24 janvier 2020

Aujourd'hui, l'Apocalypse




Pourquoi l'Apocalypse est, selon André Paul, une Bonne nouvelle.


Avant de devenir un nom commun, synonyme de catastrophe majeure voire de fin du monde, l'Apocalypse avec majuscule est, en langue française, le nom propre du dernier livre de la Bible chrétienne. André Paul, « théologien libéral » et historien nous en propose une traduction nouvelle, « fidèle à son modèle antique mais  moderne dans sa forme littéraire » (10)*. A sa suite, mettant le texte « au travail », il lui fait tracer ce qu'il nomme « sept voies de lecture » ou «  d'accès » (65)  - et ajouterai-je de cheminement intérieur au texte - pour son lecteur, convaincu que le livre biblique est en capacité de délivrer, de son sein même et par lui-même, les clés de son interprétation. Derrière cet effacement apparent de notre auteur, se développe malgré tout son ample et savant commentaire, nourri de références intertestamentaires et historiques qu'il avait savamment défrichées et déchiffrées dans son livre précédent, Biblissimo, révélant le terreau dans lequel le texte s'enracine et comment ce texte a « travaillé » non seulement ses lecteurs mais aussi l'Histoire, et singulièrement au sein de l'Histoire, l’art et la politique, qui ont assuré à l'Apocalypse, et ce jusqu'à nos jours, une fécondité et donc une destinée esthético-idéologique hors du commun.


Lire ou relire ce texte, utilement enrichi par le traducteur de titres et de sous-titres qui permettent au lecteur de s'y repérer un tant soit peu, est une expérience peu commune d'immersion dans un monde de visions dont on saisit très vite en quoi elles sont effectivement la matrice visuelle et idéologique de productions artistiques – on songe aux gravures de Dürer - et de mouvements politiques - « millénaristes » de toutes sortes - aussi bien anciens que contemporains. Cette lecture, André Paul l'a voulue inaugurale. Il aurait pu la reléguer en annexe mais il voulait s'assurer que son lecteur « sache recevoir et pour ainsi dire ingérer, quelle qu'en soit la démesure et comme à l'état brut, tant ses images que ses sons » (84), dans une première lecture « naïve » en quelque sorte. Et notre auteur de soutenir, non sans quelque paradoxe au vu des quelque 300 pages de ce livre, que « la lecture de l'Apocalypse ne s'accommode ni du commentaire ni de l'allégorie ».

Placé à la fin de la Bible, l'Apocalypse est le répondant parfait, au sens liturgique de ce mot, du premier livre, celui de la Genèse, qui serait l'alpha alors que le dernier serait l'oméga, accomplissant les Écritures dans la figure centrale de l'Agneau, avatar ultime de Jésus de Nazareth. Cette dernière transfiguration du Fils de l'homme en animal, pour symbolique qu'elle soit, a une « fonction cardinale et structurante » (137), nous explique l'auteur, non seulement pour l'économie littéraire du livre, mais pour la foi chrétienne elle-même. D'ailleurs, nous rappelle-t-il dès les premières lignes, apocalypse signifie révélation en grec et c'est bien la connivence profonde de l'Apocalypse avec l'évangile, autre mot grec simplement translittéré en français, qu'André Paul s'attache à montrer et démontrer dans son ouvrage, affirmant même « l'équivalence entre Révélation et Évangile » (72), entre apocalypse et bonne nouvelle, autrement dit.

Aujourd'hui l'Apocalypse est aussi l'occasion pour André Paul de revenir à des thèmes – singulièrement ceux de la rupture et du mythe chrétiens - qu'il n'a cessé de vouloir reprendre et approfondir de livre en livre, depuis une cinquantaine d'années.

Il y a bien une « rupture doctrinale produite et signifiée par le livre de l’Apocalypse » (67), rupture d'avec les contextes tant mythologique que judaïque de cette œuvre. Parce que Jean de Patmos est bien autre chose qu'un simple voyant ou visionnaire, « il y a rupture avec le schéma courant de la production apocalyptique » (98) de l'époque qui se contente le plus souvent de transposer les conditions terrestres des humains. A cette rupture disons culturelle, il faut ajouter une rupture religieuse d'avec le judaïsme contemporain qu'André Paul repère dans la destitution symbolique du Temple, présente aussi dans l'évangile de Jean - «mais lui parlait du temple de son corps » (Jean 2, 21) - et dans l'institution du « jour du Seigneur » à la place du sabbat.

Quant au « mythe chrétien », dont il entend « promouvoir la réalité et la pertinence »(68), André Paul lui consacre une ample et remarquable conclusion – la pointe du livre en fait - dans laquelle il développe comme jamais ce qu'il entend par là. Il n'est pas étonnant que ce soit le livre de l'Apocalypse qui lui ait fourni le support idéal à cette nouvelle démonstration, laquelle confère un sens nouveau à un « au-delà » chrétien.

