre pied en tant qu'autorité morale, alors qu'il est vraisemblable que l'Eglise catholique ne puisse plus désormais prétendre s'adresser qu'à ses fidèles, comme le pense Mme Hervieu-Léger.

Le catholicisme, « une contre-culture » ?

S’il est une idéologie qui pourrait signifier aujourd'hui cette « rupture anthropologique », c'est bien le transhumanisme. Celui-ci vise en effet un au-delà de l'humain, à travers diverses possibilités « d'augmentations » psycho-physiologiques, repoussant, avec la figure de « l’homme augmenté » aussi bien la finitude posée par l'être-pour-la-mort heideggerien que la vie éternelle offerte à tous via la résurrection chrétienne. En affirmant que le transhumanisme ne serait rien d'autre qu'un avatar du capitalisme qui poursuit son œuvre amorale destructrice de l'humanité et de la planète via la science et la technique [9], des courants catholiques ont endossé des positions objectivement anti-capitalistes, entendant même se poser comme les hérauts (héros ?) d'une « contre-culture » au sens où Jean Paul II avait caractérisé la culture dominante du monde contemporain comme « culture de mort ». Le désormais saint pape reprenait alors une condamnation du monde (kosmoV) certes présente dans la tradition johannique, mais sans les nuances que l'évangéliste  prête à Jésus, pour qui le « monde » reste une réalité ambivalente, tantôt positive-sauvée (« je ne Te demande pas de les retirer du monde ») tantôt infernale et irréparable, car conduite par le « Prince de ce monde » ( « prenez courage, j'ai vaincu le monde » i.e. le Mal en langue laïque).

Plus jamais

Ces courants catholiques  sont liés autant à la mouvance traditionaliste qu'à la charismatique voire à  la féministe – des alliances objectives apparaissent entre eux – et revendiquent un esprit de « résistance » typique des positionnements minoritaires, qu'ils soient émergents ou déclinants. Les catholiques « conciliaires » (en gros, les « boomers ») regardent avec perplexité ces courants s'emparer d’une partie de l'épiscopat, qui, de son côté, se réjouit de cette attitude de « résistant » qui contribue à  l'affirmation d'une identité catholique renouvelée dans le contexte de ce que Mme Hervieu-Léger nomme « l'exculturation » du catholicisme, i.e. son expulsion hors de la culture commune et dominante. Cette culture, ces nouveaux catholiques peuvent, comme les « anciens », revendiquer d’y participer en y mêlant  leur voix, au besoin dissonante mais réduite à présent à n'être qu'une parmi d'autres, sans plus jamais pouvoir prétendre à détenir la vérité. 

Les dégâts de la Manif pour tous

À noter que si le populisme consiste à suivre le peuple (et non à le précéder, Mussolini l’avait bien compris ainsi), les évêques dans leur ensemble ont eu un comportement qu'on peut qualifier de populiste au moment de la Manif pour tous, en bénissant les autocars qui partaient vers Paris pour une croisade d'un autre genre. Pour beaucoup de jeunes catholiques progressistes, l'hostilité manifestée alors contre l'homosexualité et par là contre les  homosexuel•les a constitué aussi un moment de rupture avec l'institution catholique, attirant leur attention sur des paragraphes terriblement obsolètes du Catéchisme de l’Église catholique (entre autres, § 2357 à 2359) promulgué en 1992 par Jean Paul II. 


***

Vers l'implosion, avec ou sans point d'interrogation ?

Quelle première leçon tirer de cette crise des abus sexuels au sein de l’Église catholique ? Tout ce qui y concerne la sexualité devrait y être mis à  jour d'urgence voire purement et simplement expurgé du catéchisme.  Ces leçons de morale composent une doctrine d'une autre époque qui n’a plus rien à faire mélangée aux dogmes intangibles de la foi, dont elles corrompent la lecture contemporaine. La crise en cours crée les conditions d’une réforme qui viendra nécessairement. Interrogée par Emmanuel Laurentin, Danièle Hervieu-Léger révélait l’autre jour sur France Culture que le titre initial de son livre coécrit avec Jean-Louis Schlegel, Vers l’implosion ? [10] ne comportait pas de point d’interrogation, lequel avait été ajouté par l’éditeur…


PS : Ces considérations font écho à celles que m'avait déjà inspiré en octobre dernier une communication épiscopale à destination des fidèles. Cf. L'Église dont le prince est un enfant.

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Notes :

[1] Jean 8, 1-11

[2] Matthieu 5, 28 (Sur l'œil, je renvoie ici à mon billet du 11 février 2018.)

[3] Matthieu 6, 22

[4] Œil pornographe malheureusement surentraîné aujourd’hui, dès le plus jeune âge.

