26 juin 2024
Et la culture dans tout ça ?
31 mai 2024
Transportation sur le Caillou
Mardi 20 octobre 2009 (matin)
L'anse Vata vue par ma fille. J'aurais aimé prendre cette photo.
Les billets de banque émis par l’Institut d’émission d’outre-mer sont colorés, coloniaux, très beaux, bien plus que nos tristouilles euros (1000 francs Pacifique font un peu moins de 10 euros). Réponse au geste d’accueil par Brigitte Simon, qui a également remis deux étoffes au chef local. Marie-Aude a dit également un mot. Les activités préparées par les différentes classes ont pu alors commencer. Les 6ème du collège Guillaume Douarre ont d’abord entonné un chant d’accueil en langue faga uvea, accompagnés par Samuel à la guitare. Puis, les CM2 d’Eben Eza ont posé des questions qui ont permis à Marie-Aude de se présenter. Les CM2 de Saint-Michel ont présenté une bande dessinée fixée sur un grand panneau, qui réinterprétait 22 ! S’est ensuivie une chorégraphie sur le même 22 ! par les 6ème du collège Eben Eza, aidés par quelques parents qui assuraient l’accompagnement musical. Les 6ème du collège Hwadrilla ont lu un poème consacré à 22 !. Toute cette cérémonie en plein air a été suivie d’une rencontre, dans une classe, avec des délégués de chaque école, pendant que les enfants goûtaient sur l’esplanade, à deux pas du plus beau lagon du monde….
Puis nous sommes partis déjeuner avec les enseignants et quatre petits guides chez Roger Alosio : apéritif, entrée de crevettes, bougna au poisson et au tarot (sorte de patate douce, un des féculents de base de l’alimentation locale), poisson cuit à l’étouffée, dessert d’oranges et de pommes, le tout excellent. Nous avons repris l’avion à 15 h 30. Depuis ce qu’on appelle ici pudiquement « les événements », certains habitants pensent encore qu’Ouvéa est une île maudite. Une jeune institutrice originaire de l’île en a fait la confidence à Brigitte. A quinze ans, elle était en internat à Nouméa et en a pris « plein la figure » quand Jean-Marie Tjibaou et Yeiwéné Yeiwéné ont été assassinés à Ouvéa par un insulaire, le 4 mai 1989. Elle pensait même, vingt ans après, que nous ne viendrions pas. Aucun auteur de l’opération Livre mon ami n’était revenu à Ouvéa depuis dix ans. Il semble bien qu’il y ait encore un « complexe ouvéen » mais Marie-Aude ne l’a pas senti dans la nouvelle génération qu’elle a rencontrée. Pour eux, c’est déjà de l’Histoire. Ils n’étaient pas nés à l’époque, les jeunes qui chantent et dansent aujourd’hui devant elle.
Nous avons grimpé au sommet du « mur » de Yaté, qui tombe vers la petite ville, blottie près de sa ria, et abritée derrière son récif « frangeant ». Arrivés au collège, Constance et moi avons laissé Marie-Aude à son animation et Bernard nous a emmenés, Constance et moi, jusqu’au barrage de Yaté, achevé par Edf en 1959.
Les exploitants ont pris des engagements : après avoir gratté la couche superficielle de latérite, ils vont remettre de la terre et planter des arbres pour reconstituer une forêt au lieu et place du « maquis minier » qui s’étendait jusqu’ici sur les espaces labourés puis abandonnés par les mineurs. Nous sommes passés par les chutes de la Madeleine, petit Niagara local au cœur d’un domaine naturel protégé et aménagé. Puis retour à Nouméa vers 16 h.
Paul nous montre des roches pleines de minerai et nous fait découvrir une plante carnivore, une petite fleur rouge minuscule. Il est finalement plus bavard que nous. Nous redécollons aussi naturellement que nous sommes arrivés. Constance est montée devant, à côté du pilote. Paul nous signale la plaine du Champ-de-Bataille où les tribus canaques se faisaient la guerre. Nous revenons sur Nouméa. Paul prend l’axe de la piste comme le ferait un avion et au ras du sol, file jusqu’au cercle jaune où il pose son insecte vert. Pilotage précis, impeccable. Nous le remercions chaleureusement et Juliette nous raccompagne au Ramada Plaza.
22 mai 2024
Journal romain
Rome, printemps 2008
En 2007-2008, je suis animateur au sein de l'aumônerie des lycées de l'enseignement public du centre d'Orléans, baptisée Sichem. La responsable de l'aumônerie est Claire Urfels, qui entrera quelques année plus tard dans les ordres, bénédictine au monastère de Bouzy-la-Forêt (45) sous le nom de sœur Elisabeth de la Trinité. Notre aumônier est le père Gilbert Bonnemort.
Nous nous sommes associés avec une autre aumônerie, Képhas, dont la responsable est Isabelle Fouché, accompagnée par le père Richard Mention, pour emmener nos jeunes en pèlerinage à Rome. Le père Olivier de Scitivaux, bon connaisseur de la ville romaine et ancien aumônier de Sichem, est notre guide.
Le texte qui suit est mon journal de pèlerin.
***
Dimanche 13 avril 2008 : le départ d'Orléans.
Sous un ciel maussade, nous avons rendez-vous à Saint-Dominique à 13 h. Xavier et Françoise [Poisson] sont passés me prendre à la maison avec ma fille Constance. A l’entrée de l’église, c’est une joyeuse effervescence. On se salue, chacun reçoit son « livret du pèlerin » qui va être notre « guide vert » pendant tout le voyage. Programme détaillé de chaque journée, chants religieux et chants profanes, présentation de la Ville éternelle, tout y est prévu, par les soins de Kephas (merci à Isabelle and C° !).