Pour notre auteur, parler de mythe à propos de la chose chrétienne, ce n'est pas s'inscrire dans une entreprise, qu'elle soit hostile ou non, de démythification (ou de dėmythologisation à la manière d'un Bultmann), qui viserait à distinguer dans les Écritures ce que l’on peut à la rigueur croire, en vertu de quelque historicité dûment contrôlable et contrôlée, de ce qui relève de légendes dépassées. C'est au contraire une approche qui entend restituer au texte son intégrité et au mythe qu’il porte sa force pleinement performative, que tend au contraire à dissoudre toute autre approche interprétative-allégorique. Qu'est-ce qu'un mythe ? André Paul en propose plusieurs définitions illustrées.

C'est d'abord un récit – c’est le sens du muthos grec - en forme de drame narratif destiné à « jouer et signifier une origine », par exemple l'origine des sexes chez Platon, dans les deux schémas – contradictoires – que le philosophe en livre respectivement dans le Banquet et dans le Timée.

Le mythe peut servir aussi à porter un « diagnostic anthropologique sur le Mal, la souffrance et la mort », leur imaginant une sortie par le haut, dans un monde recréé, un au-delà. Plutôt que de préconiser un retour à l'origine, le mythe va alors proposer « un rendez-vous avec la fin » (272), en quoi, souligne notre auteur, le mythe est « subversif ou révolutionnaire ».

C’est chez Plutarque, « grand collecteur de mythes et de traditions grecques » qu'André Paul trouve l'articulation qu'il recherche entre muthos et logos, qui étaye, pour cet auteur latin, Grec d'origine, toute theologia. Et d'avancer une analogie : le mythe serait à l'écriture ce que la fête est à la société et à la vie, cette expérience qui transcende les conditions ordinaires de celles-ci.

Dans l'Apocalypse précise André Paul, le récit assumerait à la fois la fonction ordinaire du mythe, mise en forme du drame de l'Histoire, et la sortie vers un au-delà de celle-ci, délivrée du mythe par la fusion des deux cités, chères à saint Augustin, la terrestre et la céleste. Cette « sortie », qui n'est pas sans rappeler la formule de Marcel Gauchet pour qui la religion chrétienne est « la religion de la sortie de la religion », l'Apocalypse en serait donc, pour notre auteur, le plus éloquent des manifestes, un manifeste performatif appelant l'humanité à passer de l'existence à la Vie. Ce passage a un coût dont Jésus-Christ-Agneau a payé le prix, celui d'une pédagogie dramatique de l'existence instaurée par lui (278), nommée « Passion » par les chrétiens.

En révélant ces ressources de la vie, cachées depuis la fondation du monde, l'Apocalypse nous appelle donc à nous libérer, par la foi et dans l'hupomonè, « persévérance confiante dans l'épreuve » (277), des obsessions de la survie. Cet appel, à lui seul, ne suffirait-il pas à prouver l'actualité du livre d'André Paul, dont cette courte recension ne saurait bien évidemment dire l'entière richesse ?

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Aujourd'hui l'Apocalypse – André Paul – Les éditions du Cerf – parution : 9 janvier 2020 (308 pages, 22 €)

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* les chiffres entre parenthèses renvoient à la pagination de la présente édition.

23 décembre 2019

Une bête au Paradis

Genre : #balancetonporc bucolique



            Aimer encore

Un grelot du passé tinta en elle.
Pendant quelques secondes, son oreille fut emplie de ce son tordu qui venait de loin.
Elle l’entendit, ce grelot furieux que le moindre battement de cœur bousculait.
Elle portait ce drôle d’enfant à une voix, cet instrument étrange, ce bégaiement aigu,
insupportable s’il durait trop, résonnant du crâne à l’orteil.


« Vous êtes arrivés au Paradis ». C’est écrit tôt, sur la première page, et par ce simple écriteau, Cécile Coulon nous jette dans son domaine sans crier gare, où la tragédie est déjà consommée. Depuis I.N.R.I*, on sait ce que valent les pancartes et le poids d’ironie douloureuse qu’elles portent.

Cécile Coulon, c’est Mauriac sans Dieu. En apparence, aucune figure tutélaire ne se tient derrière ses personnages pour commander, infléchir ou interdire leurs sentiments et leurs actes. À moins de se référer au Deus sive natura de Spinoza. Car chez Coulon, c’est la nature qui est à vif, c’est elle la première source de toutes les émotions, leur unique matrice, c’est elle qui dirige le cours des choses avec sa force poétique, jusqu’à leur accomplissement. Face à la Nature et contre elle, le monde des intérêts humains tente de tisser sa toile, de se glisser insidieusement dans les esprits et de les corrompre pour détruire les paysages et les lignées que ceux-ci ont portées. Ce monde violent va prendre le visage séducteur d’Alexandre, venu tout droit du vert paradis des amours lycéennes pour fracasser en deux temps le Paradis vert d’Émilienne et de ses petits-enfants, Blanche l’aînée et Gabriel le petit frère brisé. Louis, l'ado blessé recueilli par Émilienne, le valet de cœur jaloux, sera au final bien mal récompensé.