[5] Séminariste moi-même à Saint-Sulpice dans les années 68-70, et quoique étant alors un adolescent provincial et peu déniaisé, j’avais compris a posteriori, affranchi par l’un ou l’autre, que nombre de mes condisciples parisiens étaient homosexuels – pratiquants. Ils se reconnaissaient entre eux d'une question : "Est-il de la paroisse ?".

[6] Paroisse qui peut comprendre aujourd’hui en milieu rural 10,  30,  40 clochers...

[7] pape de 1073 à 1085.

[8] Je dois l’anecdote à Lucien Monteix, curé de Saint-Denys-du-Saint-Sacrement à Paris 3ème, qui se souvenait au début des années 70, de terribles confesseurs romains répétant « peccati carrrne, peccati carrrne ? » à leurs pénitents pour les pousser à ce qui semblait être l’aveu suprême.

[9] Science et technique elles-mêmes critiquées de longue date par les philosophes de l’école de Francfort (Habermas et alii)

[10] Vers l’implosion ? Entretiens sur le présent et l’avenir du catholicisme – Danièle Hervieu-Léger, Jean-Louis Schlegel – mai 2022 – Seuil (387 pages, 23,50 €)



09 septembre 2022

Elizabeth Finch

 


"Monothéisme, dit ce jour-là Elizabeth Finch. Monomanie. Monogamie. Monotonie.
Rien de bon ne commence de cette façon."

Neil hérite un jour les papiers et les livres d’une enseignante dont il a suivi les cours des années auparavant alors qu’il était trentenaire et déjà divorcé. Il nous raconte quel étrange et fascinant personnage était Elisabeth Finch, dont il est tombé amoureux, adorant « le fait qu’elle était bien plus intelligente que moi ». À l’issue de l’année de cours, elle va accepter contre toute attente de déjeuner avec lui deux ou trois fois par an, réglant toujours l’addition, et cette relation platonique va durer vingt ans, sans que le mystère qui entoure Liz Finch ne se dissipe pour son commensal transi. 

Il va même s’accroître du fait de cet héritage intellectuel confié à Neil sans qu’il l’ait vu venir. En lisant les carnets de Liz, en parcourant sa bibliothèque, en essayant de percer ses secrets, en se nouant d’amitié avec son frère aîné Christopher pour essayer de découvrir qui elle était vraiment, Neil s’embarque par fidélité posthume dans une longue recherche historique qui va le ramener au temps de l’empereur romain Julien dit – par les chrétiens - l’Apostat, celui par qui l’empire eût pu rester païen au lieu de basculer définitivement dans le christianisme. Parallèlement, Christopher mettra Neil sur la piste « d’un homme au pardessus croisé » dont Liz a peut-être été l’amante. Au final, Neil est tenté d’écrire la biographie d’Élizabeth, plus pour rester en sa compagnie que pour la percer à jour. 

Et l’on découvre que le nerf, discret comme Liz, de ce roman est la critique qui s’y dessine peu à peu, dans la lignée d’un Nietzsche, de la religion chrétienne, qui aurait détruit « la joie de vivre ». Épictète, cité par Liz au début de son cours, avait pourtant donné sa clé du bonheur dans son Manuel : savoir reconnaître la différence entre les choses qui dépendent de nous et celles qui nous sont données et sur lesquelles nous ne pouvons agir, et nous comporter en conséquence. Si Julien l’Apostat n’avait été vaincu, à trois siècles de distance, par le « pâle Galiléen », serions-nous plus heureux car plus libres ? 

Julian Barnes fait tout pour que Liz et Neil après elle nous en convainquent. Mais au final, l’Histoire ne relève-t-elle pas justement de ces choses sur lesquelles nous ne pouvons pas agir et qui ne doivent pas nous tourmenter, au contraire des récits, qu’un romancier peut mener à sa guise, jusqu’à la réinventer ? Un livre doux-amer, cérébral et élégant comme un club d'Anglais agnostiques. 

Elizabeth Finch - Julian Barnes - Mercure de France - 197 pages - 19 €

01 mai 2022

Pour un « Front démocratique » aux élections législatives



Quel nom donner à l’opposition démocratique lors des élections législatives ?

Je fais partie de celleux qui ont voté Mélenchon au premier tour des présidentielles, un vote utile un peu à contrecœur, mais pour conjurer la configuration d’un second tour qui semblait aussi inéluctable qu’inutile, soit un nouveau face-à-face entre le futur président et, comme n’a pas manqué de le souligner Zemmour au soir du 24 avril, le « huitième échec » de la famille Le Pen.