Nous sommes accueillis sous la « tente » par le père Olivier de Scitivaux qui conduit la cérémonie d’envoi en compagnie du père Gilbert Bonnemort, prêtre accompagnateur de Sichem et du père Richard Mention, qui lui, accompagne Képhas. Lectures, chants, homélie nous mettent déjà dans l’ambiance du pèlerinage dont chaque journée sera placée sous le signe d’un sacrement. A l’issue de notre rassemblement, les animateurs sont invités à monter à l’autel pour remettre à chacune et chacun ses insignes de pèlerin, qui l’accompagneront toute la semaine : une petite croix de bois attachée à une cordelette blanche et un foulard de couleur ocre « poché » aux armes, réunies pour la circonstance, de Kephas et de Sichem. Ainsi adoubés, nous sortons sur la place de l’église, bavardant en attendant l’arrivée des autocars. Et c’est l’heure des adieux et de l’embarquement. Chaque autocar a reçu un nom : « Paul » emmène Sichem et les pèlerins adultes, « Pierre » le groupe des jeunes de Kephas, plus nombreux. Au total, nous sommes 96 à faire le voyage. Et c’est parti… pour une vingtaine d’heures de car en perspective ! Les uns lisent, les autres bavardent, quelques écouteurs pointent l’oreille, pour une musique souvent partagée entre voisin/voisine. Sur l’autoroute, je sortirai ma guitare de son étui pour faire chanter la troupe. Progressivement, nous nous enfonçons dans la nuit et dans nos fauteuils, vaguement somnolents ou franchement endormis pour certains. Chaque arrêt nous extrait de notre torpeur et de notre autocar, sur des aires d’autoroute ou dans des stations-service. Avant de repartir, nous recomptons soigneusement les passagers… Nous passons en Italie par le tunnel de Fréjus. La partie nocturne de notre voyage ressemblera d’ailleurs à un long tunnel jusqu’au matin…
Lundi 14 avril : l’Eglise, sacrement du salut.
Le jour s’est levé après la longue nuit passée en car, ponctuée par des arrêts réguliers, toutes les deux ou trois heures, qui nous ont permis de nous déplier et de satisfaire quelques besoins naturels comme par exemple prendre, à moitié endormi, un infect café soluble à 1 euro, brutalement insolé par les néons d’une station-service. Nous atteignons enfin les faubourgs de Rome et contournons la ville par son « boulevard périphérique » pour entrer par le Sud et le quartier dit de l’EUR, l’Exposition universelle de Rome prévue pour 1942 et mise en chantier sous Mussolini, avant guerre. Nous arrivons enfin vers 11 h à la Pensionata. Une plaque posée sur sa façade nous informe qu’il s’agit d’une possession et même d’un territoire du Saint-Siège. Nos chambres n’étant disponibles qu’à partir de 14 h 30, nous entassons nos bagages dans une pièce et rallions l’esplanade qui jouxte la basilique majeure S. Paolo fuori le Mura, Saint-Paul-hors-les-Murs. Là, assis dans l’herbe, nous attaquons le pique-nique prévu par Képhas. Un beau soleil nous accueille. Quelques « Roms » qui nous ont vu arriver eux aussi tournent autour des groupes pour réclamer argent et nourriture, avec le ton geignard de commande, qui émeut ou agace, c’est selon. Les plus jeunes ont bon cœur. Une partie du pique-nique nourrira donc ces premiers pauvres rencontrés à Rome.
En attendant que l’hôtel puisse nous recevoir, nous entrons dans Saint-Paul, après être passé par son grand atrium carré. Choc de la première basilique majeure visitée, avec son immense nef centrale, d’autant plus immense qu’elle est vide de sièges, et ses quatre autres nefs latérales, séparées et soutenues par 80 colonnes de granit. Nous apprenons qu’une plaque de marbre gravée au nom de l’apôtre est placée sous le maître-autel et atteste de l’emplacement de son tombeau depuis le IVème siècle. Olivier inaugure les fonctions de guide qu’il va exercer tout au long de la semaine avec patience et compétence, nous introduisant inlassablement aux origines de la chrétienté et aux sources de notre foi. Un cloître jouxte la basilique. Chacune de ses colonnettes torsadées, décorées de fragments de mosaïque rehaussés d’or, semble unique.
L’heure tourne. Nous revenons à la Pensionata pour prendre possession de nos chambres, y déposer nos bagages et pour certains, récupérer un peu de la nuit en autocar, qui fut courte et hachée. A 17 h, nous allons vivre notre première messe à S. Paolo. Lorsque nous arrivons, des scouts, disposés en carré, écoutent la promesse d’un des leurs. Nous attendons qu’ils en terminent et nous nous installons face à l’abside ornée d’une superbe mosaïque du XIIIème siècle. Nous en verrons d’autres tout au long de la semaine et ne nous en lasserons pas. J’ai amené ma guitare pour accompagner les chants avec Claire ; nous croyons au début pouvoir nous passer du micro mais le son de mon instrument se perd dans l’immense église et la sanction est immédiate : tout le monde chante un ton en dessous. Je renonce à jouer et nous finirons la messe a capella.