Les fidèles de L’Iconoclaste ne manqueront pas de relever des correspondances entre le roman d’Adeline Dieudonné paru l’an passé, La vie sauvage, et celui de Cécile Coulon publié cette année, Une bête au Paradis, comme si le sauvage de l’une avait appelé la bête de l’autre. Chacun d’eux commence en roman d’apprentissage, parfumé d’enfance au point qu’on pourrait les penser tous les deux destinés à la jeunesse. Mais très vite les drames arrivent et les prédateurs sont là ou se préparent. Les femmes et les enfants vont-ils se rebeller ? Oui, car l’heure de la revanche a sonné. Les masques publics vont tomber, qui recouvraient les dominations domestiques, les raclées infligées aux épouses, aux enfants, aux animaux. Les manœuvres, les promesses non tenues, les manipulations du sentiment féminin, les confiances détruites, forment une gigantesque addition qui s’abat au final sur les menteurs et les violeurs d’âmes et de corps. Les hommes brutaux, faillis, infidèles, trompeurs seront abattus ou livrés à une mort abjecte, en châtiment de leurs vies impitoyables. C’est une justice expéditive qui est rendue. Point n’est besoin de contre-enquête ni de procès pour les lecteurs. Le récit des victimes acculées à la folie par leurs autrices suffit à faire foi, il ne sera pas utile d’y mêler ni police ni avocats ni juges avant de venger d’un coup, comme à Guignol, des années de persécutions.

Est-ce si simple ? « Celle-là surmontera tout. » Ce fut le pronostic de l’instituteur devant les autres adultes quand Blanche revint à l’école, avec son petit frère Gabriel, après la mort brutale de leurs parents dans un accident de voiture, à deux pas du Paradis. À relire le prologue d’Une bête au paradis, rien n’indique que Blanche, en surmontant tout, à sa manière, ait trouvé dans la vieillesse un quelconque apaisement. Quel « grelot du passé » tinte encore en elle quand elle fleurit chaque jour la fosse à cochons désertée ? Est-ce le souvenir de celui en qui elle avait cru, ou ces quelques pétales saluent-ils, de leur beauté sauvage et désespérée, le sentiment, bafoué et enfoui dans le sang ?  Le « Bildungsroman » s'est mué en conte d'avertissement. 

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* I.N.R.I abréviation romaine de IESVS NAZARENVS REX IVDAEORVM. Il s'agit, selon évangile de Jean, du sigle que Ponce Pilate fit graver sur l'écriteau posé au-dessus de Jésus en croix, écrit en trois langues, hébraïque, grecque et latine et qui signifie Jésus de Nazareth le Roi des Juifs (ou Judéens, selon les traductions) Cf. Jean 19, 19-22.


09 novembre 2019

Par les routes

 Le petit pain chaud de la rentrée littéraire



On apprend dès les premières lignes que le narrateur de Par les routes est un artiste, à la fois écrivain et peintre, qui ne s’attarde guère sur ses œuvres. Mais l’une d’elle est sans doute en cours, c’est le livre que nous allons lire. Car le métier du narrateur ressemble furieusement à celui de l’auteur, Sylvain Prudhomme. Quand le roman commence, Sacha vient de s’installer dans la ville de V. pour y travailler, écrire et peindre, donc. V. reste anonyme mais c’est une Ville du Sud, au bord d’un fleuVe. Sacha n’y connaît pas grand monde, juste un vague cousin, aimable dans son souvenir, mais c’est un peu volontaire. Sacha cherchait la solitude, une sorte d’ermitage en ville.

Mais le hasard va vouloir – formule inepte car il n’y a guère de hasard dans un roman – que, dans cette ville de V., Sacha retrouve un autre anonyme, l’autostoppeur, qu’il n’a pas revu depuis 15 ans mais qu’il n’a jamais oublié. L’autostoppeur a changé jadis la vie de Sacha mais aujourd’hui quelque chose a changé dans la vie de l’autostoppeur. Il a une compagne, traductrice de l’italien et ils ont eu ensemble un garçon. Elle, elle semble s’être accommodée de lui, qui n'a pas cessé de disparaître périodiquement pour de longs voyages en France, pour le seul plaisir d’être emmené par celle ou celui qui, en voyant le fameux pouce agité au bord de la route, va décider de s’arrêter. Elle, elle semble être toujours amoureuse de cet intermittent de l’amour qui, entre deux éclipses, fait des chantiers de rénovation, une activité sans importance, ce n’est pas ce qui le fait vibrer.