Je fais partie aussi des déçus d’Emmanuel Macron, qui s’étaient enthousiasmés dès 2016 pour ce jeune candidat qui voulait renouveler la vie politique et lui insuffler un nouvel élan, notamment en la débarrassant du clivage gauche/droite pour rallier à lui tous les « progressistes ». J’avais en son temps largement décortiqué le livre-programme Révolution de ce météore qui s’est installé depuis dans le paysage politique. Frédérique Dumas, ex-députée LREM, vient de conter sa désillusion macronienne – entre autres - dans un livre de souvenirs sans filtre sur sa carrière de productrice de cinéma et sur le pouvoir en général : Ce que l’on ne veut pas que je vous dise (Masson éditions).

Alors que les tractations vont bon train entre les « partis de gauche » qui mangent (ou pas) dans la main de Mélenchon pour sauvegarder leurs circonscriptions, on s’interroge sur la meilleure bannière qui pourrait rassembler à gauche une alternative au RN et à LREM. La France insoumise (ou Union populaire) ne peut prétendre écraser ses vassaux encore vaillants au plan local et ce n’est sans doute pas son intérêt électoral. Mais la manne financière que représentent des voix et des élus locaux pour le financement des partis au cours des cinq ans à venir interdit à tous de perdre leur identité et va donc être disputée âprement. D’autant que le seuil de 12,5 % des électeurs inscrits (et non des suffrages exprimés) exigé pour se maintenir au second tour place la barre assez haut, notamment en cas de forte abstention. Raison primordiale pour s’entendre avant le premier tour.

Quel nom commun donner à ce qui pourrait sortir des discussions en cours ? La vie politique ne manque par de vocabulaire pour désigner ses organisations : Parti, Union, Rassemblement, Convention, Front, Fédération, Ligue, Organisation, Mouvement, Alliance, Alternative, Force, Centre, Action, Lutte et j’en oublie sans doute.  L’Union de la gauche aurait un air rétro. Le Front populaire reste un moment de l’Histoire dont il serait sacrilège d’emprunter l’étendard. Depuis, le Front a-t-il  été trop longtemps national pour être récupéré à gauche ? « Front de gauche » aurait pourtant quelque allure, même s’il se situerait  dans l’opposition plus que dans la proposition. Mais l’appellation a déjà été utilisée par Mélenchon. Le Front national s’est lui-même débaptisé en « rassemblement » misant une partie de sa « dédiabolisation » sur ce changement de nom. Difficile aussi de marier le national et le socialiste pour d’autres raisons historiques... Comment par ailleurs utiliser le mot « peuple » ou l’adjectif « populaire » sans être accusé de populisme ? Il s’agit bien de se « rassembler » et naguère il y eut un Rassemblement pour la République... L’adjectif socialiste a fait son temps et connote trop le quasi-défunt PS.  Le mot « parti » semble inadéquat pour désigner l’union électorale de partis différents. C’est pourtant de cela qu’il s’agit : d’une union pour gagner des élections, à laquelle chacun doit  prêter un peu de son identité quitte à en perdre une partie. 

L’enjeu de ces élections législatives est inédit : il s’agirait d’imposer une cohabitation au locataire de l’Élysée, en considérant les élections de juin comme un troisième tour des présidentielles, alors même que le quinquennat a été créé pour éviter cette cohabitation (idée bien déconstruite par Blast). En demandant « élisez-moi comme Premier ministre », M. Mélenchon a clairement revendiqué le leadership qui serait issu des résultats. Mais rien ne permet d’augurer que l’effondrement des partis historiques, PS, Verts ou PC auquel on a assisté à l’élection présidentielle, sera de même ampleur lors des scrutins locaux, d’autant que des positions fortes ont été assurées lors des municipales dans certains grandes villes, par exemple, ainsi que dans les élections départementales et régionales. 

Aussi, Front démocratique ne serait-il pas un bon dénominateur commun, chacun restant identifié avec son étiquette originelle ? On aurait ainsi des candidatures uniques au premier tour, Front démocratique-PS, Front démocratique-PC ou Front démocratique-Les Verts, Front démocratique-FI. La question de l'étiquette ainsi réglée, il ne reste qu'à définir un candidat unique de ce Front démocratique dans chaque circonscription. S'il gagne, il sera toujours temps de choisir un Premier ministre dans le parti arrivé en tête au sein de ce Front pluriel et de composer un gouvernement dont les portefeuilles seront répartis à la proportionnelle, sachant que tous les ministères ne sont pas égaux... Mais nous n'en sommes pas encore là ! Rendez-vous les 10 et 17 juin.


Adieu Fabrice

Mardi 11 février 2025, adieux à Fabrice Zimmermann. J’aurais voulu dire quelque chose – déformation professionnelle ? – mais il ne me venait...