Le repas du soir est copieux et commence par un plat de pasta copieusement garni de sauce tomate et de fromage râpé. Nous sommes bien en Italie…
La veillée préparée par Képhas vise à faire se rencontrer un peu aléatoirement les pèlerins par groupe de trois, chacun devant dresser une sorte de portrait chinois de son voisin. Dans la salle à manger qui nous réunit, c’est une joyeuse cohue entre tables et chaises pour retrouver d’abord celui dont la fiche porte le même numéro puis l’interroger sur ses goûts et ses couleurs… Trois trios sont tirés au sort et doivent se présenter en public. L’opération « communication » est réussie.
Toute la troupe est expédiée au lit. Il s’agit de récupérer de la nuit précédente pour être en forme le lendemain matin.
Mardi 15 avril : Le baptême
Nous entamons notre deuxième journée romaine. En fait, la première complète : nous découvrons donc le réveil téléphoné à 7 h, la salle du petit déjeuner, la distribution de ce qui sera l’invariable ( !) pique-nique du jour, composé de deux petits pains sandwiches de prosciutto et de fromage, une barre de céréales, une bouteille d’eau et un fruit, clémentine ou orange. Et hop, tout le monde dans les autocars. Sichem s’est réparti en deux équipes de 10 et 9, baptisées sur le tas « Capitole » et « Palatin ». Capitole est confiée à Marie-Agnès et moi, tandis que François et Xavier conduisent Palatin. Claire et Gilbert accompagneront tantôt l’une tantôt l’autre. Kephas s’est scindé en cinq équipes, avec Richard, leur aumônier, Isabelle, Frédérique,…tandis qu’Olivier prend en charge le groupe des adultes. Rome grisaille mais nous n’aurons que quelques gouttes de pluie, entre deux églises. Direction Basilica S. Clemente, du nom d’un des premiers successeurs de Pierre, connu notamment pour sa lettre aux Corinthiens. Nous passons devant le Colisée et sommes déposés à côté de la villa Celimontana. Nous partons en direction de S. Clemente, tout proche. Première expérience de cheminement de notre groupe qui s’allonge sur les trottoirs étroits de Rome et traverse interminablement les rues devant des automobilistes romains plutôt patients.
S. Clemente est une des plus anciennes églises de Rome, bâtie sur une domus particulière. Il y a en fait trois niveaux que nous allons explorer sous la conduite d’Olivier. La basilique supérieure renferme en son abside une superbe mosaïque du 12ème siècle. La croix relie la terre au ciel et douze colombes y figurent les douze apôtres. Nous descendons dans la basilique inférieure, du IVème siècle. Une fresque relate le martyre de Clément, qui, selon la tradition, fut attaché à une ancre et noyé par la marée montante. Le troisième niveau recèle un petit temple où l’on célébrait le culte au dieu Mithra, reconnaissable, sur une sculpture en bas-relief, à son bonnet phrygien. Le néophyte était arrosé par le sang des bovins sacrifié à l’étage au-dessus, sorte de baptême. Après cette première descente impressionnante dans le passé chrétien et pré-chrétien, nous quittons S. Clemente pour nous rendre à St Jean de Latran.
Nous commençons par visiter le baptistère, fondé par Constantin et où tous les premiers chrétiens de l’empire furent baptisés. Olivier nous explique le rituel de l’époque : hommes et femmes, après s’être déshabillés, étaient immergés complètement à trois reprises, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit, mourant et renaissant ainsi, de façon symbolique, à la vie nouvelle en Christ. De façon insolite, mon portable se met soudain à vibrer et sonner : c’est l’Insee et c’est un étrange rappel pour moi qui suis à 1500 km de Paris et déjà à des siècles du temps présent.
St Jean de Latran est une des quatre « basiliques majeures ». C’est aussi la cathédrale de l’évêque de Rome et le président de la République française fait partie de son chapitre. Il a donc le titre de « chanoine de Latran ». Nous avons entrevu à la télévision, quelques semaines auparavant, les cérémonies d’intronisation de M. Sarkozy. La grande nef de la basilique est présentement vide de toute chaise, comme le sont quasiment toutes les églises « touristiques » de Rome. L’église est décorée de façon impressionnante, chacun des douze apôtres ayant droit à une énorme statue blanche, qui se détache d’une alvéole ceinte de marbre gris, insérée entre deux piliers. Après une visite succincte, nous nous installons vers 11 h dans une chapelle latérale fermée pour y célébrer la messe. Nous sommes assis dans des stalles, tels de bons chanoines.
Après la messe, nous pique-niquons sur le parvis de l’église et dans les environs immédiats. Quelques animateurs dont je suis vont s’offrir leur premier café italien : le cappucino recueille une majorité des suffrages, suivi du « longo » et je dois être le seul à avoir opté pour un expresso, bien serré au fond de ma tasse…
Nous quittons S. Giovanni in Laterano pour rejoindre la Rome antique, la Rome romaine de nos versions latines, avec la découverte guidée du Forum et de ses restes prestigieux. Nous nous rassemblons au pied de l’arc de Constantin, à deux pas de l’énorme silhouette du Colosseo. Nous faisons une première tentative pour pénétrer dans le Forum mais nous arrivons par… l’uscita. Demi-tour. Nous contournons la longue clôture et arrivons à l’entrée : celle-ci est payante, ce dont aucun des « anciens » du pélé n’avait le souvenir et pour cause : c’est une nouveauté. Après une négociation laborieuse à la caisse, dans un mélange d’italien d’opérette et de mauvais anglais, nous obtenons 60 tickets gratuits pour les jeunes, 6 autres pour les accompagnateurs et 6 tickets payants. Une bonne nouvelle quand même : avec ce ticket nous pourrons visiter aussi le Colisée, ce qui n’était pas prévu au programme initial.