Sylvain Prudhomme nous introduit doucement mais irrésistiblement dans ce triangle à la Jules et Jim. La Catherine de Truffaut s’appelle ici Marie (mais il y a aussi une Jeanne dans l'histoire). Le triangle est en fait un quadrilatère. Agustin, le fils de l’autostoppeur, est bien présent dans le récit dont il va être, pourrait-on dire, un acteur passif. Après, ce qui devait arriver arrive. J’ai besoin de partir moi aussi, dit un jour Marie, fatiguée de l’autostoppeur absent. Sacha se propose de garder Agustin et s’installe chez Marie. Au bout de dix jours, il est toujours sans nouvelles de Marie. En riant, Sacha se dit qu’il est « un putain de coucou », sauf qu’il n’a pas viré l’oisillon du nid. Marie va-t-elle revenir ?

Ce n’est pas l’intrigue ni son dénouement qui surprennent ou qui font l’intérêt de ce roman que l’on pourrait classer dans les petits pains chauds – je préfère à l'anglais feelgood - de la rentrée. C’est la façon de raconter les choses de la vie en mode journal extime, de les dépeindre et de les repeindre sans cesse, dans un milieu doux et bohème de province, sans trop de besoins donc sans trop de soucis. Dans l'œil du cyclone social. Pour ses dialogues, Sylvain Prudhomme s’est affranchi du tiret cadratin, se contentant d’un retrait à la ligne ou les insérant dans le corps du texte sans guillemet. Cette décision typographique lisse agréablement le texte, mariant la voix du narrateur à celle des autres en une sorte de continuum qui est, au fond, celui de notre imaginaire de lecteur, sans ponctuations ni limites.

Le collectionneur de rencontres aléatoires continue à fasciner Sacha. D’une certaine façon, quinze ans après, l’autostoppeur a reconquis son ami et va tenter ultimement de l’arracher, à Marie cette fois, qu’il sait lassée de lui. Plutôt qu’une histoire de triangle, ce roman est plutôt le récit d’un lévirat, cette coutume orientale qui veut que si mon frère marié meurt sans descendance, j’épouse sa veuve pour lui en donner une. Partir c’est mourir un peu. Mais partir beaucoup, trop même, c’est aux yeux de Marie, mourir complètement.


PS : Par les routes a obtenu le prix Femina 2019.

28 septembre 2019

À ces Idiots qui osent rêver

 



Les quatre saisons de l’amitié et de l’amour

Assise sur un banc, une jeune femme lit tranquillement. Survient un homme, écouteurs aux oreilles, portable en main, qui tient une conversation animée avec, on le devine, sa compagne du moment. La jeune femme vit déjà mal cette intrusion, et quand l’homme, ayant terminé sa conversation téléphonique, s’assied, désinvolte, auprès d’elle et la prend à témoin de ses déboires sentimentaux du moment, elle l’enverrait bien paître ailleurs. Sauf que. Sauf que la conversation s’engage, que la jeune femme n’arrive pas à s’en dépêtrer et qu’au final, quelque chose se noue entre les deux, un lien amical qui va se transformer sous nos yeux, au fil du temps amoureux qui s’étire comme un chat.

Céline Devalan a écrit et mis en scène une pièce nerveuse et romantique, jouée comme une comédie musicale, numéros de claquettes inclus. Des tableaux se succèdent, tantôt courts tantôt plus longs, à égale distance entre le film Quand Harry rencontre Sally et la comédie musicale La La Land, tous les deux cités. La musique de scène, due à Adriel Genet, ajoute son énergie à la pièce. Chacun défend sa vision de l’amour. L’une est passionnée et romantique, l’autre aspire, en apparence, à un bonheur plus tranquille. Qui convertira l’autre, qui l’emportera au final ? C’est Thibault Amorfini qui donne la réplique à Céline Devalan et leur complicité sur scène est évidente. Dans la petite salle du théâtre Essaïon, on est si proches d’eux que les choses jouées de l’amour ont tôt fait de rejoindre nos vérités intimes. Émotion garantie.

Attention ! plus que deux dates : jeudi 3 octobre 2019 à 19h15 et vendredi 4 octobre à 21 h 30

Théâtre Essaïon 6 rue Pierre au lard 75004 Paris

PS : En cet été 2022, la pièce est reprise dans le cadre du festival off d'Avignon du 7 au 30 juillet au @theatrelaluna.



31 janvier 2019

Varsovie-Les Lilas

Pas un jour sans une ligne





Méfiez-vous de ces espionnes qui vous écoutent aux terrasses ou aux zincs des bistros, qui vous suivent dans la rue ou vous observent aux arrêts d’autobus. Elles n’ont qu’une hâte : rentrer chez elles et écrire, écrire jusqu’à trouver le mot juste qui vous épinglera définitivement sous la vitre d’un livre.

Marianne Maury-Kaufmann pourrait être cette sorte d’entomologiste collectionneuse. Illustratrice, elle campe chaque semaine dans Version Femina, d’un trait cruellement tendre, une version moqueuse voire caustique de ses contemporaines, dont elle ne se désolidarise pourtant jamais. A celles et ceux qui ont la chance de l’avoir pour « amie » sur Facebook, elle offre régulièrement ses petits sketches de la vie quotidienne, si bien ciselés qu’ils réveillent notre regard assoupi sur le monde.


Avec Varsovie-Les Lilas, son deuxième roman, elle nous livre une version plus grave de la vie en nous faisant monter dans un autobus parisien où Francine, son héroïne, voyage sans but précis la journée durant. Sans but précis, vraiment ? En fait, en empruntant le 96 qui passe en bas de chez elle et l’emmène tantôt vers Montparnasse, tantôt vers la Porte des Lilas, Francine cherche à qui parler. Ce n’est pas d’être veuve qui l’a rendue muette. Ce ne sont pas ses rendez-vous avortés avec Roni, sa fille, qui ne lui en laisse pas placer une, qui lui rendront la parole. Non. Francine est née juive à Varsovie en 1939. Elle a donc beaucoup de chances de vivre encore, à Paris, aujourd’hui. Mais ce qu’elle a à dire est trop lourd, trop massif. Elle a eu trop de mamans avant de retrouver la sienne, cette Dorota qui est réapparue devant elle un beau jour du printemps 1945, comme un fantôme, avec toujours « deux ans de moins sur ses papiers » mais « cinquante de plus dans le corps ». Dorota ne racontera rien à sa fille. Francine, elle, ne peut rien raconter à personne de ces années arrêtées et enterrées dans un coin de sa mémoire d’enfance.


Francine continue donc à traverser inlassablement Paris, gentiment toquée. Les lignes de bus ont leurs habitué•e•s. Pourquoi un jour descend-elle avec celle qu’elle a surnommée en secret « la Bougie », pourquoi la suit-elle dans la rue, où trouve-t-elle l’audace de l’aborder, le courage de lui demander : « Vous aussi, vous êtes seule ? » La Bougie est une drôle de fille, qui pourrait être la sienne. Elle s’appelle Avril. Elle va devenir la raison de vivre de Francine, qui n’avait jamais pensé qu’elle pourrait en avoir une, de raison. Avril à Paris. Jusqu’au jour où…


En filmant Francine en plans très serrés, c’est aussi un portrait de la capitale que nous livre « MMK », un Paris saisi à bras-le-corps dans sa mauvaise saison, celle des pavés humides, des lumières de Noël qui pèsent sur les âmes solitaires. Elle mêle tellement les vies croisées et leur décor qu’elle semble pétrir une pâte urbaine de rues, de boutiques, de lampadaires, de façades ouvertes sur l’intime, de paumé·e·s en tout genre, pâte que ses mots précis, ajustés, font lever lentement en nous, jusqu’au dénouement, simple et lumineux. Gracié.


Montez dans le 96 avec Francine, vous ne le regretterez pas.

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Varsovie-Les Lilas, Marianne Maury-Kaufmann, Éditions Héloïse d’Ormesson (173 pages, 16 €)


11 janvier 2019

Sérotonine

 Houellebecq, moraliste et mystique





Michel Houellebecq est comme le Beaujolais nouveau : attendu et fêté plus que de mesure, populaire et élitiste, vulgaire et à consommer de suite. Nécessaire et donc important. C’est aussi un de nos meilleurs produits d’exportation. Son retour sur les tables (des libraires) est toutefois moins fréquent que celui de notre piquette nationale. Je soupçonne son succès de l’avoir rendu paresseux. Il y a déjà quatre ans que Soumission sortait, le jour même où la rédaction de Charlie Hebdo, qui lui avait consacré sa Une, était massacrée. Redoute-t-il depuis ce 7 janvier 2015 que ses livres produisent une configuration de planètes aux effets funestes ? Il faudrait lui demander mais il paraît qu’il ne donne plus d’interviews. En tout cas, rien de terrible ne s’est produit, en apparence, ce 4 janvier 2019, si on considère que la crise des Gilets jaunes© n’a pas démarré ce jour-là et qu’elle a su jusqu’ici étaler ses morts.

J’ai acheté Sérotonine le 8 et je l’ai lu le 9, profitant de deux heures et demie de voyage en autocar et d’un bout de soirée dégagée après une heure d’adoration du Saint Sacrement, qui fut parfois distraite, je l’avoue, par des traces de ma lecture de l’après-midi.

La longue confession de Florent-Claude Labrouste, ingénieur agronome (comme l’auteur) dépressif est centrée, comme tous les livres de Houellebecq, sur la description des relations entre les hommes et les femmes.  Et comme dans tous ses romans, le sexe en action - et plutôt ici au passé décomposé - y tient une grande place. C’est toujours la chose la plus importante qui soit, même si - ou plutôt parce que – notre auteur récuse fermement le patronage du « sinistre autrichien » pansexualiste. Un sexe qui serait l’arbre cachant la forêt de l’amour ? A première vue, il y tient la place que celui-ci occupe dans certains romans policiers : celle d’une pause friandise dans une intrigue pas toujours drôle. Il y a quatre ans, je formulais l’hypothèse que l’écrivain Houellebecq s’écrivait une scène de cul de temps à autre pour regonfler son conatus, comme il regonfle les pneus de deux petites mignonnes, dans la séquence séminale qu’il tourne en Espagne, au début de son livre, pour se donner le courage d’écrire la suite. Si on aime Houellebecq, c’est qu’il décrit le sexe sans fards et sans illusions, mais de façon souvent comique et gourmande, avec ce petit décalage qui sépare heureusement les tableaux de Sade des saccades exténuées de YouPorn ou, dit autrement, la grâce stylée des mots de la prison glauque des images. En la matière, on n’a rien inventé depuis les Grecs et les Romains, souligne-t-il d’ailleurs en toute modestie. Mais ça reste le passe-temps idéal, surtout pour un quadra dépressif presque réduit aux bons soins de la phallocentrique veuve Poignet. "Je la traitai par les moyens habituels" (18).