L’exploration du Forum commence, guidée par le jeu-découverte préparé par Xavier. Questions, énigmes à résoudre, inscriptions latines à comprendre sinon traduire ponctuent les étapes de notre visite. Les Romains étaient vraiment d’immenses bâtisseurs, du moins leurs esclaves et il y en a de « beaux restes » sur le Forum que nous parcourons en tout sens. Colonnes, temple à Vesta, « basilique », arc votif, chaque ruine y passe et chaque monument « à clé » est décrypté. Un bref commentaire de notre livret du pèlerin en éclaire le nom, l’origine et la destination. Seule la fameuse « louve romaine » nous échappe : nous apprendrons un autre jour qu’il nous aurait fallu ressortir du Forum pour la croiser.
Nous décidons d’aller visiter le Colisée puisque notre ticket d’entrée au Forum nous y donne accès. Visite de ce qui est sans doute le monument le plus impressionnant de la Rome antique (avec les thermes de Caracalla, que nous ne verrons pas). La vue plongeante sur l’arène et son sous-sol donne une bonne idée de la Rome qui vivait et vibrait, deux millénaires auparavant, du « pain et des jeux », le fameux « panem et circenses » qui semble toujours satisfaire l’homme du XXIème siècle.
Nous retrouvons les cars stationnés là où ils nous avaient laissé le matin. Nous sommes un peu en avance et Claire et moi en profitons pour faire une balade dans le parc de la villa Celimontana, jusqu’à la petite église SS.Giovani e Paolo.
Ce soir, c’est « veillée Sichem ». Il s’agit d’un jeu de questions-réponses, concocté par l’équipe des 4ème – 3ème où saint Pierre, le Vatican et les Papes se partagent la vedette. « Ils » ont heureusement oublié depuis longtemps et les questions et les réponses, mais pour respecter un semblant d’égalité, nous avons mêlé les (soi-disant) « experts » de Sichem avec les (présumés) « innocents » de Kephas. Une tablée d’anciens participe au jeu. Je suis chargé de l’animation et c’est une joyeuse foire : je dois hurler pour me faire entendre mais j’y arrive à peu près. L’enjeu d’une éventuelle compétition se perd rapidement dans le tumulte engendré par les cris, les protestations et les fous rires. Une seule équipe ratera une question et sera donc déclarée… vainqueur. J’avais encore assez de questions pour durer jusqu’à minuit, mais au bout d’une demi-heure, il est temps d’arrêter le massacre.
Xavier lance alors sa présentation de la Pieta, au son du Coronation Anthem de Haendel. Les admirables photos de Robert Hupka surgissent du noir et blanc, se répondent ou se mêlent pour mieux se fondre dans la nuit. Elles continueront à tournoyer dans nos esprits habités par cette vision étrange et tendre d’une mère éternellement jeune et de son grand fils, paisiblement abandonné sur ses genoux.
Olivier, très en verve, sûrement inspiré par ce que nous venons de voir, enchaîne un long commentaire sur celle qui, depuis le concile d’Ephèse en 431, a été déclarée « Mère de Dieu », θεοτοκος, et à qui les ciseaux de Michel-Ange ont quasiment donné l’âge de son Fils. Son exhortation déborde au point que Gilbert, dont c’était le tour ce soir-là, doit abréger la sienne. Un « Notre Père » paumes tournées vers le ciel conclut la soirée. Il est suivi de la traditionnelle bénédiction vespérale.
Mercredi 16 avril : la confirmation.
Nous devons être à Saint-Pierre à 8 h ! Ce matin-là, les téléphones sonnent donc dans les chambres à 6 h. Les autocars se faufilent dans une Rome pas encore trop encombrée et déjà ensoleillée. Nous roulons le long du Tibre, apercevant l’île Tiberine qui rappelle l’île de la Cité à Paris, franchissons le fleuve devant le château St-Ange et nous arrêtons face à Saint-Pierre, sur la via della Conciliazione. Le ciel est bleu, le soleil illumine la place Saint-Pierre et ses fameuses colonnades. Nous franchissons sans encombre les portiques de détection qui donnent accès à la basilique. Tout est tellement proportionné dans Saint-Pierre qu’on en oublierait presque qu’on se trouve dans la plus grande église de la chrétienté. Des repères au sol rappellent toutefois que Notre-Dame de Paris ou notre cathédrale Saint-Croix d’Orléans tiendraient facilement dans la nef centrale… Nous nous rendons immédiatement à l’un des sept autels latéraux pour célébrer l’eucharistie. Nous réalisons à peine que nous sommes en train de vivre la messe à deux pas du tombeau de Saint-Pierre. Notre chant semble emplir la basilique et un jeune bedeau italien vient à plusieurs reprises calmer la sono des Francese… Le prêche de Richard s’envole vers les voûtes. Les confirmés et les futurs confirmands seront successivement appelés pour recevoir une bénédiction spéciale de la part des concélébrants. A la fin de l’office, Olivier quitte son vêtement liturgique pour reprendre sa casquette de guide. La basilique s’est emplie de touristes et de pèlerins. Nous nous faufilons