Chercher l’aiguille de l’amour dans la botte du sexe ? Sérotonine est aussi un livre sur l’amour, sur la possibilité du bonheur, avec ou sans pilule. Eros et agapè sont dans le même bateau et ne rament pas toujours dans le même sens. Florent-Claude boucle pour nous son parcours amoureux de vingt années, de Camille à Camille, en passant par Kate, Claire, Tam ("funeste idée"), Yuzu… Et présentement : personne. Florent a décidé de disparaître pour faire le vide et remonter le cours du temps. Amours dans le désordre d’une vie, analepses, prolepses, Florent-Claude ne nous raconte pas les choses selon la chronologie, ce sens illusoire de la marche des choses, dont se méfient les bons romanciers. Il est à l’âge des regrets et se dit peut-être comme Ferré qu’il ‘faudrait pouvoir faire marche arrière/comme on l’fait pour danser l’tango ♫’. Oui, Sérotonine ressemble à un tango, gai et tragique à la fois. On rit souvent chez Houellebecq, un rire fréquemment empathique, au profit des autres et aux dépens de soi. Et on se retient de pleurer, par pudeur. « Mais pourquoi m’entraîner dans ces scènes passées, comme dit l’autre, je veux rêver et non pleurer ajoutait-il, comme si on avait le choix… » (181). Le passé est ce qui aspire Florent dans sa spirale dépressive. Et de s’interroger : pourquoi finalement tout à foiré ? Pourquoi est-ce que je me retrouve seul, au terme du parcours, puisque terme il semble y avoir ? Et peut-on, dans ces conditions, continuer à danser jusqu’au bout ?

Mais aussi : que serait un roman de sexe et d’amour sans l’ombre fraîche de la mort ? La mort est le vrai autre, chez Houellebecq. La si belle mort désirée des parents de Florent, hommage à l’euthanasie qui couronne le seul couple durable de Sérotonine, couple d’un autre âge sans doute mais pourquoi ne serait-il pas encore possible, celui-là ? Plus gravement, la mort des paysans français programmée par Bruxelles. Florent-Claude a été un de ces experts qui défendaient l’agriculture nationale dans le combat perdu d’avance des économies rurales livrées par la CE aux compétitivités comparées. Il retrouve Aymeric d’Harcourt-Olonde, un ami et condisciple d’Agro qui s’est lancé dans l’élevage laitier sur les terres du château familial, en Normandie. A la première visite de Florent, Aymeric, défenseur suranné de la traite à la main, a encore la foi dans son métier, dans ses vaches et dans sa femme. A la seconde, tout est bien différent… La fin des quotas laitiers décrétée par les eurocrates met les producteurs à genoux, les uns après les autres. La qualité du lait, le bien-être des animaux ? On s’en fout en haut lieu. L’agriculture est dé-naturée. Dans la campagne, les suicides se multiplient, dans le silence assourdissant des politiques. Sur ce sujet, Houellebecq retrouve la figure de l’écrivain engagé, aux côtés de son narrateur, qui va assister impuissant à la chute héroïque de son ami.

Il y a de la noirceur chez Houellebecq, du désenchan-tement, mais aussi une énorme lucidité dont on lui sait gré car elle entretient au tréfonds d’elle-même un exercice d’espérance. On laissera au lecteur le plaisir de découvrir les deux dernières pages de Sérotonine, splendides à bien des égards. Est-ce Florent-Claude Labrouste ou Michel Houellebecq qui donne cette magistrale leçon sur le bonheur, la mort, l’amour et Dieu même, convoqué en son fils agacé par l'endurcissement des cœurs ? Oui, ces deux dernières pages sont étonnantes au point de ressembler à un ajout, dans un évangile qui aurait omis  la résurrection (comme celui selon saint Marc) et qu'une autre main aurait complété. C’est pourtant bien Houellebecq qui s’y révèle moraliste et mystique, à nu, jetant en quelques lignes une couleur nouvelle sur les pages qui ont précédé, comme pour tout sauver, in extremis, de l’impuissance et du naufrage. Est-ce encore possible ?

"Il semblerait que oui."