dans la crypte qui abrite les tombeaux des papes. La tombe de Jean-Paul II fait l’objet d’une dévotion particulière et une religieuse veille, telle une antique vestale que le défilé des pèlerins, déjà dense, laisse de marbre. Nous remontons dans la basilique en suivant le sens giratoire qui nous fait repasser par l’extérieur de l’édifice. Olivier reprend l’histoire à ses débuts, le martyre de Pierre, sous Néron, dans le cirque tout proche, dont ne subsiste plus comme trace que l’obélisque déplacé et dressé au milieu de la place Saint-Pierre sur l’ordre de Sixte Quint. Puis la construction, le dôme œuvre de Michel-Ange et peut-être inspiré de celui de Florence que nous entreverrons au loin, au retour. Une chasse vitrée expose curieusement à la vue de tous une dépouille cireuse de Jean XXIII. Est-ce lui, est-ce son double façon musée Grévin ? Troublant et pas vraiment nécessaire pour le pape qui voulut Vatican II. La statuaire est par ailleurs très riche. Nous nous arrêtons devant la comtesse Mathilde de Toscane, la première femme ensevelie dans la basilique. C’est elle qui fut l’organisatrice de la célèbre rencontre de Canossa au cours de laquelle l’empereur Henri V dut demander pardon au pape Grégoire VII, qui l’avait excommunié (déliant ainsi ses sujets du devoir de lui payer l’impôt !). L’empereur ne tarda pas à se venger de cette humiliation ! Un peu plus loin, une foule est agglutinée devant la vitre qui protège la Pieta de Michel-Ange, depuis qu’un fou a voulu la démolir à coups de marteau : elle semble toute petite, au loin, perdue, solitaire. Heureusement, nous l’avons vue de près la veille, photographiée sous tous les angles dans le montage préparé par Xavier :
Je fais un petit saut à la Poste vaticane pour expédier mes cartes, avec des timbres colorés, un vitrail à l’effigie de Sainte Elisabeth de Hongrie. De notre point de rendez-vous, l’obélisque, nous partons à l’assaut des musées du Vatican. Il nous faut pour cela longer pour la contourner la longue et haute muraille de brique qui ceinture le Vatican. Dans l’entrée du musée où nous patientons en attendant qu’Olivier achète les tickets, trône une étrange statue moderne, un bloc de marbre blanc d’où se détache un jeune homme à l’allure de Petit Prince monté en graine, poussé en avant (ou retenu ?) par Jean Paul II, sans doute quelque allégorie dont le sens m’échappe. Nous nous fixons des objectifs limités : voir les « chambres » de Raphaël et la chapelle Sixtine, et un rendez-vous à 13 h 30 à la sortie. Nous partons en petits groupes mais après la longue galerie des cartes géographiques anciennes, qui mène aux stanze di Raffaelo, nous serons progressivement dispersés par la foule. Je me retrouve bientôt seul (si je peux dire !) pour contempler L’école d’Athènes, la fameuse fresque où l’on voit côte à côte Platon, le doigt levé vers le ciel des Idées et Aristote désignant au contraire le sol des réalités sensibles… Un peu plus loin, la chapelle Sixtine est également pleine comme un œuf, avec des gardiens italiens qui brament de temps en temps une consigne en italien pour interdire de s’asseoir ou de prendre des photographies. En fait, il faudrait visiter la chapelle Sixtine avec des jumelles car les peintures originales qu’on a l’habitude de voir en reproduction, agrandies, sont tout là-haut, à 20 m au-dessus de nos têtes, là où le doigt de Dieu tendu vers celui d’Adam paraît bien minuscule ! La seule chose qui se donne bien, gigantesque, folle, c’est le Jugement dernier qui occupe tout le mur ouest, derrière l’autel : pas besoin de se tordre le cou pour détailler les élus et les damnés. Un pape pudibond ou obsédé, mû par la Contre-Réforme, ordonna de voiler les nudités les plus voyantes. Ça donne, sur une trentaine de beaux mâles et femelles une sorte de limace noire en guise de cache-sexe, pas très esthétique. Comme quoi, les plus grandes œuvres d’art ne sont pas à l’abri des caprices des princes de ce monde ou des retournements de l’Histoire. Pour terminer cette visite au pas de charge, je passe par la salle égyptienne, entrevoyant une impressionnante momie présentée dans son sarcophage, telle que les archéologues ont dû la découvrir, noire et décharnée. En ressortant du musée, je suis bon dernier – il n’est pourtant que 13 h 15 -et je rends grâce à Gilbert qui s’est dévoué pour m’attendre. Nous reprenons le chemin en sens inverse, vers Saint-Pierre. Cet axe touristique privilégié s’est couvert entre temps de Sénégalais qui proposent, tous les trois mètres, des sacs Prada, Vuitton, Dolce&Gabbana, etc. tous les mêmes, garantis d’origine...
Lorsque nous arrivons à nouveau sur la place Saint-Pierre, Kephas et Sichem ont déjà déballé les pique-niques. Nous nous installons sur les marches, plein soleil, plein sud. Beaucoup y gagneront quelques couleurs, cet après-midi-là.
Après le repas, nous partons à l’assaut du Janicule, par des petites rues où nous nous perdons un moment. L’effort de la montée en vaut la peine. Le passaggiata del Gianicolo, bordé de bustes de garibaldiens, dressés à l’ombre d’immenses pins parasols, offre une vue superbe sur Rome. Olivier nous en fait identifier au loin les principaux monuments. Nous arrivons alors à l’immense statue équestre de Garibaldi : le héros révolutionnaire italien tourne la tête, paraît-il, vers le Vatican, son ennemi. Nous poursuivons notre route jusqu’à l’église San Pietro in Montorio. Nous sommes chez les Espagnols. Olivier nous montre un « tempietto », petit temple circulaire coiffé d’un dôme, œuvre de l’architecte Bramante, et maquette anticipatrice de la coupole de Saint-Pierre. De là, nous empruntons un escalier qui descend directement dans le Trastevere, jusqu’à la piazza S. Maria in Trastevere. Ceux qui ont encore du courage, jettent un œil aux superbes mosaïques du chœur de l’église, mais tous ou presque vont surtout aller faire la queue chez le glacier de la place pour manger leur première gelato italienne. Les marches d’une fontaine accueillent les pèlerins fatigués pour une pause bien méritée. Puis nous nous rendons au lieu de rendez-vous avec les autocars, que nous attendrons une bonne demi-heure, pris qu’ils sont dans la circulation romaine de 18 h. Ce soir-là, nous battrons le record de vitesse de montée en car. Il faut savoir qu’en Italie, les autocars, semble-t-il, n’ont pas le droit de s’arrêter. Ou si peu…
Veillée Képhas. C’est le jeu de la « juste date », à choisir entre trois pour toute une série d’événements de l’Histoire romaine et chrétienne. Là aussi, bonne ambiance, malgré la fatigue du jour. Comme chaque soir, nous prions ensemble pour conclure notre journée de pèlerin.
Jeudi 17 avril : l’eucharistie.
Jour de repos pour nos chauffeurs. Nous prenons pour la première fois le métro romain de bon matin. Cinq stations de Basilica San Paolo jusqu’à Colosseo. De là, notre petite troupe chemine dans la ville, passant devant « la machine à écrire » - c’est ainsi que les Italiens surnomment l’énorme monument blanc dressé en l’honneur de Victor Emmanuel II – puis s’enfile dans les petites rues qui mènent jusqu’à Saint-Louis-des-Français. Nous sommes accueillis par le recteur, à 9 h 30, avant l’ouverture des portes de l’église aux fidèles. Nous foulons la poussière des morts, nous rappelle le recteur, tandis que toute l’architecture et la décoration intérieure, piliers carrés et voûtes en plein cintre, plafonds à caissons richement dorés, placages en loupe de marbre, nous attirent vers le Ciel et ses trésors. Outre qu’elle est un petit bout de France en Italie, admirablement entretenue, du moins à l’intérieur, Saint-Louis renferme un grand trésor dans une de ses chapelles latérales. Trois immenses et sublimes Caravage, peints sur place et qui n’ont quasiment jamais quitté ce lieu, nous attendent.
La vocation de saint Matthieu…
…Saint Matthieu et
l’ange…
… Le martyre de Saint Matthieu.
Suit un commentaire simple et spirituel du recteur, sur l’ombre et la lumière chez Caravage dans ces trois tableaux. Les ados écoutent le recteur, regardent les tableaux, subjugués ou saturés. Certains ont renoncé tout de suite et se sont assis sur une marche d’autel ou restent adossés à un pilier, prolongeant leur nuit ou se protégeant comme ils peuvent de ce doux déluge d’Art et d’Histoire, malheureusement troublé par un organiste qui semble-t-il règle ou accorde bruyamment son instrument.
Sortis de là, éblouis pour certains, accablés pour d’autres, nous partons par équipe à la découverte de la Rome baroque. Pour cela, il faut savoir où aller. Deux petits tubes remplis de pâtes dans lesquelles Xavier a glissé quelques vermicelles en forme de lettres vont fournir les premiers indices. Pour Capitole, Constance et Ivanne les ont étalées sur le parvis et résolvent l’énigme de départ : « Chiesa del Gesù » sera notre première destination. Commence une longue errance dans Rome qui passera par la fontaine de Trevi, le Quirinale, de nombreuses églises, le Panthéon et sa splendide voûte (43,50 de diamètre !), les glaces chez Giolitti, et pour terminer en beauté, l’eucharistie célébrée dans la chapelle du Séminaire français de Rome. Pour certaines églises, il nous faudra faire preuve d’imagination : elles sont quasiment toutes fermées entre 13 h et 15 h et le Guide vert nous sera précieux pour résoudre certains énigmes posées par Xavier dans son jeu.
Après des kilomètres dans Rome parcourue en tout sens, c’est le frère de Claire Urfels, le père Florent Urfels, qui nous accueille au Séminaire pontifical français. Le chœur de la chapelle est décoré d’une très belle mosaïque moderne. La messe sera recueillie. Il faut dire que nous sommes un peu « cuits ». Nous repartons vers le métro du matin pour revenir à San Paolo. Derrière le forum, nous croisons la fameuse louve romaine, discrète statue de bronze qui, présentement, émerge à peine de la façade d’un immeuble en ravalement. Beaucoup, d’ailleurs, passeront devant sans la voir.
La veillée est organisée par Kephas qui nous propose un spectacle « son et lumière » sur les tribulations de Saint Paul autour du bassin méditerranéen telles qu’elles sont rapportées par les Actes des Apôtres. Il y a tout, même les éléments déchaînés sur la mer Méditerranée.
Vendredi 18 avril 2008 : la réconciliation
Nous partons vers 9 h pour les catacombes. Après quelques détours, car une voie d’accès indiquée sur le plan est fermé, nous entrons dans le domaine de Saint Calixte. D’un seul coup, comme par enchantement, nous sommes passés de la ville à la campagne et l’autocar roule lentement sur une petite route bordée de prés très verts. Il y a eu un orage dans la nuit sur Rome et ses environs. Débarqués sur un parking encore vide, nous nous rendons dans une petite salle où un guide entame ses explications. Il a à ses côtés un meuble contenant de grands panneaux verticaux qu’il tire au fil de son exposé et qui présentent tantôt une coupe du terrain, tantôt les symboles utilisés par les premiers chrétiens, la colombe, l’agneau, le poisson, le dauphin, etc. Contrairement à ce qui se passe quand on fait des fouilles, les tombes les plus récentes sont les plus profondes, soulignera Olivier. Il y a trois ou quatre niveaux, jusqu’à – 25 m. Quand le guide a commencé à parler chacun s’est charitablement gardé de se tourner vers son voisin pour réclamer la version sous-titrée : il a pourtant un accent à couper au couteau (allemand, polonais ?), couteau avec lequel il torture et découpe curieusement la phrase française. Il faut s’accrocher pour suivre. Je me contiens pour ne pas exploser de rire. Heureusement, le sujet m’y aide. Curieusement, au bout de quelques minutes, l’oreille s’habitue, comme si un décodeur s’était mis en route automatiquement.