PS : Écouter Le mystère Houellebecq dans Répliques, l'émission d'Alain Finkielkraut sur France Culture (2 février 2019)

01 septembre 2018

À son image


Une messe sur le temps présent 

C’est à une messe que le dernier roman de M. Ferrari nous invite. Le plus beau et le plus fort passage du livre est  le chapitre 6, au milieu d'un livre qui en compte 12. C’est le moment auquel l’oncle et parrain d’Antonia aurait voulu échapper, la raison pour laquelle il a résisté quand sa sœur lui a intimé l’ordre de célébrer la messe d’obsèques de sa fille, la raison pour laquelle il a cédé et se retrouve devant tout un village, toute une île. Juste après l’évangile, on le sait, dans l’ordinaire de la messe, fût-il ce toujours extraordinaire qu’est une messe d’obsèques, le prêtre qui, jusqu’ici, n’a fait que réciter des formules saintes et convenues d’avance, prend la parole, celle qui lui a été confiée par le Christ lui-même le jour de son ordination, quand il gisait « étendu à plat ventre […] sur le dallage glacé de la cathédrale d’Ajaccio », mourant en droit et en fait à toute chose pour renaître tout à tous, selon la formule de l’apôtre Paul. 

Ce moment du sermon – ou de l’homélie pour faire plus savant - c’est le moment des figures libres, au milieu des imposées de la liturgie, celui d’où devraient surgir des paroles neuves, comme si le Christ était là en personne et nous parlait. Celui pourtant où tant de catholiques, moi le premier, s’endorment ou rêvent distraitement à autre chose, au poulet qu’il ne faudra pas trop cuire à midi ai-je bien pensé à acheter une salade à ce bel homme tiens je ne l’ai jamais vu à l’église au lundi qui va nous rejeter dans la routine à cette jolie fille que l’on aperçoit sporadiquement entre deux piliers quand même il fait chaud mais sa robe n’est-elle pas un peu courte dans ce lieu et qu’on se promet de mieux regarder quand elle défilera avec les autres pour aller communier car elle semble avoir, vue d’ici et si mal, de bien jolies jambes, etc. Ce moment de prédication, M. Ferrari en fait, à travers les hésitations et les angoisses qu’il inflige à son prêtre, une formidable méditation sur la mort et sur ce qu’on peut en dire ou pas. Car demeure toujours cette certitude devant le cercueil, qu’a exprimée Blaise Pascal dans les termes les plus crus, que le mort, « on lui met de la terre sur la tête et c’est fini à jamais. » A quoi servirait d’être romancier, philosophe ou poète si on ne se coltinait avec la mort ? M. Ferrari, qui est un peu tout cela, nous le fait comprendre avec éclat dans ce livre où jamais la vie et ses enjeux n’ont été si présents.

Le si mal-nommé fidèle qui assiste à la messe, au lieu de s’y livrer avec tout son corps comme le fait son Seigneur, n’est pas le seul distrait. Le roman de M. Ferrari, qui n’est donc qu’une longue cérémonie d’obsèques serait pour le lecteur, le croyant encore plus que l’incroyant, ennuyeux comme une messe s’il n’était aussi cette somme de distractions, celles qui s’emparent invinciblement du célébrant, l’oncle et parrain d’Antonia, et que nous rapporte l’auteur, pour raconter les trente-huit années de la vie écourtée de sa filleule si chérie, juste éclairée à cet instant par la lueur des cierges. Comme le fidèle distrait, mais là c’est le célébrant, nous quittons régulièrement la messe pour de longues analepses bien plus intéressantes puis nous revenons au présent, réveillés par un coup de pied de la morte, car c’est bien Antonia dont on vient d’évoquer la jeunesse, les amours, les photographies, les aventures de photo-journaliste, bref la Vie, et c’est la même Antonia la Morte qui gît là dans son cercueil et qu’il faut faire passer, confier à Dieu une fois pour toutes et qui se rappelle à nous, pour que nous fassions jusqu'au bout ce qu'il y a à faire, le prêtre et nous, ses lecteurs.

Si l’oncle et parrain d’Antonia, le prêtre, celui dont le nom n’est jamais prononcé, est déchiré, entre deuil et espoir, c’est aussi parce qu’il est à l’origine de la vocation d’Antonia, à laquelle il a offert un appareil photo pour ses 14 ans. Ce cadeau fera qu’Antonia se retrouvera plus tard dans un journal local à photographier des inepties avant, quelques années plus tard, de fixer sur des pellicules qui ne seront jamais développées les atrocités du conflit yougoslave. Antonia aura alors abouti à l’idée que « l’existence de la photographie était évidemment injustifiable » car il n’y a que « deux catégories de photos professionnelles : celles qui n’auraient pas dû exister et celles qui méritaient de disparaître. » (189) Mais, ne sachant rien faire d’autre, elle continuera ce métier impossible en photographiant des mariages, jusqu’au dernier qui lui coûtera indirectement la vie.