Après cet exposé liminaire, nous plongeons dans les catacombes à la suite de notre guide, par un escalier de pierre un peu raide. Il règne une humidité impressionnante, qui ronge d’ailleurs les fresques, dont seuls les rouges et les ocres restent encore visibles. Les catacombes, ce sont de longs couloirs - vingt kilomètres de labyrinthe à St Callixte - dont les murs sont trouées de niches horizontales où les morts étaient déposés, recouverts de chaux vive et drapés dans un linceul. Une plaque de marbre fermait le tout. Les plaques de marbres ont toutes été cassées et il ne reste plus que les alvéoles, plus ou moins longues. Mortalité infantile oblige, près de la moitié des tombes creusées dans les murs de tuffeau sont celles d’enfants ou de bébés ! A intervalles réguliers, une petite anfractuosité marque la place où était déposée la lampe à huile, seul éclairage de l’époque. Contrairement aux catacombes parisiennes, il n’y a plus aucun ossement visible, l’église de Sainte Praxède en ayant accueilli beaucoup au moment de sa construction et le reste étant protégé des visiteurs. De temps en temps, on entrevoit une pièce où les vivants déjeunaient paraît-il en compagnie des morts, repas dénommé refrigerium (sic). Aujourd’hui, il y a de loin en loin un autel portatif où des petits groupes de pèlerins célèbrent la messe comme au temps des premiers chrétiens, si bien convoqués par ces lieux. Olivier nous a indiqué que contrairement à la légende, les catacombes n’étaient pas un lieu de refuge où les chrétiens persécutés se cachaient. Le pouvoir connaissait parfaitement l’existence de ces « cimetières » qui n’étaient pas non plus un exclusivité chrétienne : on a retrouvé des catacombes judaïques.
Au détour d’un couloir, une salle plus grande, la crypte de Sainte Cécile, abrite la reproduction d’une émouvante statue due à Stefano Maderno, dont l’original se trouve dans l’église dédiée à la sainte. Celle-ci gît à demi-retournée sur le ventre, les doigts des deux mains formant le symbole de la Trinité. Dans cette position, elle pourrait sembler somnoler mais une fine cicatrice encercle son cou : la marque de la décapitation de cette jeune fille d’une noble famille romaine, qui accompagnait les chrétiens dans leur martyre. Jusqu’à le vivre elle-même.
Les cars vont nous emmener jusqu’à la piazza del Popolo pour nous lâcher dans Rome. C’est l’après-midi « quartier libre ». Auparavant, nous pique-niquons sur les hauteurs boisées du Pincio. Nous tombons à la fin du repas sur une dame-pipi qui vient d’inventer une réglementation nouvelle : « ses » toilettes n’accueillent que les adultes, en vertu de quoi les « bambini » (sic) sont priés de rejoindre d’autres lieux à eux destinés.
Rassemblés au pied de l’obélisque (encore un !) où nous nous donnons rendez-vous pour 16 h 45, nous hésitons un moment sur la configuration à adopter : équipe, pas équipe ? Un petit groupe de Sichem a envie de manger un pizza romaine, pour ne pas repartir idiot : ce projet en fédère quelques uns que Claire et moi accompagnons. Les autres suivent Xavier, Françoise, Marie-Agnès, Gilbert à la recherche des souvenirs et des cadeaux à rapporter.
Nous redescendons le Corso à la recherche d’une pizzeria. Le frère de Claire lui a parlé d’une excellent établissement du côté de la piazza Navona. Malheureusement, quand nous arrivons vers 15 h, le service est terminé. Nous nous rabattons sur une pizzeria al taglio, où l’on sert la pizza en quarts que nous mangeons dehors, debout ou tassés sur deux bancs de jardin en plastique blanc. Mission accomplie. Nous continuons notre balade et entrons dans quelques magasins de souvenirs pour trouver l’objet qui va plaire. Je fais un saut à Saint-Louis-des-Français pour acheter un poster d’un des Caravage que nous avons découverts hier. Nous passons aussi par un petit supermarché. Nous finirons par rallier la piazza del Popolo non sans avoir fait un crochet par la splendide Galeria Alberto Sordi, en forme de V et qui donne sur le Corso. En dehors de ses boutiques de luxe, les mêmes que dans toutes les grandes villes européennes, elle présente l’intérêt fondamental d’abriter une des rares toilettes publiques de Rome, que j’ai repérée la veille *. Au retour, je devance le groupe avec Marc pour avoir le temps de voir deux autres Caravage qu’abrite l’église S. Maria del Popolo : La conversion de Saint-Paul et La crucifixion de Pierre. Coincées qu’elles sont, face à face dans le chœur d’une petite chapelle latérale, il faut se tordre le cou pour apercevoir les toiles, superbes là aussi. Sur la piazza, un podium de concert est en cours d’installation. Les essais de sono font vibrer la petite église.
Le soir, avant chaque repas, un petit apéro entre adultes du pélé et animateurs s’est organisé depuis le début de la semaine. Pour le dernier, nous sommes encore plus nombreux. Invariablement, chaque repas aura commencé par un plat de pasta : succès assuré chez les ados, qui compense les sandwiches du midi dont la cote n’a cessé de décroître tout au long de la semaine.
C’est notre dernière veillée, confiée à Sichem. Claire a demandé à chacun de faire un dessin, un poème, bref de laisser une trace de son passage à Rome. Appel entendu. Avec Claire et Marie-Agnès qui nous rejoint, nous assemblons toutes les feuilles recueillies le long d’une ficelle, comme un rappel du linge qui sèche, pendu d’une façade à l’autre, dans les rues étroites de la Rome populaire. Nous organisons le défilé de cet étendage insolite avec quelques jeunes, pendant que Claire égrène les thèmes ou les phrases laissées par chacun. En prélude à la journée du lendemain, consacrée aux vocations, à travers les sacrements de l’ordre et du mariage, nous projetons un montage sur les vocations qui fait défiler une succession de témoins qui se sont levés à l’appel de Dieu tout au long de l’Histoire du Salut, d’Abraham jusqu’à nous. « Et toi ? ». Comme à la fin de chaque veillée, une courte exhortation, un Notre Père et une bénédiction conclut la veillée. Assortie des traditionnelles (et fermes) recommandations d’Olivier en vue d’une (dernière) nuit calme…
Samedi 19 avril
Dernier jour, déjà. Nous montons nos bagages dans les cars et nous reprenons le métro. Nous descendons à Termini, la gare centrale de Rome, modernisée et rebaptisée « Jean Paul II » et marchons jusqu’à notre avant-dernière église, quatrième basilique majeure, Saint-Marie-Majeure. L’Histoire l’a curieusement sertie entre des immeubles. On raconte que la première église du nom fut construite là, sur l’Esquilin, parce qu’il avait neigé le 5 août 356 à cet endroit et que cette neige avait été interprétée comme une circonstance miraculeuse, un signe virginal du ciel. Après cette visite, rapide en dépit des splendides mosaïques, nous sommes sollicités pour la traditionnelle photo de groupe, par un photographe « agréé par le Vatican » (hum !). Il nous donne rendez-vous en début d’après-midi pour nous remettre autant d’exemplaires que nous voudrons de LA photo du pélé…Il tiendra promesse et pour la modique somme de 6 euros, chacun pourra emporter ce souvenir de Rome, de bonne qualité ma foi.
Nous nous rendons ensuite à S. Prassede où nous allons célébrer notre dernière messe romaine. Cette fois, nous occupons la nef et l’église est tout entière à nous. Nous sommes à nouveau face à une merveilleuse mosaïque du IXème siècle, qui occupe toute l’abside. Deux palmiers y symbolisent les deux Testaments, et sur l’un deux, un phénix est perché, signe de la résurrection. Des mosaïques, il y en a aussi dans une chapelle latérale, dédiée à Saint Zénon, qui abrite une « colonne de la flagellation », à laquelle, selon la tradition, Jésus aurait été attaché pour être fouetté devant Pilate. Cette colonne est particulièrement vénérée par les Italiens pendant la Semaine sainte.
En sortant, nous trouvons une sorte de parc, tout proche, pour apprécier notre dernier et invariable pique-nique. Frédérique a la bonne idée de faire tourner une bouteille de vin. A croire qu’elle a fait suivre sa cave à Rome. Excellent Médoc qui améliore l’ordinaire des « monos » comme on nous appelle parfois. Puis c’est l’heure du rendez-vous ultime avec les autocars. Nous les attendrons une bonne demi-heure, en plein soleil, dernière occasion de bronzer. Il fait 25°, cet après-midi-là à Rome et, au démarrage, Claire me confie qu’elle serait bien restée une semaine supplémentaire… ! Elle n’est sans doute pas la seule dans ces dispositions nostalgiques.
Et c’est le long tunnel du retour, qui me paraîtra cependant moins long qu’à l’aller. Pourtant, nous devrons stationner une heure et demie à l’entrée du tunnel du Fréjus : nous sommes tombés le soir où ils changent les ampoules ! Après la nuit, il y a encore quelques belles énergies pour chanter. Nous ferons même plusieurs canons, incluant la partie avant du car (i.e. les « anciens »). Le chauffeur nous fera simplement savoir qu’il a une chose en horreur : les concours de hurlement entre les deux travées du car. Nous n’insisterons pas. Qui veut voyager loin, ménage son cocher. Et, au retour de Rome, tous les chemins ne mènent peut-être pas à Orléans, même si notre ville doit son nom à la Via Aurelia qui en vient… Nous arrivons dimanche à 12 h 30, sous le même temps maussade qu’au départ mais chacun est plein d’images, de souvenirs et les visages apportent à ceux qui sont restés quelques rayons du soleil romain. Il faut se séparer pourtant. Mais personne, je pense, n’oubliera cette semaine passée ensemble, au nom du Père, du Fils et du Saint-Esprit… Amen !
Pierre-Michel Robert
30 avril
2008
* J’exagère : Rome soigne au moins ses pèlerins puisque chacune des quatre basiliques majeures est nantie de toilettes publiques, accessibles parfois de l’intérieur même de l’église !
Edmund Husserl
Avertissement : cette présentation de la philosophie d'Edmund Husserl provient de notes que j'ai prises pendant le cours donné par...
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