Se glissant dans la pensée du prêtre, M. Ferrari prend bien soin de distinguer les images des photographies. Dans une église, « le regard ne s’appuie sur les images que pour les traverser et saisir, au-delà d’elles, le mystère éternel et sans cesse renouvelé de la Passion » (108). Peu importe en cela la laideur plastique de certaines statues ou autres chemins de Croix. Mais la photographie, elle, « ne dit rien de l’éternité, elle se complait dans l’éphémère, atteste de l’irréversible et renvoie tout au néant. » (108) M. Ferrari frappe dur : « sur les photographies, les vivants mêmes sont transformés en cadavres parce qu’à chaque fois que se déclenche l’obturateur, la mort est déjà passée. » (109). M. Ferrari n’est pas iconoclaste mais photoclaste. Aux tirages qui auraient pu orner chacun de ses chapitres, il a d’ailleurs préféré leurs légendes, comme pour affirmer la supériorité de l’écrit sur la vulgarité des photos. Il n’a concédé à son éditeur que la photographie de couverture, un autochrome du début du XXème siècle, qui semble avoir été pris hier sur une plage corse, vraie-fausse Antonia du roman.

Le hasard a voulu que quelques jours avant de lire À son image, je relise L’agneau, de François Mauriac. Soixante-quatre années les séparent. En littérature moderne, ce n’est pas rien. Tout s’est accéléré même si les Lettres, c’est leur privilège, vivent hors le temps du monde. Pourtant, je n’ai pu empêcher que ces deux livres s’unissent et se confrontent dans mon esprit. Après tout, n’avais-je pas affaire, dans l’un et l’autre cas, aux œuvres de deux grands écrivains catholiques ? J’emploie à dessein cette formule surannée parce que M. Ferrari lui redonne, comme François Mauriac en son temps, et avec le même culot, une éclatante modernité, dans la lignée d’autres imprécateurs chrétiens comme Bloy et Bernanos. Comme si la violence de ceux-ci, mâtinée du goût pour l’understatement du Bordelais, étaient passées dans le Corse philosophe écrivain. Aurait-il lu M. Ferrari, Jean-Paul Sartre en eût-il tiré la même conclusion qu’à propos de Mauriac ? «… les auteurs chrétiens, par la nature de leur croyance, sont le mieux disposés à écrire des romans : l’homme de la religion est libre. »

Il y a chez Mauriac et M. Ferrari le même attachement à leur milieu et pays d’origine, la Gironde pour l’un et la Corse pour l’autre. Et c’est la même sainte et impitoyable colère qui s’empare d’eux pour fustiger les dérèglements de sociétés fermées sur elles-mêmes – et pour cette raison en voie de dégénérescence - la bourgeoisie bordelaise pour François Mauriac, les Corses en proie au nationalisme insulaire et endogame pour M. Ferrari. À son image dresse au passage – ce n’est pas son but premier - un tableau cruellement comique des nationalistes, notamment en suivant la longue relation amoureuse entre Antonia et Pascal B., l’un des leaders du mouvement indépendantiste, jusqu’à son dénouement.

Un autre trait mauriacien surgit sous la plume de M. Ferrari. Avant d’être appelé au sacerdoce dans des conditions très soudaines qui sont également racontées, le futur prêtre vivait en concubinage « avec Damienne T, une veuve de dix ans son aînée ». Qu’il ait dû l’abandonner après l’avoir si mal aimée, elle et son fils, reste douloureux. M. Ferrari fait alors un commentaire que n’aurait pas renié Mauriac : « comme si la grâce ne pouvait être obtenue qu’au prix exorbitant d’un péché indélébile » (34)

Au final, la plus forte leçon chrétienne d’À son image est sans doute celle-ci, qu’aurait sûrement aussi approuvée Mauriac, soit deux idées qui n’en font qu’une : que c’est en mourant ou que c’est aux morts qu’on peut le mieux dire je t’aime, alors même que tout semble indiquer, dans un cas comme dans l’autre, qu’il est trop tard. Mais pour Antonia et son parrain, pour la filleule et le prêtre, c’est bien leur Heure. J’ai pensé d’ailleurs, en refermant À son image que ce mot « heure », qui est le dernier de Belle du Seigneur d'Albert Cohen, n’était pas très éloigné de la chute que M. Ferrari donne à son livre, bouclant sur les premières pages : « … Antonia se lève parce qu’il est temps de partir. »


À son image - Jérôme Ferrari - Actes Sud (222 pages, 19 €)


En complément, on lira avec intérêt l'entretien avec Jérôme Ferrari  paru dans Le Monde des Livres du 7 septembre 2018. M. Ferrari y fait profession d'incroyance : "Il est sûr que je ne suis pas croyant" mais fait sienne l'expression de Michel de Certeau qu'on lui propose : "écriture croyante", à laquelle il est sans doute parvenu, dit-il, via l'émotion esthétique éprouvée à l'occasion de messes d'enterrement corses.

Edmund Husserl

  Avertissement : cette présentation de la philosophie d'Edmund Husserl provient de notes que j'ai prises pendant le cours donné par...